Presse marocaine : entre répression systématique et détention politique
L’Association marocaine des droits humains, de concert avec l’ASDHOM, une organisation basée en France, anime ce jeudi une conférence virtuelle relative à la liberté de la presse et aux droits bafoués des journalistes activant au royaume chérifien.
Cette rencontre, apprend-on de sources bien informées, intervient à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse. En présence de plusieurs intervenants et participants, dont un représentant de RSF (Reporters sans frontières), intervient sous ce terme générique très évocateur : « la répression systématique et la détention politique. Cas de Souleimane Raissouni et Omar Radi ».
ces deux journalistes sont en effet en prison depuis de nombreux mois pour des motifs assurément politiciens. S’il est avéré qu’il ne fait franchement pas bon vivre pour un journaliste honnête au royaume chérifien, cet amer constat n’a jamais été plus vrai, ni plus aggravé que sous le règne du roi Mohamed VI.
Au Maroc en effet, les journalistes demeurent souvent des «victimes de harcèlement judiciaire», selon le dernier classement de Reporters sans frontières (RSF) relatif à la liberté de la presse dans le monde. Le royaume a perdu trois places, passant à la 136e position, dans un contexte international marqué par un resserrement de l’étau sur la presse. Sur 180 pays, le Maroc est désormais 136e en termes de liberté de la presse, reculant ainsi de trois places.
Dans son classement mondial pour l’année 2021, RSF) a indiqué que le royaume s’est classé 133e l’année dernière. Ce recul est dû au fait que les journalistes et médias marocains «continuent d’être victimes de harcèlement judiciaire», selon l’ONG internationale, qui fait état de «pressions judiciaires contre les professionnels de l’information».
«Outre les procès qui se poursuivent depuis des années contre plusieurs professionnels des médias, de nouvelles actions en justice ont été intentées contre les journalistes, les impliquant dans des affaires de mœurs», a analysé RSF. Dans la partie qui concerne le Maroc, Reporters sans frontières note que «le déroulement des procès, la surmédiatisation et la diffamation qui accompagnent ces procès privent la victime et l’agresseur présumé de certains de leurs droits».
L’ONG considère ces procédés comme une «instrumentalisation récurrente de la parole des femmes dans ces affaires judiciaires». Encore faudrait-il ajouter que la justice n’est jamais indépendante dans ce genre d’affaires sordides. Le baromètre de RSF relatif aux journalistes professionnels incarcérés à travers le monde retient que trois d’entre eux le sont au Maroc. Dans ce contexte, l’ONG évoque «des peines sévères» précédemment prononcées.
Les professionnels concernés sont l’ex-directeur de publication du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum, Taoufik Bouachrine, condamné en appel en 2019 à 15 de prison ferme pour «traite d’êtres humains», «abus de pouvoir à des fins sexuelles» et «viol et tentative de viol», l’ancien rédacteur en chef du même journal, Soulaimane Raïssouni ainsi qu’Omar Radi, tous deux placés en détention dans le cadre d’affaires en cours.
Les auteurs du rapport estiment que les charges retenues sont «sans rapport avec leur travail journalistique» et soulignent des audiences «systématiquement reportées», en plus de «demandes de mise en liberté provisoire généralement refusées». Dans le cas de Raïssouni et de Radi, RSF fait état d’un placement en détention provisoire, d’une durée respectivement de huit et de onze mois, avec pas moins de 10 demandes de mise en liberté provisoire rejetées.
Reporters sans frontières a également évoqué les grèves de la faim observées par les journalistes emprisonnés, considérés comme «victimes d’un système judiciaire inique». «Ces journalistes ont dû mettre leur vie en danger en entamant une grève de la faim pour soutenir leur droit à un procès équitable», a noté le rapport.
C’est le cas de Soulaimane Raïssouni depuis le 8 avril et d’Omar Radi, un jour plus tard. Le cas de Maâti Monjib est également cité, rappelant sa remise en liberté sous conditions, fin mars, après 19 jours de grève de la faim et trois mois de détention préventive. En parallèle, c’est la presse dite de diffamation qui a le vent en poupe. Celle-ci est choyée et protégée par les services de sécurité et de renseignement dirigés par Abdellatif Hammouchi.
Elle a pour rôle de détruire socialement, médiatiquement et professionnellement toute les voix dissonantes et « balançant » contre eux des dossiers diffamatoires, essentiellement liés à des questions de mœurs. Mohamed VI se transforme ainsi en maitre chanteur pour faire taire toutes les voix qui dérangent sa rapine, sa corruption, son enrichissement et son entreprise colonialiste au Sahara Occidental.
Rafik Bakhtini