Prévisions mondiales du pétrole : l’or noir a encore de beaux jours, selon l’Opep
Au cours de la 14ème édition des Prévisions mondiales du pétrole (World Oil Outlook) lancée jeudi à Vienne par le Secrétariat général de l’Opep, les experts de l’Organisation ont assuré que cette énergie a encore de beaux jours devant elle et continuera d’être utilisée à hauteur de près de 30% jusqu’en 2045 par l’économie mondiale.
Les experts de l’Opep ont souligné que l’année 2020 a commencé sur une note « très positive », avec une projection d’une croissance économique mondiale de l’ordre de 3% par rapport aux 2,9% pour 2019. Ils ont indiqué s’attendre à ce que l’amélioration de l’économie porte la demande mondiale de pétrole à 101 million de baril par jour (mb/j, soit une augmentation d’environ 1 mb/j à partir de 2019. Or, cet optimisme s’est vite estompé lorsque la Covid-19 a été déclarée « pandémie en mars ».
Résultat: l’impact économique se faisait déjà sentir et les retombées se propagent à travers les continents et les secteurs économiques.
« Jamais auparavant il n’y a eu une baisse aussi abrupte et précipitée de la demande de pétrole parallèlement à une augmentation conséquente des niveaux des stocks », selon le SG de l’Opep, Mohammad Sanusi Barkindo.
« La profonde récession a provoqué l’effondrement de 20% de la demande mondiale de pétrole au deuxième trimestre 2020, intensifiant la volatilité du marché. L’offre excédentaire aurait pu ajouter 1,3 milliard de barils supplémentaires aux stocks mondiaux de pétrole brut, et par conséquent épuiser le stockage de pétrole brut disponible dans certaines régions du monde », dit-il.
Il fallait aux pays producteurs de pétrole de lancer « une action audacieuse et décisive pour sortir l’industrie du gouffre ».
Quand les producteurs ne font qu’un
En réponse, l’Opep et les pays non membres de l’Organisation dans leur « Déclaration de coopération », ont inauguré le plus grand effort de stabilisation de l’histoire du pétrole en avril 2020.
« Cette Déclaration a collectivement ajusté la production à la baisse sur une période de deux ans, à commencer par 9,7 mb/j, soit plus de 10% de l’offre mondiale. Les mesures proactives prises par la Déclaration de coopération ont contribué à restaurer la stabilité et la confiance sur les marchés et ont permis de mettre la demande et l’offre mondiales de pétrole sur la voie du rééquilibrage », constate le SG de l’Opep.
« A la suite de la forte baisse de 2020, la demande mondiale d’énergie primaire devrait continuer de croître à long terme, augmentant de manière significative de 25% d’ici 2045», relève-t-il.
Evoquant les principaux moteurs de cette demande, il a cité le doublement attendu de la croissance du PIB et l’ajout d’environ 1,7 milliard de personnes à la population mondiale d’ici 2045, l’urbanisation et l’expansion de la classe moyenne, en particulier dans les pays en développement.
Aucune « solution universelle pour l’avenir énergétique »
Selon les Prévisions, au niveau régional, le monde continue de constater un déplacement évolutif de la demande des régions développées vers les régions en développement.
Compte tenu du rythme de croissance de la demande, il reste très clair que toutes les formes d’énergie seront nécessaires pour soutenir la reprise post-pandémique et répondre aux besoins énergétiques à long terme.
« Il n’existe pas de solution universelle pour l’avenir énergétique », selon l’Opep, pour qui «l’énergie renouvelable continuera de croître à l’avenir, augmentant beaucoup plus rapidement que toute autre source d’énergie à une moyenne d’environ 6,6% par an ».
En outre, le gaz naturel sera le combustible fossile qui connaîtra la croissance la plus rapide au cours de la période de prévision, en partie en raison des taux d’urbanisation plus élevés, de la demande industrielle et de sa compétitivité par rapport au charbon dans la production d’électricité, selon ces prévisions.
« L’Opep et ses pays membres reconnaissent l’importance des énergies renouvelables pour élargir le bouquet énergétique et relever le défi mondial du changement climatique. Soutenant pleinement l’Accord de Paris (de 2015), nos pays membres se lancent dans leurs propres plans ambitieux pour diversifier leurs portefeuilles d’énergie », souligne Mohammad Sanusi Barkindo.
Néanmoins, le secteur pétrolier est et restera la base solide pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux, une évaluation largement partagée par d’autres agences de premier plan », ajoute-t-il.
