Medgaz, le défi, la suprématie stratégique, l’indépendance
Deuxième partie : Medgaz, le défi relevé, l’indépendance affirmée et la technologie mise en branle.
Le centre de compression
C’était en effet une véritable aventure que nous entamions à partir du dernier portail qui séparait les différentes installations du monde extérieur. Le bruit des machines résonnait comme les battements d’un cœur, les travailleurs, certains expatriés, s’affairaient chacun dans sa spécialité, dans une symbiose parfaite et une complémentarité exemplaire.
Nous nous sommes dirigés, les yeux écarquillés, vers l’arrivée du gaz à partir du terminal de Sonatrach, mitoyen du centre et séparé juste par une clôture de béton. Nous apprenons que le gaz est acheminé à partir de Hassi R’mel par pipeline et injecté, après traitement et filtration, vers la station de compression de Medgaz.
M. Boukhalfa nous montre une grande vanne et nous explique que c’est la vanne d’arrivée munie d’un système de fermeture automatique qui s’actionne en cas de danger, évitant ainsi la propagation d’un éventuel incendie vers les installations de Sonatrach. De là, le gaz est poussé vers de gros tuyaux blancs et jaunes et passe par des équipements d’analyse puis est filtré une deuxième fois. A partir de là, le gaz doit posséder les qualités contractuelles pour être directement envoyé vers le client, en Espagne.
De là, le gaz est dirigé vers le cœur du système, c’est-à-dire les unités de compression : « arrivé là, le gaz est compressé à basse pression (40 bars) puis passe par un système de tuyauterie pour être refroidi grâce à des aéro-refroidisseurs, de grands ventilateurs fixés au-dessous des turbines qui tournent à grande vitesse. Une fois refroidi, le gaz retourne dans les turbines pour être compressé une deuxième fois sous haute pression (jusqu’à 200 bars) avant d’être injecté dans les pipelines pour se diriger vers Almeria (Espagne) à 210 km de là, sous la mer », nous a expliqué notre guide, maitrisant son sujet de manière parfaite.
Station de Compression
Nous apprenons aussi que plus de 200 personnes se trouvent sur place pour assurer la bonne marche des installations, surveiller les lieux, réparer les défaillance et assurer la continuité du transport du gaz vers l’Espagne sans aucun arrêt.
Toujours dans le but d’éviter tout arrêt intempestif, Medgaz a opté pour le système de 2+1, c’est-à-dire que sur les trois turbines de compression qui composent le centre, il y en a toujours une qui se trouve en stand-by pour parer à toute éventualité.
En outre, les stations de compression utilisent une partie du gaz reçu de la part de Sonatrach pour leur fonctionnement.
Les pistons racleurs
C’est un outil utilisé pour l’entretien des gazoducs. Il est installé juste avant le début du gazoduc Medgaz qui passe sous la mer : « nous envoyons un piston par le biais de ce racleur qui nettoie l’intérieur de tout le pipeline et ressort de l’autre côté, à Almeria », précise M. Boukhalfa. Il continue en nous informant que le même système utilise des pistons intelligents qui inspectent l’intérieur du gazoduc et envoient des photos de haute résolution et très précises qui permettent de détecter la moindre anomalie dans la structure du pipeline et de réparer les pannes en temps opportun.
Détecteurs de gaz, de fumée, de chaleur
Au niveau du centre compresseur de Béni Saf, rien n’est laissé au hasard en matière de sécurité. Outre toutes les autres mesures, des détecteurs sophistiqués de gaz, de fumée, de chaleur sont installés dans tous les coins et recoins du centre. Dès que l’appareil détecte une menace, la salle de contrôle reçoit une alerte et des analyses multiformes sont aussitôt menées, de manière automatique. Au cas où le danger devient réel, c’est automatiquement que tout se déclenche : l’arrivée du gaz est coupée au niveau de la vanne d’arrivée, les turbines sont mises à l’arrêt en urgence, la vanne de sortie est aussi fermée et un système de ventilation pousse les gaz se trouvant dans les turbines, dans les tuyaux et dans le pipeline vers la torche où ils sont aussitôt brulés, pour éviter tout danger.
En cas d’incendie : « c’est le même procédé qui est mis en branle de manière automatique et un système anti-incendie automatique se déclenche. Des jets d’eau sont dirigés vers les turbines pour les refroidir et éviter tout risque d’explosion. Ce n’est pas tout. A l’intérieur des turbines, c’est une autre défense qui se déclenche, isolant complètement les différentes parties grâce à des jets d’eau à très haute pression formant un véritable mur anti-feu, ainsi que de l’azote liquide qui aide à l’extinction du feu.
