Tunisie
Quand Rached Ghannouchi fait dans la diplomatie « parallèle »
Nesrine Amari, assistante du président de l’Assemblée du peuple (tunisienne) en charge des médias, a accusé, dans une déclaration rapportée ce samedi 06 juin, par radio Mosaïque Fm, le président du Parlement, Rached Ghannouchi et son chef de cabinet, Habib Kheder d’avoir caché une correspondance que la commission des relations étrangères du Parlement libyen, siégeant à Tobrouk dans l’Est Libye avait adressé à l’ARP.
L’objet de la correspondance portait sur une demande de la tenue d’une session de travail avec la commission des relations étrangères du Parlement tunisien.
Ce n’est pas tout. Un entretien téléphonique, en mai, révélé par la présidence libyenne dans lequel Rached Ghannouchi félicite Fayez el-Sarraj pour sa victoire militaire sur les troupes du maréchal Haftar a déclenché la colère d’une partie de l’opposition.
Le président de l’Assemblée tunisienne a ainsi empiété sur les prérogatives du président Kaïs Saïed, garant de la diplomatie tunisienne et remis en cause la position officielle de Tunis qui s’est toujours jusque-là tenu à égale distance des protagonistes du conflit en cours à sa frontière sud-est.
Le leader du parti islamiste Ennahdha a, selon ses détracteurs, fait le jeu de la Turquie, dont il est réputé proche. En intervenant dans les affaires diplomatiques, le cheikh a poussé plusieurs partis à exiger des explications claires sur ces démarches diplomatiques non concertées.
Rached Ghannouchi, la veille de l’audience dont il était objet, a bien pris soin, dans un entretien à El-Jazeera, de pointer du doigt les pays du Golfe, sans citer directement l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, acteurs clefs du conflit libyen et adversaires d’Ankara.
Fronde…
S’il est peu probable selon des observateurs, que Rached Ghannouchi soit écarté à court terme du perchoir de l’hémicycle, il a non seulement fragilisé sa position politique, mais il a surtout fait du Bardo une caisse de résonance du conflit libyen. Un exploit dont le pays se serait bien passé alors que règne l’instabilité à Tripoli.
Au début de l’année déjà, les appels à retirer la confiance à Rached Ghannouchi se sont multipliés après sa visite en Turquie, en janvier, et sa rencontre à huis clos avec le président Reçep Tayyip Erdogan. Sa participation en mars dernier à une conférence internationale organisée par le Qatar avec des frères musulmans a accentué la pression et il est désormais accusé de mettre en danger la sécurité nationale tunisienne par ses prises de position.
Rached Ghannouchi est également confronté à une campagne populaire, qui appelle à son audition sur l’origine d’une présumée fortune. Une pétition qui circule depuis une semaine et a recueilli des milliers de signatures.
La fronde est aussi au sein du parti, Ennahda, à la tête duquel il est appelé à démissionner. Plusieurs hauts responsables ont démissionné durant ces derniers mois dénonçant sa façon de gérer le mouvement. Devant ces pressions, les proches de Rached Ghannouchi dénoncent, eux, une campagne orchestrée et financée par l’étranger.