Professeur Farid Haddoum, chef de service néphrologie CHU Mustapha Pacha: «Une reprise progressive des activités ordinaire des services hospitaliers »
Propos recueillis par Soulef Biskri
La Patrie news : Les services hospitaliers spécialisés reprennent-ils leurs activités ordinaires, en période d’accalmie de la crise sanitaire de la Covid 19 ? .
Pr. Farid Haddoum : La reprise des activités ordinaires des services hospitaliers a été au centre de débats difficiles, devant l’incertitude qui régnait à la fin Aout et début Septembre 2021.
La décrue prononcée du nombre de nouveaux cas a encouragé les autorités sanitaires à rouvrir la quasi-totalité des services, fermés à la fin du mois de Juin 2021, pour accueillir les patients Covid-19.
La demande de soins était si forte que les services ont été débordés dès l’annonce faite le 05 Septembre 2021 de la réouverture. Un difficile retour à la « normale», marqué par la fatigue du personnel médical, paramédical et administratif.
Un redémarrage encore en cours, lent, laborieux devant l’immense chantier, celui de la remise en marche des blocs opératoires, des unités d’anesthésie-réanimation, des consultations et des équipements.
La Chirurgie a été la plus affectée par la crise Covid-19 de l’été 2021, suivie par l’oncologie, les explorations et le don de sang.
Comment vous vous organisez pour maintenir la prise en charge des insuffisants rénaux ?
Tous les services de néphrologie, toutes les unités d’hémodialyse et de Dialyse Péritonéale, de notre pays, publiques ou privées, ont travaillé sans relâche, durant cette troisième vague.
Ils ont été submergés par la forte demande de dialyse, car il y a eu un pic de l’incidence des défaillances rénales aigues chez les patients Covid 19, surtout les personnes âgées ayant des comorbidités associées.
A ces centaines de séances supplémentaires d’urgence, il y avait, en même temps, les dialyses chroniques de routine à assurer sans interruption, pour les 32.000 dialysés chroniques, que nous prenons en charge à travers le territoire national.
Dans les centres de dialyse, une organisation s’est mise en place pour « isoler » les patients Covid 19 des autres dialysés. Nous avons « eu chaud », en cet été caniculaire de 2021, en néphrologie.
Naturellement, il a fallu mobiliser les équipes, augmenter la cadence des dialyses et obtenir toujours plus de consommables, très couteux pour la collectivité. La Chirurgie de transplantation rénale a été, elle, interrompue entre le 15 Juillet et le 15 Septembre 2021.
Les hautes autorités misent beaucoup sur la vaccination. Est-ce possible d’atteindre rapidement les objectifs visant à enrayer l’épidémie ? En matière de couverture vaccinale Covid 19, où situer notre pays parmi le concert des nations ?
D’après le conseil scientifique « ad hoc » chargé du suivi de la pandémie auprès du ministère de la Santé, elle est estimée, en Algérie, aux alentours de 25 %, avec des inégalités régionales importantes semble-t-il.
Nous pouvons dire que nous sommes à un niveau intermédiaire, certes loin des 100 % de couverture vaccinale déclarée par une dizaine de pays, mais tout de même meilleur que celui de la majorité des pays de la planète terre. Pour réussir son objectif, qui est d’atteindre la barre de 80 % de couverture, les autorités sanitaires ont encore fort à faire pour convaincre les citoyens dénommés anti-vax. Parmi les mesures préconisées, en plus de la pédagogie médiatique, un discours présidentiel aura, surement, un impact favorable.
Les Enseignants Chercheurs hospitalo-universitaires ont gagné la bataille de la retraite à 80 %. Votre appréciation sur cet acquis ?
Voici un sujet sensible pour nôtre milieu hospitalo-universitaire. De quoi s’agit-il en fait? Il faudrait donc auparavant planter le décor.
L’indépendance arrachée en 1962, notre pays a vécu une période durant laquelle, l’Algérie était un vaste désert médical. C’est à partir de 1970, que notre système de santé et notre système de soins se sont établis, grâce à l’implication du corps médical et paramédical en devenir.
Les pionniers de la santé ont, alors, consentis à d’énormes sacrifices qu’il convient de rappeler.
Alors qui sont ces fondateurs du système sanitaire, aujourd’hui à l’âge de la retraite, dont les missions étaient multiples, allant des soins primaires à la formation de l’élite médicale ?
Ce sont nos ainés, médecins, pharmaciens, dentistes, nés avant 1960, qui ont œuvré entre 1970 et 1980, à la justice sociale, par l’accès universel et gratuit aux soins, à tous nos concitoyens. Entre 2013 et 2018, une série de mesures a abouti à leur mise à la retraite tambour battant.
Nos ainés se sont retrouvés dans une situation très difficile, car en leur signifiant de rejoindre leur domicile, leurs émoluments étaient fortement amputés et réduits à 55 % de leurs salaires.
Notre patrie ne peut traiter de cette façon des femmes et des hommes, qui ont tant donné au pays ! Ils ont été, vous l’aurez compris, le socle et la matrice de nos sciences de la santé.
La récente disposition réglementaire, qui élève à 80 % leurs droits à la retraite, est une avancée, une décision sage, qui rétablit, un tant soit peu, leur dignité. Nous avons appris qu’elle prendra effet à compter du 1er Janvier 2022, sans effet rétroactif.
S.B