Une récente enquête parlementaire incrimine directement les forces de sécurité espagnoles avec leur recours « excessif » à la force. Quant à leurs homologues marocains, qui n’ont jamais fait dans la dentelle, ces derniers sont allés jusqu’à masquer des preuves et déplacer des cadavres.
Tout finit par se savoir. Il suffit juste d’être patient, et de ne pas perdre de vue ses objectifs. L’horrible carnage de Nador et Melila, qui n’a toujours pas dit son dernier mot, ne restera certainement pas impuni. D’ores et déjà, nous savons que la police espagnole a lancé en juin 86 projectiles lacrymogènes pour repousser des migrants tentant de s’échapper du Maroc vers l’enclave de Melilla, selon un député participant à une enquête sur les événements tragiques qui ont fait au moins 23 morts, et peut-être même une centaine selon plusieurs sources. Le Maroc et l’Espagne ont tous deux nié avoir utilisé une force excessive et les autorités marocaines ont déclaré à l’époque que les décès résultaient d’un écrasement et de migrants tombant d’une haute clôture. Les groupes de défense des droits, cependant, affirment que l’utilisation de gaz lacrymogène a été l’un des déclencheurs de la ruée meurtrière. La députée Maria Carvalho, qui faisait partie d’un groupe de législateurs qui s’est rendu sur les lieux lundi et a rencontré la Guardia Civil qui garde la frontière, a tweeté qu’on leur avait donné une liste des munitions anti-émeute utilisées. Il ainsi question de 270 coups de feu, 28 projectiles fumigènes, 86 projectiles lacrymogènes, 65 balles en caoutchouc et 41 sprays (poivre). La semaine dernière, la chaîne de télévision britannique BBC a publié un documentaire qui indiquait que des corps sans vie avaient été traînés par la police marocaine d’une zone sous contrôle espagnol et que le ministère de l’Intérieur dissimulait des preuves cruciales de vidéosurveillance aux enquêtes officielles. L’Espagne a hypocritement nié tout décès survenu sur son territoire et le ministère de l’Intérieur a déclaré à Reuters que toutes les images avaient été soumises au bureau du procureur et au médiateur. Pourtant, un autre législateur, Jon Iñarritu, du parti indépendantiste basque HB, a tweeté après avoir visionné certaines des images de vidéosurveillance montrées au groupe : “Il n’y a aucun doute, les principaux événements se sont produits sur le territoire espagnol”. Enrique Santiago, du partenaire junior d’Unidas Podemos dans la coalition au pouvoir, a déclaré qu'”il y avait un manque apparent d’attention aux besoins de secours les plus immédiats des victimes”. Les migrants ont été froidement massacrés par les hommes d’Abdellatif Hammouchi, chef des services de sécurité et de renseignements marocains. De l’autre côté de la barrière, les policiers espagnols empêchaient de force d’échapper à cette mort certaine et brutale. L’avocat Mohamed Ziane, ancien ministre marocain en charge des droits de l’Homme sous Hassan II, avait publiquement accusé Rabat de mentir et de dissimuler des preuves, soutenant par ailleurs que le nombre de décès est sans doute supérieur à une centaine…
El Ghayeb Lamine