Revirement espagnol sur la question sahraouie : Alger revoit sa liste des pays amis
L’Algérie ne fait pas du chantage une stratégie dans ses rapports internationaux mais en dehors de ce cadre, elle fera, elle aussi, un choix souverain de revoir sa liste de pays «amis».
En apportant son soutien au projet marocain d’autonomie pour le Sahara, l’Espagne a fait un choix. Elle a opté de se réconcilier avec Rabat pour s’extraire du chantage aux migrants, que cette dernière lui imposait.
Pedro Sanchez n’était pas sans savoir qu’avec une telle position, il s’inscrivait à l’encontre de la légalité internationale et il ouvrait un front avec Alger ainsi qu’avec toute la classe politique espagnole, de gauche comme de droite.
Pour Alger, ce revirement a été inattendu et étonnant. Comme première réaction, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Madrid pour consultations, avec effet immédiat.
Dans le langage diplomatique, cela exprime clairement la colère d’Alger.
Car, même si elle n’est pas partie au conflit, sa position a toujours été de défendre le droit des Sahraouis à l’autodétermination, conformément à la légalité internationale.
Il est donc dans l’ordre des choses qu’elle n’apprécie que peu qu’un État qui tenait la même position change subitement de fusil d’épaule et s’aligne sur les thèses marocaines. Surtout que cet Etat, inscrit dans sa liste des pays amis avec lequel les relations ont toujours été au beau fixe, n’a pas eu la convenance de l’en informer.
Par la suite, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Chakib Rachid Kaïd, a confié à un journal italien que l’Algérie «va revoir tous les accords avec l’Espagne» excluant toutefois des conséquences immédiates sur la vente du gaz et du pétrole.
M. Kaïd a laissé entendre que les contrats actuels pourraient ne pas être renouvelés à leur expiration en 2030.
Hier, c’est le PDG de Sonatrach qui a laissé entendre que l’Algérie pourrait bien procéder à un « recalcul »des prix du gaz avec son partenaire espagnol. Face à toutes ces annonces, certains observateurs ont laissé entendre qu’Alger «sanctionnait» Madrid pour sa position. Or, ce n’est nullement le cas ! Il faut bien relever que l’Algérie ne fait pas du chantage une stratégie dans ses rapports internationaux.
Elle respectera scrupuleusement ses engagements en matière de livraison des quantités contractuelles de gaz. En dehors de ce cadre précis, l’Algérie fera, elle aussi, un choix souverain de revoir sa liste de pays «amis» et décidera alors de moduler ses relations en direction d’autres pays de l’Europe comme l’Italie.
En fait, l’annonce d’Alger de revoir ses relations avec l’Espagne se mesure à hauteur de sa déception de voir l’ancienne puissance coloniale qui a une responsabilité historique dans l’occupation marocaine du Sahara occidental, tourner le dos à la légalité internationale et déprécier ses relations historiques avec l’Algérie alors qu’elles ont toujours été au beau fixe. Tourner le dos brusquement à un voisin historiquement et géographiquement proche et économiquement fiable est un acte difficilement compréhensible.
Certes, ce revirement n’est que celui du gouvernement espagnol, ni la société civile, ni la classe politique ne partagent cette position.
Mais la lettre de Pedro Sanchez engage l’Etat espagnol et tant que sa décision irréfléchie de s’aligner sur les positions marocaines dans le dossier du Sahara occidental, persistera, l’Algérie se gardera le droit de revoir ses relations et de les modeler en fonctions de ses intérêts. C’est de bonne guerre.
Hayet Youba