Exercice de simulation d’incendie
Notre visite du centre de compression n’était pas encore terminée que nous avons appris qu’un exercice de simulation d’un incendie allait être mené le lendemain. A l’heure dite, nous étions déjà sur place et nous nous trouvions à l’intérieur de la zone de process quand des haut-parleurs disséminés à travers l’ensemble du centre avertirent qu’il y avait une alerte au feu. Tous ceux qui se trouvaient dans les endroits sensibles se sont aussitôt préparés à toute éventualité. Les moteurs des engins et des machines qui circulaient à l’intérieur de la zone sensible ont été éteints et les sources d’étincelles fermées. Deux minutes plus tard, l’ordre d’évacuation fut donné et tous les employés se mirent en branle, marchant sans précipitation, empruntant les voies goudronnées pour éviter tout risque. Nous nous mîmes nous aussi en mouvement et nous nous sommes dirigés vers le même endroit que les autres, c’est-à-dire vers le point de rassemblement, comme nous l’avait recommandé le chef du service sécurité dès notre arrivée. Aussitôt l’enceinte évacuée, des jets d’eau ont jailli des installations anti-incendie et ont été dirigés vers un système de tuyauterie sensé être en feu.
Moins de dix minutes après, les haut-parleurs annoncèrent que le danger était écarté et chacun reprit le chemin de son poste de travail.
Augmentation des capacités du centre de compression
Le gazoduc Medgaz étant stratégique pour la pérennité du transport de gaz directement vers l’Espagne et l’Europe tout en assurant l’indépendance de l’Algérie dans ses transactions, il a été décidé d’augmenter les capacités du gazoduc qui sont actuellement de 8,2 milliards m3/an pour les porter, dans un premier temps à 10 milliards : « l’extension du centre de compression se fera en deux phases : la première est déjà presque terminée et concerne la construction d’une quatrième station de compression qui sera mise en service dans un peu plus d’un mois et qui permettra d’augmenter les capacités de deux milliards de mètres cubes an supplémentaires pour porter le total à 10,2 milliards dès le début de l’année 2022. La seconde phase concernera la construction de deux autres stations (5 et 6) afin de porter la capacité totale à 15 milliards ou plus encore », explique notre cicérone. Mais il y a lieu de noter qu’en cas de construction des deux autres stations (5 et 6), il sera nécessaire de poser une deuxième ligne de pipelines en parallèle à la première. D’ailleurs, au départ de Béni Saf et à l’arrivée à Armelia, les promoteurs du gazoduc ont déjà procédé à la mise en place du départ de cette deuxième ligne et à son arrivée.
Turbogénérateurs électriques
Le centre de compression de Béni Saf dispose de sa propre source d’électricité par le biais de deux turbogénérateurs qui lui fournissent toutes l’électricité nécessaire, sans les laisser tributaire de Sonelgaz ou d’une autre source. L’un des deux turbogénérateurs fonctionne d’ailleurs au gaz, qui se trouve sur place et l’autre au mazout, ce qui évite toute mauvaise surprise. Outre cela, une ligne électrique haute tension de la Sonelgaz est maintenue en stand-by au cas où les deux turbogénérateurs tomberaient en panne en même temps. Il y aussi un groupe électrogène de grande capacité, ce qui ne laisse place à aucune surprise dans ce cadre.
Citerne de stockage d’eau de 300 m3
L’eau étant nécessaire pour toute forme de vie ainsi que pour la lutte contre les incendies, notamment dans ces installations hautement dangereuses, le centre de compression de Medgaz à Béni Saf dispose d’une citerne de stockage d’eau d’une capacité de 300 m3, ce qui est suffisant pour lutter contre d’éventuels incendies.
Quand la stratégie de Sonatrach porte ses fruits
Ainsi, il est loisible de constater que la vision stratégique de notre compagnie pétrolière nationale Sonatrach a été très juste, et elle l’est d’ailleurs, et les fruits de cette stratégie sont là, visibles devant nous. En effet, l’Algérie a eu toute latitude de rompre le contrat pour le gazoduc qui passait par le Maroc pour opter, non seulement pour un moyen plus sûr, mais plus indépendant et plus économique, la faisant gagner sur tous les plans.
Tahar Mansour