Propos de Macron sur l’Algérie: « irresponsables et tentative désespérée de dépasser le passé colonial »
Des historiens de plusieurs universités de l’Est du pays ont considéré que les récentes déclarations du président français, Emmanuel Macron, à propos de l’Algérie sont irresponsables et s’inscrivent dans le sillage des tentatives désespérées de la France visant à dépasser son complexe et continuer à ignorer son horrible passé colonial. Des universitaires d’Annaba ont qualifié les derniers propos du président Macron sur la mémoire de la nation algérienne de “divagations qui confirment le complexe du centrisme colonial français lié à son passé colonial et aux exactions perpétrées contre les algériens pendant 132 ans”. “L’Algérie, une nation au passé lointain et aux racines profondément ancrées dans l’histoire, a réussi à préserver son entité et son identité en dépit des horreurs colonialistes”, a souligné à l’APS, Ali Khefif, enseignant à la Faculté des Lettres et des sciences humaines et sociales de l’université Badji Mokhtar, qualifiant les propos du président français de “divagations reflétant une crise asphyxiante et un délire politique évident”. De son côté, Pr. Sebti Sadek du département d’histoire de la même université a estimé que ces déclarations constituent “une tentative désespérée d’exportation des crises et une méthode vile pour s’attirer les faveurs d’une certaine base électorale dans la perspective des prochaines élections présidentielles françaises”. Pour ces deux universitaires, de pareils propos “ne peuvent que motiver les enfants d’Algérie à s’unir davantage pour parvenir à l’immunité intellectuelle et à résister au résidu de la pensée coloniale”. Pour sa part, Dr. Djamel Messerhi, enseignant de l’histoire de l’antiquité à l’université Batna -1, a invité l’élite nationale à réagir aux dernières déclarations du président français, Emmanuel Macron, à propos de l’Algérie par la publication d’études académiques qui mettent en exergue les caractéristiques de la nation algérienne, même si la réponse de l’Algérie, autorités et peuple, aux divagations de Macron, a été forte et ferme, a-t-il dit. Il a également ajouté que les frontières de l’Etat algérien “sont tracées depuis le quatrième siècle avant l’ère chrétienne ainsi que le rapporte clairement les géographes de l’antiquité, si l’on considère que l’Algérie actuelle est le prolongement de la Numidie unifiée par le roi Syphax en l’an 205 avant l’ère chrétienne, au moment où une chose appelée France n’existait pas encore, ni une quelconque entité politique sur l’aire géographique de la France actuelle”. Le même universitaire a estimé que la France officielle vient, au travers des déclarations récentes de son président à propos de l’Algérie, “mettre un terme à la réconciliation avec l’histoire à laquelle aspirait l’opinion générale, du moins parmi l’élite des deux pays”. Il a également relevé que “la gravité des propos du premier responsable de l’Elysée relève du fait qu’elle procède, à ne point en douter, d’une démarche minutieusement réfléchie au sein des cercles influents du pouvoir français comme le montrent les questions évoquées par Emmanuel Macron, dont le déni de la nation algérienne, l’atteinte au système algérien, la promotion d’un Hirak parallèle au Hirak populaire béni, et surtout, l’hommage rendu aux Harkis et à leurs enfants pour gagner leurs voix lors des prochaines présidentielles françaises”. Pour cet universitaire, Emmanuel Macron n’est pas en réalité sorti de la logique à travers laquelle la droite française perçoit l’Algérie comme étant un paradis perdu, surtout après l’adoption par l’assemblée nationale française de la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme et qui a été rejetée y compris par l’élite française anticolonialiste. “Il semblerait que le pouvoir français n’a pas bien assimilé la leçon donnée par les mouvements d’indépendance à leur tête la Révolution de libération algérienne”, a ajouté cet universitaire pour lequel les déclarations de Macron s’inscrivent en fait “dans le contexte des élections présidentielles françaises”. Pour l’universitaire constantinoise et historienne, Fatima-Zohra Guechi, les déclarations du président français sur l’histoire de l’Algérie sont “des propos politiques qui visent une clientèle déterminée”. Elle a souligné que “l’Algérie est un pays souverain et que la réaction à ces propos doit être également souveraine”. “Il y a des écrits sur toutes les questions soulevées par le chef de l’Etat français et il n’a qu’à lire l’histoire”, a-t-elle soutenu, relevant que “les historiens algériens écrivent l’histoire de leur pays à partir de leurs interrogations”. Pour sa part, l’historien chercheur et enseignant de l’histoire contemporaine à l’université Larbi Ben M’hidi d’Oum El Bouaghi, Brahim Benabdelmoumène, a considéré que les récents propos du président Macron sur l’Algérie attestent que ce dernier “se débat comme un coq égorgé devant les avancées réalisées par l’Algérie sur les plans politique, diplomatique et surtout militaire”. De l’avis de cet académicien, “ce qui dérange le président français est le fait que l’Algérie a retrouvé son leadership, notamment diplomatique, après plusieurs années d’absence”. “Nous observons, a-t-il ajouté, les activités de l’Algérie auprès des frères en Libye et en Tunisie et ce rôle de leadership, qu’assume de nouveau l’Algérie, constitue un recouvrement de sa place régionale qui commence à déranger le lobby français et à sa tête Emmanuel Macron”. Pr. Benabdelmoumène a estimé que les déclarations du président français sont des “affabulations, des mensonges et des contre-vérités et le contraire de ce qui est attesté par les documents, les manuscrits et les anciennes cartes”. Le même enseignant chercheur a évoqué les étapes de l’histoire de l’Algérie, notamment l’Etat incarné par l’Emir Abdelkader et avant lui celui des Zianides, des Almohades et des Rustumides qui ont vu le jour sur la terre d’Algérie, outre les chefs de la résistance, dont Syphax, qui ont affronté et chassé les romains.
R.N.