Entretien exclusif
Soltana Kheya à La Patrie News : « L’occupant marocain nous impose une monstrueuse guerre psychologique ! »
Soltana Kheya, felle-courage, grande icône du courage et de la résistance du peuple sahraoui, nous a accordé un entretien du fin-fond de la résidence surveillée où elle croupit depuis une centaine de jours. Encerclée par la soldatesque marocaine et le service de sécurité et de renseignement d’Abdellatif Hammouchi, elle parle, encore et toujours, de combat et de victoire. D’indépendance aussi. Elle raconte dans quelles terribles conditions elle est forcée de se battre au quotidien pour survivre, depuis son retour d’Espagne et la rupture unilatérale par les forces d’occupation marocaines du cessez-le-feu conclu avec le front Polisario, représentant unique et légitime du peuple sahraoui.
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
La Patrie News : Comment vivrez-vous l’enfer de cette résidence surveillée, qui vous est imposée depuis plusieurs mois par l’occupant marocain ?
Soltana Kheya : Je tiens à vous remercier infiniment de m’accorder cette tribune médiatique, pour faire entendre et découvrir notre cause, ainsi que nos souffrances à la planète entière.
La Patrie News : Dites-nous tout d’abord pourquoi l’occupant marocain vous a placée sous résidence surveillée. Comment l’occupant marocain justifie-t-il cette grave atteinte à certains de vos droits usuels et légitimes ?
Soltana Kheya : Tout a commencé à la suite de la rupture unilatérale par l’armée d’occupation marocaine du cessez-le-feu en date du 13 novembre passé. Les civils sahraouis vivant dans les territoires occupés, dont moi-même, avons été pris dans un engrenage de violence et de répression pour nous intimider et tenter de nous faire taire. C’est devenu une politique systématiquement suivie et appliquée par l’occupant marocain. Je suis victime d’un siège total et absolu depuis mon retour d’Espagne en date du 19 novembre passé. Depuis ce jour, je suis sous résidence surveillée. La répression dont nous sommes tous victimes est devenue plus féroce et plus aveugle que jamais.
Cela fait 84 longs et interminables jours que je vis, avec ma petite famille sous résidence surveillée. Nous ressentons comme de la braise brûlante cette intenable situation. Personne n’a plus le droit de nous rendre visite, de nous voir, ni même de nous parler. C’est désormais l’enfer ici, dans les territoires occupés !
Rien ne nous a été épargné. Nous avons été frappés. Torturés. Emprisonnés. Empêchés de parler. Intimidés….
La Patrie News : Les photos vous montrant blessée, mais souriante et conquérante ont en effet fait le tour du monde. Tout le monde vous connait et vous soutient désormais….
Soltana Kheya : Vous avez vu les vidéos des agressions dont on a été victimes ! Vous avez vu comment les sœurs Zineb et Rafika ont été violemment agressées la semaine passée. Rafika, qui ne faisait que filmer et prendre des photos, a été violemment molestée, alors que tout son matériel lui a été confisqué ! Même les femmes, désarmées et sans défense n’échappent pas à ces formes barbares de la répression coloniale. Les domiciles des Sahraouis, qu’ils soient militants ou pas de la cause indépendantiste, sont investis, fouillés, mis à sac et même pillés –Soltana Khea parle d’une tentative de briser le siège dont elle est victime, qui a eu lieu en date du 7 de ce mois, et qui a été violemment réprimée par les forces d’occupation marocaines. NDLR-. Nous sommes frappés par des centaines de formes d’interdits et d’interdictions. Même le fait de se tenir près de sa maison, ou de s’adresser à un voisin, devient un délit, ou carrément un crime.
La Patrie News : Comment faites-vous pour survivre et surmonter ce siège absolu dont vous êtes victime ?
Soltana Kheya : C’est une situation infernale et absolument insupportable. De jour comme de nuit. La nuit, en effet, nous percevons des mouvements et des voix des forces d’occupation. Nous subissons aussi diverses actions d’intimidation. Nous sommes les victimes d’une cruelle et insupportable guerre psychologique. Ça nous met constamment les nerfs à vif. La répression et les intimidations dont nous sommes victimes s’adressent aussi à nos voisins. L’occupant marocain veut qu’on serve d’exemple, pour éloigner tout le monde du chemin difficile du militantisme indépendantiste. Mais c’est l’exact contraire qui est obtenu à travers ces intimidations et cette féroce répression. Nous en sortons plus déterminés, plus aguerris et plus engagés que jamais. Ces 84 jours d’embargo sont pour nous tous une prison à ciel ouvert. Nous-nous y habituons petit à petit. La nuit, le siège qui nous cerne constamment, se fait plus pressant et oppressant que jamais. C’es très difficile, mais nous le faisons quand même. Nous savons que notre combat risque de perdurer encore dans le temps. L’occupant marocain, avec ses armes, sa torture, sa répression et ses prisons, ne nous fait pas du tout peur. Nous nous attendons à tout, absolument tout, de la part de l’occupant marocain. Désormais, nous avons vaincu, et résolument surmonté notre peur.
L’occupant marocain cherche à nous terroriser et à inhiber tous nos faits et gestes. Tous les militants sont systématiquement placés sous surveillance. S’mar, Dakhla, Laâyoune, Boujdour et toutes les villes occupées sahraouies ont été transformées en casernes.
La Patrie News: Cet état de siège de tous les instants ne doit certainement pas épargner les sources d’information et de communication. Comment faites-vous pour surmonter la censure dont vous êtes très certainement la victime ?
Soltana Kheya : Des brouilleurs très performants et très puissants sont installés à proximité des domiciles des militants les plus connus et les pus actifs. Nous ne pouvons même pas regarder la télévision normalement, et suivre les succès et la progression de l’APLS (armée populaire de libération du Sahara Occidental). Chez nous, la connexion Internet est fortement perturbée et très souvent mise en panne volontairement. Même le téléphone ne fonctionne que sporadiquement. D’ailleurs, j’ai beaucoup de chance d’avoir pu vous parler. L’occupant marocain m’a déjà coupé mes trois premières lignes téléphoniques.
La Patrie News : Je me disais bien que ce serait miraculeux si j’arrivais à vous joindre et à vous parler après avoir obtenu votre numéro de téléphone…
Soltana Kheya : En effet, on nous empêche par tous les moyens de communiquer, de témoigner et de diffuser les horribles images dont nous sommes systématiquement les victimes. Des légions de chouhadas ont déjà tout donné au service de cette noble et juste cause. Nous sommes prêts à laisser sur notre sillage autant de charniers qu’il faut. Jamais nous ne cèderons notre patrie et notre terre aux Marocains. Pour nous la devise reste de mise plus que jamais : la victoire où le martyre (la chahada) !
Je tiens aussi à remercier vivement le peuple algérien, son gouvernement, ainsi que votre honorable média de placer sous les sunlights notre combat, nos sacrifices et la terrible répression dont nous sommes systématiquement frappés.
M.A