Palestine occupée : Une fin de cavale embrase la Cisjordanie
Quatre des six Palestiniens évadés de prison le 6 septembre ont été arrêtés. Les inquiétudes concernant leur sort ont suscite un mouvement de protestation des détenus, qui pourraient entamer une grève de la faim, vendredi. Ils sont devenus des héros dans les territoires occupés et le scénario de leur évasion est digne d’un film hollywoodien. Six Palestiniens étaient parvenus, le 6 septembre, à s’échapper de la prison israélienne de haute sécurité de Gilboa (Nord) via un tunnel creusé au pied de l’évier d’une cellule, provoquant une gigantesque chasse à l’homme et un déploiement de l’armée autour de Jénine, secteur de la Cisjordanie d’où les fugitifs sont originaires. L’audace de l’évasion et le fait que les prisonniers n’aient pas été repris sur-le-champ ont entraîné le fol espoir que ces derniers parviennent à rejoindre la frontière jordanienne, située à une vingtaine de kilomètres de la prison de Gilboa, mais quatre d’entre eux ont été retrouvés par la police israélienne en fin de semaine dernière. Parmi eux : Zakaria Al Zoubeidi, leader des brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah, qui officiait dans le camp de Jénine, l’un des bastions de la contestation armée, ainsi que Mahmoud Abdullah Ardah, qui a passé vingt-cinq ans en prison pour des attaques contre l’État hébreu et est présenté comme l’architecte de l’évasion. L’affaire a fait la une de tous les médias, israéliens comme palestiniens, et les fugitifs ont sans surprise été traités soit comme des « terroristes » , soit comme de véritables héros. Elle pourrait également servir de détonateur à un mouvement de grande ampleur, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons israéliennes. Des détenus palestiniens menacent d’entamer, ce vendredi, une grève de la faim pour protester contre les initiatives prises par les autorités pour durcir encore davantage les restrictions appliquées aux prisonniers dans le sillage de cette évasion. Un mouvement qui intervient dans un contexte d’extrême tension, autant à Gaza qu’en Cisjordanie. Les manifestations se succèdent le long de la frontière ultrasécurisée qui sépare Israël de l’enclave soumise à un impitoyable blocus, de même que les heurts entre les forces de police et une population palestinienne à bout de souffle. Lundi, une nouvelle attaque au couteau a blessé deux Israéliens près de la gare routière centrale de Jérusalem, avant que l’assaillant ne soit « neutralisé » par une garde-frontière. Alors que le gouvernement de coalition emmené par le premier ministre d’extrême droite, Naftali Bennett, refuse catégoriquement toute relance réelle du processus de paix, le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, a présenté, dimanche, un projet censé « améliorer » les conditions de vie des Palestiniens dans la bande de Gaza, comprenant la construction d’une usine de dessalement de l’eau, une connexion au gaz, la réparation des installations électriques ou l’aménagement d’un port. Mais I’entité sioniste compte sur ses partenaires américain et arabes pour payer la facture et jouer les intermédiaires. Naftali Bennett s’est rendu, lundi, pour une brève visite en Égypte, la première d’un chef de gouvernement israélien en dix ans, pour évoquer avec le président Abdel Fattah Al Sissi les questions « sécuritaires » et les « efforts pour relancer le processus de paix », au point mort depuis 2014. En un an, quatre pays arabes ont entamé une « normalisation » de leurs relations avec Israël : Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan. D’autres pourraient suivre, à l’instar de l’Arabie saoudite qui collabore déjà discrètement avec l’entité sioniste. Autant d’accords qualifiés de « coups de poignard dans le dos » par une classe politique palestinienne elle-même largement contestée et de plus en plus isolée. Les deux prisonniers Palestiniens, Mahmoud et Muhammad Ardah, qui s’étaient évadés de la prison de Gilboa avec 4 de leurs camarades et qui furent arrêtés de nouveau, ont enfin pu rencontrer leurs avocats pour la première fois. Muhammad raconte qu’il a été menacé de mort par les instructeurs des services dit “de sécurité” israéliens. “J’ai été torturé et n’ai pu aller à l’infirmerie pour soigner mes blessures subies lors de mon arrestation qu’une seule fois. Je suis soumis à des interrogatoires musclés, continus et sans fin. Je suis victime de chantages vis-à-vis de membres de ma famille pour avouer des faits et des actes que je n’ai pas commis. J’ai été transféré au centre d’interrogatoire tout nu et ai été maintenu dans cet état durant des heures. Ils étaient plus de vingt à m’interroger dans une salle minuscule. Je n’ai eu le droit de dormir qu’une dizaine d’heures au total depuis mon arrestation. J’ignore tout sur le sort des autres camardes arrêtés.” Muhammad poursuit: “Une fois dehors, je n’avais qu’une envie, revoir ma mère et l’embrasser.” Condamné à perpétuité, âgé aujourd’hui de 39 ans, Muhammad a déjà passé 22 ans en prison. Mais il garde espoir de revoir un jour sa mère, conclue son avocat.
R.I.