Solidarité durant le mois de ramadan : L’algérien a la main sur le cœur
En Algérie, la cherté des produits alimentaire n’a pas impacté l’élan de solidarité traditionnel qui s’exprime chaque année durant le mois sacré envers les populations les moins nanties. Elle prend des formes différentes, adaptées aux besoins qui se font ressentir au sein des couches concernées, mais aussi et surtout en fonction des moyens dont disposent les donateurs.
Par Amel Zineddine
Dans l’entendement général, la solidarité du mois de ramadhan c’est d’abord et avant tout ces fameux restaurants Rahma. Même les commerces, sans relation directe avec la restauration, décident de s’y mettre lorsqu’il s’agit d’offrir des repas gratuits aux jeûneurs. Ces restos pas comme les autres sont visibles partout, dans chaque quartier, chaque coin de rue, dans chaque ville, chaque wilaya de tout le pays. A la veille de chaque ramadhan, ils déploient, devant leurs entrées, une large affiche les identifiants, les rendant visibles de loin. A El-Biar, l’odeur des plats qui se préparent embaument le quartier dès la mi-journée. Les cuisiniers, sont souvent plusieurs à se mettre à la tâche. « J’adore ces moments, ils sont uniques. Permettre à des gens de se nourrir lorsqu’ils n’en n’ont pas les moyens ou qu’ils sont loin de chez eux procure une grande satisfaction » nous dit Issam propriétaire des lieux. « Dans mes bilans annuels, je réserve toujours une partie pour cette action, mais ily a aussi des donateurs, des personnes au grand cœur, certaines offrent le pain, d’autres les boissons ou même de la viande et des légumes. C’est selon les moyens dont ils disposent ».
A Bouzaréah, des salles de fête ont carrément été transformées en lieux de restauration. A Chaaba, les caisses de légumes et toutes autres sortes de marchandises commencent à s’aligner dès la matinée. Là aussi, les jeunes du quartier n’hésitent pas à prêter main forte. « Il faut que tout soit prêt vers 16, explique-t-on sur place, car c’est à ce moment qu’on commence à disposer les tables et même les couverts ». Les restos Rahma ne se limitent pas à un seul service. Les quantités préparées sont destinées à alimenter plus d’une cinquantaine de personnes.
Dans certains quartiers de la capitale (comme à El-Biar encore), des personnes commencent à faire la queue très tôt et se reposent sur les chaises déjà prêtes à les accueillir. « Nous avons remarqué qu’une femme vient chaque jour vers 16h30 s’assoir et attendre, on a pris l’habitude de lui préparer un coin pour s’assoir, elle attend de longues heures pour être l’une des premières à être service après la rupture du jeûne », raconte un restaurateur. Il est 17h, Khalti Fatma, c’est son nom, est déjà sur place, scrutant l’intérieur du restaurant où s’affairent les cuisiniers et humant les délicieuses odeurs qui s’en dégagent. Ici, comme partout ailleurs, les plats offerts changent en fonction des prix affichés sur le marché. En tête des repas, la traditionnelle chorba, bourek, puis vient la salade suivie du plat principal (jardinière, dolma, poulet, frites et parfois même le fameux m’touem) et enfin un dessert qui change en fonction des jours (yaourt, pruneaux, fruits de saison). Les personnes n’ayant pu achever leur repas sont autorisées à emporter les restes.
Les nécessiteux ne sont cependant pas les seuls à se présenter aux restos Rahma. A Dar Beida, les routiers sont parfois plus nombreux. « C’est un lieu de passage. Il arrive très souvent que des voyageurs soient en retard. Même s’ils ont de la famille à Alger, ils préfèrent venir ici. Pour eux c’est plus rapide et surtout plus proche de l’autoroute pour reprendre leur déplacement hors wilaya ».
Dans cette région, des images incroyables de la solidarité qui s’opère durant le mois de ramadhan sont aussi très visibles dans certains quartiers. On y trouve particulièrement des réfugiés subsahariens, regroupés au bas des immeubles attendant que les voisins leur descendent de grands plats où l’on retrouve généralement beaucoup de riz au poulet, pommes de terre, des bourek, du pain fait maison, du couscous également accompagné de petit lait et de dattes… Les enfants, très nombreux, sont gâtés avec de petites boîtes de jus qui leurs sont offertes gracieusement par les commerçants du coin.
La solidarité visible c’est également des caddies que l’on trouve à l’entrée de chaque magasin ou supérette pour permettre aux donateurs d’y mettre les produits qu’ils peuvent offrir et qui seront ensuite remis aux associations caritatives qui ont mis en place l’opération. L’impact de la cherté de la vie de fait ressentir à ce niveau. « Les gens ont déjà du mal à subvenir à leurs besoins, ils offrent ce qu’ils peuvent, des pâtes surtout, du riz, de la tomate en conserve, du sel… Les gros donateurs préfèrent agir directement ».
Amel Zineddine