Nationalisation des hydrocarbures : Une date, une histoire et une détermination algérienne
24 février 1971 : Feu Houari Boumediene annonce à la Maison du Peuple à Alger, siège de l`Union générale des travailleurs algériens (UGTA), une décision historique qui met définitivement sur les rails le processus de développement économique et social du pays.
La teneur de cette décision: l’acquisition par l`Algérie, après un long processus de négociations entamé en 1967, d’au moins 51% des intérêts des sociétés concessionnaires françaises qui opéraient dans le sud du pays où activaient également d`autres grandes multinationales (BP, Esso, Shell, Mobil…).
La nationalisation des hydrocarbures, a ainsi, permis à l’Algérie de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles et de récupérer sa manne pétrolière, tout en ouvrant la voie aux grands chantiers de développement socio-économique du pays.
Elle a été suivie d`une ordonnance signée le 11 avril 1971 promulguant la loi fondamentale sur les hydrocarbures, qui définissait ainsi le cadre dans lequel devrait s`exercer, dorénavant, l`activité des sociétés étrangères en matière de recherche et d`exploration des hydrocarbures.
A la faveur de cette décision stratégique, l`Algérie est arrivée à détenir au moins 51% des intérêts des sociétés concessionnaires françaises comme CFPA, Petropar, SNPA, Coparex et autres Omnirex, Eurafrep et Frabcarep.
Tous les intérêts miniers portant sur les gisements de gaz naturel ainsi que l’ensemble des intérêts détenus dans les sociétés de transport d’hydrocarbures ont également été nationalisés ce 24 février 1971.
Le règlement définitif des différends résultant de cette décision est intervenu par la signature, le 30 juin 1971 entre Sonatrach et CFPA, et le 13 décembre de la même année entre Sonatrach et ELF-ERAP, d`accords sur les nouvelles conditions régissant leurs activités en Algérie.
Un Groupe, des mutations
Sonatrach est créée le 31 décembre 1963, avec pour objectif principal le transport et la commercialisation des hydrocarbures et se déployer progressivement dans les autres segments de l’activité pétrolière.
En 1964, Sonatrach lance la construction du premier oléoduc algérien OZ1, d’une longueur de 805 km, il relie Haoud El Hamra à Arzew.
C’est le début de la grande aventure dans le gaz, en mettant en service le premier complexe de liquéfaction de gaz naturel GL4Z Compagnie algérienne du méthane liquéfié (CAMEL), d’une capacité de traitement de 1,8 milliard m3 de gaz par an.
En 1965, la première campagne sismique de recherche d’hydrocarbures est lancée par Sonatrach avec l’implantation de 3 forages.
En 1966, l’oléoduc OZ1, ouvrage d’une grande portée stratégique, est mis en service. Il permet d’augmenter les capacités de production et d’acheminement des hydrocarbures de près de 30 %.
Les missions de la Sonatrach, limitées à la gestion des pipelines et à la commercialisation, sont élargies à la recherche, à la production et à la transformation des hydrocarbures. Sonatrach devient la société nationale de recherche, production, transport, transformation et commercialisation des hydrocarbures et de leurs dérivés.
En 1967, l’Algérie se lance dans un processus de nationalisation des activités de raffinage et de distribution, au terme duquel Sonatrach est à la tête de la distribution des produits pétroliers sur le marché national et inaugure la première station-service aux couleurs de l’entreprise. Première découverte de pétrole à El Borma (Hassi Messaoud Est).
Sonatrach devient majoritaire (à plus de 50 %) dans le transport terrestre des hydrocarbures en Algérie, elle crée ses sociétés de services et détient le monopole dans la commercialisation du gaz.
Sonatrach se lance aussi dans la réalisation d’une usine d’ammoniac et prévoit la construction d’un complexe de produits pétrochimiques à Skikda et l’aménagement d’un port méthanier.
En 1968, un développement sur toute la chaine des hydrocarbures, Sonatrach multiplie ses découvertes de pétrole, découverte de gaz à Gassi EL Adem, au sud Est de Hassi Messaoud. Sonatrach est autorisée à transporter des hydrocarbures gazeux en provenance du gisement d’Hassi R’Mel et des zones productrices algériennes, à travers le gazoduc Hassi R’Mel–Skikda.
En 1969, l’entreprise débute les premières opérations d’exploitation pétrolière par ses propres moyens sur le champ d’El Borma.
Le 24 février 1971, la nationalisation des hydrocarbures décidée par l’Algérie en février 1971 inscrit la compagnie nationale des hydrocarbures dans une nouvelle dynamique, les objectifs de l’entreprise portent alors sur l’extension de toutes ses activités à l’ensemble des installations gazières et pétrolières et l’atteinte de la maîtrise de toute la chaîne des hydrocarbures5.
Cette année-là est aussi marquée par l’acquisition du premier méthanier baptisé au nom du gisement gazier d’Hassi R’Mel.