En fait, nous prévoyons que le pétrole conservera la plus grande part du mix énergétique tout au long de la période de prévision, fournissant près de 28% des besoins mondiaux en 2045, suivi du gaz et du charbon, assure-t-il encore.
« En supposant que la Covid-19 soit largement contenue dans l’année à venir, la demande de pétrole devrait en partie se redresser et augmenter de près de 10 mb/j, passant à environ 109 mb /j en 2045 », prévoit-il.
Par secteur, la pétrochimie et les transports continueront de soutenir la demande de pétrole à l’avenir, tandis que la production d’électricité est le seul domaine qui devrait connaître une baisse, selon l’Opep, pour qui le transport routier est toujours aux commandes, représentant 43% de la demande totale d’ici 2045 et ce sont encore, les pays non membres de l’OCDE qui alimenteront les besoins futurs dans ce secteur.
Une forte demande en l’avenir
Un autre secteur-clé, la pétrochimie, devrait être le principal contributeur à la demande supplémentaire de pétrole au cours de la période de prévision, avec une croissance de 3,7 mb/j, prévoit-t-on.
« A mesure que la demande de transport augmente, nous prévoyons une augmentation continue et régulière du nombre de véhicules électriques sur la route. En fait, la part des véhicules électriques pourrait plus que tripler entre 2030 et 2045, représentant environ 16% des 2,6 milliards de véhicules attendus sur la route d’ici la fin de la période de prévision », indique-t-on.
Les prévisions de l’Opep estiment que d’autres carburants alternatifs joueront également, un rôle plus important dans le transport routier. Malgré cela, la simple croissance du nombre de véhicules en circulation signifie que la demande de pétrole dans ce secteur devrait rester stable tout au long de la période de prévision.
Les prévisions pour l’Aval font ressortir que « la capacité de distillation du brut devrait augmenter de 15,6 mb/j jusqu’en 2045, avec un ralentissement important du taux d’ajouts requis » et confirment « la tendance à une migration croissante des capacités de raffinage vers de nouveaux centres de demande dans les pays en développement ».
En conséquence, la plupart des ajouts seront situés en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique, selon l’Opep. « Dans le même temps, les régions développées ne connaîtront probablement que des ajouts mineurs à mesure que la demande dans ces pays diminue », prévoit-elle.
« La pandémie a été extrêmement perturbatrice pour le raffinage. Une vague de fermetures de raffineries est prévue, alors même que de nouvelles capacités sont mises en service en Asie Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique, selon Mohammad Sanusi Barkindo.
« Les volumes de pétrole échangés ne devraient croître que modestement à long terme, conformément aux schémas de l’offre. Cependant, nous prévoyons que la part du Moyen Orient dans le commerce mondial du brut et des condensats augmentera fortement à long terme », argue-t-il.
Evoquant les investissements, il a constaté que la pandémie de la Covid-19 a été un « réveil strident » pour l’industrie.
« Les dépenses d’investissement en amont pourraient baisser de plus de 30% en 2020, dépassant les baisses annuelles spectaculaires observées lors du grave ralentissement de l’industrie en 2015 et 2016 », estime-t-il.
« A l’horizon 2045, nos projections montrent que des investissements de plus de 12 milliards de dollars seront nécessaires dans l’amont, le milieu et l’aval d’ici 2045 », estime le SG de l’Opep.
Favoriser le développement
« Compte tenu des défis urgents d’aujourd’hui, il est important de se rappeler qu’un secteur pétrolier bien financé offre de nombreux avantages tangibles à l’économie mondiale. Au-delà de la fourniture d’une source d’énergie indispensable à notre mode de vie, l’industrie offre de nombreux emplois bien rémunérés, hautement qualifiés et stables, soutient une formation scientifique, technique et technique de qualité et est à l’avant-garde de l’innovation depuis plus d’un siècle, avec des retombées bénéfiques pour un éventail d’autres industries », dit-il.
Par ailleurs, « les investissements sont essentiels pour soutenir les contributions de notre industrie à la lutte contre le changement climatique en favorisant le développement et le déploiement de technologies révolutionnaires telles que la capture, l’utilisation et le stockage du carbone, et en promouvant une économie circulaire du carbone », soutient-il.
Pris ensemble, les investissements et la technologie fournissent des ressources puissantes pour aider à réduire la pauvreté énergétique, qui, avec le changement climatique, représente des priorités mondiales étroitement liées à la construction d’un avenir plus durable et résilient pour tous, explique-t-il.