Rapports US 2020 sur les droits de l’Homme au Maroc : Pas de « marocanité » du Sahara Occidental
Instructif, très long et truffé de lieux communs, le dernier rapport du Département d’Etat sur les droits de l’Homme au Maroc, dont nous avons obtenu une copie, s’annonce fort riche en enseignements.
Le plus important d’entre eux sans doute, c’est que sur le plan officiel, Washington, sous la présidence de Joe Biden ne fait pas du tout sienne l’annonce de Trump sur la prétendue marocanité du Sahara Occidental.
Les USA ne sont donc pas prêts d’ouvrir un consulat dans les territoires occupés sahraouis. « Le Royaume du Maroc revendique le territoire du Sahara occidental et administre le territoire qu’il contrôle.
Le Front populaire de libération de Saguia el Hamra et Rio de Oro (POLISARIO), une organisation qui cherche l’indépendance du territoire, conteste la revendication de souveraineté du Maroc sur le territoire. Les forces marocaines et du POLISARIO ont combattu par intermittence à partir de 1975, lorsque l’Espagne a abandonné l’autorité coloniale sur le territoire, jusqu’à un cessez-le-feu en 1991 et l’établissement d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies. Après la démission de l’Envoyé personnel du Secrétaire général Horst Kohler en mai 2019, le Conseil de sécurité de l’ONU est revenu sur le renouvellement d’un an de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental. En décembre, le secrétaire général de l’ONU n’avait pas encore nommé de nouvel envoyé personnel et le mandat de la mission a été prolongé d’un an ».
Ce qu’écrit ce rapport montre bien que le Sahara Occidental demeure un territoire non-autonome, selon les attendus de la charte des Nations-Unies, et que le droit du peuple sahraoui à un référendum d’autodétermination en vue d’arracher son indépendance demeure de mise et d’actualité aujourd’hui plus que jamais. La reprise du conflit armé, jugé sans doute de « basse intensité » n’est dès lors pas devenu une priorité pour Washington. La diplomatie sahraouie œuvre dans ce sens. Elle devrait atteindre cet objectif rapidement à voir les pertes occasionnées à l’armée d’occupation marocaine, et la frilosité des FAR (forces armées royales) à communiquer sur ce sujet, jugé extrêmement gênant et sensible par Rabat.
Toujours est-il que pour la mi-2020, « Les principaux problèmes relatifs aux droits de l’homme comprenaient la torture par certains membres des forces de sécurité ». le document évoque également l’existence de nombreux « prisonniers politiques, mais aussi de « graves restrictions à la liberté d’expression, y compris la criminalisation de la diffamation et de certains contenus critiquant la monarchie et la position du gouvernement concernant l’intégrité territoriale; ingérence substantielle dans la liberté de réunion et d’association, la corruption ».
153 cas avérés de disparitions forcées
Ce n’est pas tout, le même document ajoute que « le rapport annuel du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées, de mai 2018 à mai 2019, le pays comptait 153 cas de disparitions forcées en suspens entre 1956 et 1992, soit sept de moins qu’au début de la période considérée. Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), une institution nationale des droits de l’homme financée par des fonds publics, a indiqué qu’en juillet, six cas de disparition forcée entre 1956 et 1992 n’avaient toujours pas été résolus. La CNDH a continué de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur les cas de disparition non résolus ».
La tristement célèbre carcel Negra (prison noire) recèle sans doute pas mal de secrets et de révélations sur ces malheureux détenus morts sous la torture, puis enterrés en hâte dans la cour de ce sinistre lieu. « Au cours de l’année, 20 plaintes pour torture ou traitements dégradants ont été déposées auprès du bureau du procureur général. Le bureau a clos 15 dossiers ». pas besoin de s’offusquer devant la partialité d’une justice où les procureurs obéissent aux ordres directs du roi Mohamed VI. La surpopulation carcérale et les mauvais traitements y relèvent également du secret de polichinelle. « Selon le Centre des droits de l’homme Robert F. Kennedy, au 15 mai, le journaliste et militant sahraoui Mohamed al-Bambary était détenu avec 45 autres prisonniers dans une cellule de 25 pieds sur 18,5 pieds. Les journalistes et militants ont été arrêtés en raison de leur implication dans un mouvement de remise en cause de l’intégrité territoriale du Maroc ». les détenus de Gdeim Izik continuent de subir le joug de l’injustice de l’occupant marocain, même si Rabat fait semblant d’avoir mis un petit peu d’eau dans son vin.
« Le 4 novembre, la Cour de cassation a examiné les appels du verdict de 2017 contre 23 individus sahraouis arrêtés lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik en 2010. Les peines prononcées allaient jusqu’à la réclusion à perpétuité. Les individus avaient déjà été condamnés lors d’un procès militaire en 2013. Une révision du Code de justice militaire en 2015 a éliminé les procès militaires pour les civils et, en 2016, la Cour de cassation a décidé en appel que le groupe devait bénéficier d’un nouveau procès civil. Deux ont été condamnés à des peines réduites (de 25 ans à 4,5 ans et 6,5 ans) et ont été libérés, rejoignant deux autres dont la peine de 2013 a été confirmée par le tribunal civil. Deux autres personnes ont également reçu des peines réduites (de 30 ans à 25 ans et de 25 ans à 20 ans) ». ces fausses concessions sont comme de juste insuffisantes puisque le Maroc doit être sommé par la communauté internationale de libérer l’ensemble de ces détenus d’opinion.
Un logiciel fourni par l’entité sioniste pour espionner les journalistes
Le 22 juin, Amnesty International a publié un rapport affirmant que les autorités avaient utilisé le logiciel espion NSO, fourni au Maroc par ses amis et alliés de l’entité sioniste, pour cibler le téléphone du journaliste Omar Radi de janvier 2019 à janvier 2020. À partir du 26 juin, la police judiciaire, la gendarmerie et les procureurs ont convoqué Radi pour 12 séances d’interrogatoire de six à neuf heures chacune concernant de multiples accusations, y compris la fourniture de «services d’espionnage» à des gouvernements, des entreprises et des organisations étrangers. Le 29 juillet, la police a arrêté Radi pour «attentat à la pudeur avec violence; râpé; la réception de fonds étrangers dans le but de saper la sécurité intérieure de l’État; et l’ouverture de contacts avec des agents de pays étrangers pour nuire à la situation diplomatique du pays. »
Selon HRW, les accusations de viol et d’attentat à la pudeur contre Radi étaient fondées sur une plainte déposée le 23 juillet par l’un des collègues de Radi ». des preuves tangibles et recoupées concernant le fait que les services de sécurité et de renseignements marocains, sévissant sous la coupe d’Abdellatif Hammouchi, fabriquent de toutes pièces des documents compromettants pour faire chanter ou forcer au silence toutes les voix dissonantes qui s’élèvent au royaume chérifien. C’est par exemple le cas des défenseurs des insurgés du Rif, très sévèrement réprimés, et censurés sur les réseaux sociaux. Le black-out total imposé aux médias étrangers et aux diplomates concernant ce qui se passe au Rif et dans les territoires occupés sahraouis est également mis en avant dans ce rapport. Le cas accablant de Soltana Kheya, sauvagement agressée après l’entretien qu’elle avait accordé à La Patrie News renseigne assez sur la question.
Mohamed Abdoun