Scandale Pegasus: NSO tente de se dédouaner
La société « israélienne » NSO, qui commercialise le logiciel d’espionnage Pegasus au cœur d’un scandale cet été, appelle à une régulation internationale du secteur pour éviter les atteintes aux libertés et aux droits, selon un courrier aux Nations unies obtenu par l’AFP. «Nous soutenons fortement la création d’un cadre légal et de standards applicables à tout le secteur, ainsi que des recommandations pour mieux déterminer les utilisateurs finaux légitimes de ces systèmes cruciaux», selon le courrier adressé par le président du groupe, Asher Levy, à différents responsables de l’ONU. NSO s’est retrouvée exposée cet été après une enquête publiée à partir du 18 juillet par un consortium de 17 médias internationaux, révélant que Pegasus aurait permis d’espionner les numéros de journalistes, politiciens, militants ou chefs d’entreprise de différents pays. L’entreprise réplique que ce n’est pas elle qui exploite la technologie. «Nous fournissons le logiciel, nous n’exploitons pas le système», a résumé une source proche de l’entreprise à l’AFP. Le Maroc, au centre de ce scandale, avait utilisé ce logiciel pour espionner des centaines d’opposants et de militants de la cause sahraouie, dont Oubbi Bouchraya représentant de la RASD auprès de l’UE, et Claude Mangin, épouse du détenu sahraoui Naâma Asfari. Le Maroc avait poussé l’outrecuidance jusqu’à espionner l’un des téléphones du président français, plusieurs de ses ministres, mais aussi de nombreux hauts responsables algériens. Le logiciel Pegasus permet, une fois installé dans un téléphone mobile, d’espionner l’utilisateur de l’appareil, accédant à ses messageries, ses données, ou activant l’appareil à distance à des fins de captation de son ou d’image. Les révélations ont donné ensuite lieu au lancement de multiples procédures judiciaires, de personnes s’estimant victimes ou d’État s’estimant mis en cause. NSO affirme dans la lettre prendre l’affaire des révélations de cet été «très au sérieux» et déclare avoir lancé une enquête interne sur l’utilisation qui est faite de son outil, qu’elle présente comme sans égal pour permettre aux gouvernements de lutter contre les réseaux criminels et les groupes terroristes. «Comment les autorités peuvent-elles arrêter des pédophiles et empêcher des attaques terroristes sans ce genre d’outils? C’est impossible», a déclaré à l’AFP une source proche de l’entreprise. Elle affirme que le groupe suit des règles très strictes avant d’octroyer à ses clients le droit d’utiliser son logiciel, et avoir également mis en place des procédures sévères en cas de mauvaise utilisation de son logiciel. Ces règles ont déjà été utilisées pour écarter des clients potentiels de NSO qui a renoncé à «des centaines de millions de dollars», selon une autre source proche du groupe. La première source a toutefois estimé que NSO n’a que des moyens limités pour s’assurer que ses clients n’utilisent pas son produit à des fins illégitimes, même si elles ont été listées en amont. «Être derrière un client pour regarder qui ils ciblent, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons faire», a-t-elle reconnu. C’est dans ce contexte que le groupe se déclare favorable à une régulation internationale sous l’égide des Nations unies, regroupant toutes les parties prenantes, des défenseurs des libertés individuelles aux fournisseurs de service «cloud». De par sa position, NSO estime être en bonne position pour être un «participant constructif si on lui en donne l’opportunité». NSO s’improvise ainsi juge et partie, et tente de se dédouaner à moindre coût…
R.I.