Locomotive de l’économie nationale
Au-delà de son caractère politique, le recouvrement de la souveraineté nationale sur le secteur des hydrocarbures avait enclenché la montée en puissance sur la scène régionale et même internationale de la Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach), qui venait de boucler sa huitième année seulement.
Confrontée au défi technique de prendre le relais aux multinationales qui monopolisaient l`exploitation des richesses nationales, Sonatrach a pu relever cet enjeu en l`espace de quelques années avant d`atteindre à la fin des années 1970 un niveau appréciable d`intégration dans les différents segments liés à l`industrie pétrolière et gazière internationale, allant de l`exploration et production à la commercialisation.
50 ans après la nationalisation des hydrocarbures, Sonatrach a, selon son premier responsable, Toufik Hakkar, su bâtir une industrie solide, couvrant les activités de l’amont et de l’aval pétrolier et gazier avec notamment 177 gisements d’hydrocarbures en exploitation et 77 gisements en phase de développement, un réseau de transport par canalisation important, six raffineries de pétrole et de condensat et une flotte de transport maritime.
Depuis plus de 50 ans, Sonatrach joue en effet, pleinement son rôle de locomotive de l’économie nationale.
Elle a pour mission de valoriser les importantes réserves en hydrocarbures de l’Algérie. Cet acteur majeur de l’industrie pétrolière, surnommé la major africaine, tire sa force de sa capacité à être un groupe entièrement intégré sur toute la chaine de valeur des hydrocarbures.
Dans l’Amont, Sonatrach opère, en effort propre ou en partenariat avec des compagnies pétrolières étrangères, des gisements parmi les plus importants du monde dans différentes régions du Sahara algérien : Hassi Messaoud, Hassi R’Mel, Hassi Berkine, Ourhoud, Tin Fouyé Tabankort, Rhourde Nouss, In Salah et In Amenas.
En matière de transport, le Groupe dispose d’un réseau de canalisations extrêmement dense qui s’étend aujourd’hui sur près de 22 000 kilomètres sur le territoire national. La Compagnie a également aménagé quatre ports pétroliers de chargement d’hydrocarbures : Alger, Arzew, Bejaia et Skikda afin de permettre le chargement et le déchargement de gros tankers d’une capacité de 80 000 à 320 000 TM et de méthaniers.
Dans l’Aval, Sonatrach qui emploie sur le territoire national près de 50 000 employés permanents et plus de 200.000 personnes à l’échelle du Groupe, compte six raffineries en activité sur le territoire et deux complexes pétrochimiques, quatre complexes Liquéfaction GNL et deux complexes Séparation GPL.
Le Groupe compte 154 filiales et participations dont une quinzaine détenues à 100 % et œuvrant au quotidien à la valorisation de la chaine de valeur pétrolière et gazière du pays. Parmi celles-ci, figurent notamment l’Entreprise Nationale de Géophysique « ENAGEO » l’Entreprise Nationale de Forage « ENAFOR », l’Entreprise Nationale de Grands Travaux Pétroliers « ENGTP » ou la société nationale de commercialisation et de distribution des produits pétroliers « NAFTAL »
Un taux d’intégration nationale de 55%
Créée moins d’un an et demi après l’Indépendance, Sonatrach a connu un développement exponentiel en interne et à l’international où elle marque sa présence en Afrique, en Europe et dans les Amériques, devenant ainsi un major africain, la première entreprise d’Afrique et le 12 ème groupe pétrolier au niveau mondial.
Mais cette évolution ne s’est pas faite sans soubresauts, notamment avec l’instabilité chronique de son management au sommet depuis le début des années 2000. Ce qui n’est pas sans conséquences sur sa bonne marche, ses intérêts et son image de marque à l’étranger.
Elu en décembre 2019, le président Abdelmadjid Tebboune œuvre à remédier à cette préjudiciable valse des managers à la tête de la vénérable compagnie nationale. Le début d’une nouvelle stabilité de l’encadrement, comme durant les années Boumédiene, est peut-être venu.
La nomination de Toufik Hakkar, un enfant de Sonatrach, issu de ses entrailles et qui en connait les arcanes, inaugure cette nouvelle ère de stabilité voulue par le chef de l’Etat.
Pour le nouveau PDG de Sonatrach, les ambitions de l’entreprise sans grandes. Dans le cadre de sa stratégie SH2030, Sonatrach affiche clairement son ambition de devenir l’une des cinq premières entreprises pétrolières nationales parmi les plus performantes et les plus rentables de l’industrie énergétique mondiale.
Les maîtres mots de sa nouvelle stratégie sont l’excellence opérationnelle et l’innovation pour rester l’étendard de l’économie algérienne. Sonatrach vise également, un taux d’intégration nationale de 55 % d’ici 2030.
En tant que principal investisseur industriel en Algérie, Sonatrach participe activement au soutien du tissu industriel local.
Le groupe prévoit de réaliser d’ici 2030 des investissements sur le territoire national de plus de 59 milliards de dollars dont 45,8 milliards de dollars dans l’activité Exploration-Production, 8,6 milliards de dollars dans le Raffinage-Pétrochimie et 2,3 milliards de dollars dans le transport par canalisations.
À l’horizon 2030, le Groupe vise sur plus de 68 milliards de dollars de revenus supplémentaires, dont 50% contribueront à la richesse nationale et 50% seront investis dans le renouvellement des réserves, les capacités de production, la formation du personnel et le développement de l’expertise dans l’Entreprise.
« Dans le cadre de notre plan à moyen terme 2020-2024, nous avons prévu de consentir un niveau d’investissement de l’ordre de 45 milliards de dollars, dont environ 73% seront dédiés au segment exploration et production et 17% au segment raffinage et pétrochimie », affirmait récemment Toufik Hakkar, dans un entretien à La Patrie News.
Ainsi, en matière d’exploration-production et malgré la crise actuelle, Sonatrach mènera à terme ses projets de développement des gisements afin d’assurer les apports nécessaires en production d’hydrocarbures et procédera à l’optimisation de ses investissements en matière d’exploration en ciblant les meilleurs prospects pour assurer le renouvellement de ses réserves.
Elle poursuivra également, en compagnie de ses partenaires, ses travaux d’exploration dans l’offshore et ses études dans le non-conventionnel afin de confirmer le potentiel existant.
En matière de raffinage, et en vue de satisfaire à 100% les besoins du marché national en carburants, principalement en essences et en gasoil, il est question de la mise en service à partir de 2024 la nouvelle raffinerie de Hassi Messaoud, d’une capacité annuelle de 5 millions de tonnes. Nous comptons également lancer la réalisation d’une unité de craquage de fuel de 5 millions de tonnes par an pour la production du gasoil au niveau de la raffinerie de Skikda.
En matière de pétrochimie, la Sonatrach, s’est associée à la compagnie Total pour la réalisation, en partenariat durant ce PMT, d’une unité de déshydrogénation de propane et de production de polypropylène à Arzew et avec la société turque Ronesans, pour la réalisation d’un projet similaire en Turquie.
Cap sur les performances
L’optimisation et la rationalisation des coûts, sans porter préjudice au fonctionnement de l’entreprise, afin d’améliorer, dans l’immédiat, sa compétitivité et sa résilience, constitue l’objectif principal de la Sonatrach actuellement, assure son PDG Toufik Hakkar.
L’objectif, selon lui, est «d’améliorer, dans l’immédiat, la compétitivité du groupe et d’atténuer ainsi l’effet de la baisse des prix du pétrole sur ses résultats».
C’est dans cette optique que Sonatrach a initié, des mesures visant le déploiement d’initiatives d’optimisation des coûts sur l’ensemble de ses activités, parmi lesquelles figure la création de la Direction Projet COST ( Cost Optimization System Tracking).
La stratégie d’exécution du projet est basée sur des axes majeurs, expliquait dans un entretien, à l’Actuel, un magazine mensuel de l’économie, Lazhar Mahboub, directeur du projet COST.
Axe 1 : Il s’agit d’un axe prioritaire qui a pour objectifs principaux l’identification des centres des coûts, de faire des analyses approfondies pour sortir avec des directives et solutions d’optimisation des coûts.
Axe 2 : Un axe que l’on veut « participatif «, qui a pour but l’implémentation d’une culture de l’optimisation via un système participatif qui vise une amélioration durable et efficace des performances dans les domaines d’activité.
« Auparavant, nous parlions de réduction des coûts de manière sectorielle, chacun dans son domaine respectif, mais sans organisation concrète de ce volet. Ce qui est nouveau, c’est la création d’une Direction projet, organique avec une stratégie d’exécution qui découle directement des directives et orientations du top management. Donc, l’optimisation des coûts est une démarche qui s’inscrit dans le temps (action durable) et qui permettra à notre Groupe de faire face aux défis de conjoncture, principalement sur le plan économique », a-t-il ajouté.
Parlant de la résilience du Groupe Saontrach prônée par son PDG, Lazhar Mahboub, a rappelé dans ce sens, que Toufik Hakkar a mis en place une démarche stratégique ayant pour objectifs : l’identification des centres de coûts budgétivores, la mise en œuvre d’une culture d’entreprise basée sur l’optimisation des coûts et la mutualisation des moyens humains et matériels qui permettra, in fine, de renforcer son équilibre budgétaire et sa capacité de résilience.
Cela permettra, en substance, de renforcer le fonctionnement de Sonatrach, en le rendant imperturbable face aux crises pétrolières.
A terme, le Groupe aura mis en place une ingénierie qui lui permettra d’anticiper ou de proposer des alternatives à la volatilité des prix du baril.
Meriem Maram Houali