Souhil Meddah, expert financier : « L’économie nationale doit profiter du rapprochement entre Pékin et la région arabe »
Entretien réalisé par Mohamed Ait S
La Patrie news : Quelle importance revêt le sommet sino-arabe qui s’est tenu à Riyadh ?
Souhil Meddah : Sur le plan des thématiques économiques projetées ou abordées, il s’agit d’un semblant de mouvement vers une préparation de zones de liaisons, notamment pour la Chine qui se place déjà vers une perspective d’adaptation par rapport à un probable ordre économique nouveau qui est en train de se tracer.
Cette nouvelle mutation s’inscrit dans le cadre des trois catégories majeures, qui principalement vont d’abord impliquer l’économie chinoise vis-à-vis du reste du monde et qui facultativement vont donner des rôles nouveaux aux Etats arabes qui seront associés à cette nouvelle donne. Il s’agit notamment de :
La thématique chinoise qui singularise d’abord la Chine dans un espace géopolitique, qui sera l’une des résultantes des faits géopolitiques actuels. Soit par rapport à la crise Russo-Occidentale qui de facto implique la diplomatie et l’économie chinoise comme un acteur de second ordre, mais qui demeure très important malgré les faits, ou par rapport aux prévisions des futurs politiques menées par les USA en fonction du parti qui sera au pouvoir dans les prochaines années.
De façon plus simplifiée, l’Etat chinois dans ce sens cherche à atteindre des espaces géopolitiques plus avancés et surtout en investissant sur les anciennes zones qui dans le passé étaient perçues comme des alliés exclusifs des forces occidentales et à leur tête les Etats Unis d’Amérique.
Secundo, la conjoncture post-covid, surtout avec la politique entretenue par l’Etat chinois de zéro-covid, qui avec le temps a eu des effets contraignants pour toutes les parties y compris celles des pays arabes, surtout les producteurs des énergies fossiles.
Cette approche très significative pour une reprise réelle du rythme économique régional puis mondial, doit de facto impliquer, la demande chinoise et la disponibilité d’approvisionnement des pays pétroliers, notamment les pays arabes qui hormis la force russe, ils disposent des capacités très importantes couplées d’une proximité vers la Chine pour certains d’entre eux.
Mais l’objectif dans ce sens, sera aussi de tabler sur des prix du baril qui soient favorables pour tous, c’est-à-dire des prix dans la moyenne ne sera ni au-dessus de 100 dollar ni en-dessous des 70 dollars.
Troisièmement, sur les intentions des pays européens de procéder soit à une relocalisation de leurs industries, soit vers de nouvelles affectations de délocalisation, surtout vers les pays de la zone MENA. Et à ce titre, l’Etat chinois se projette probablement sur deux possibilités.
La première étant de reprendre ou de participer avec des intentions commerciales dans la composition de cette délocalisation, directement en investissant dans les zones ciblées ou indirectement en par le biais d’une sous-traitance complémentaire. Ou a contrario, dans la deuxième probabilité c’est que la Chine veut aussi créer son propre espace de délocalisation pour contrecarrer les forces économiques occidentales.
Quels sont les arguments des pays arabes pour faciliter la réorientation des investissements chinois vers la région ?
Comme indiqué plus haut, les pays de la région arabe se préparent eux aussi pour d’éventuels changements de mutation de l’ordre économique nouveau.
Ce qui va probablement s’inscrire dans le cadre d’une multipolarité économique, qui de facto fait appel aux Etats arabes de se placer prématurément sur la scène tout en respectant leur distances par rapport aux autres forces stratégiques.
Car ce qui est avantageux avec la Chine, c’est que tous les Etats partenaires sont libres d’entretenir des relations bilatérales avec les autres zones sans qu’elles soient qualifiées de préjudiciables pour leur relation avec l’économie chinoise à travers sa neutralité politique et diplomatique.
C’est un avantage qui permet d’éviter tout stress majeur interne ou externe, surtout s’ils accueillent des investissements stratégiques sur leurs sols. Sachant que le modèle chinois d’investissement, sera aussi très sélectif et très imposant par rapport aux avantages qu’il peut tirer de ces espaces.
Quelle place pourra avoir l’Algérie dans cette équation de rapprochement entre Pékin et le monde arabe ?
Pour notre économie, il est question de profiter au maximum de ce rapprochement, mais surtout loin des espérances du secteur des hydrocarbures qui ne peut être très compétitifs par rapport aux offres des pays du Moyen- orient.
Dans ce sens, notre économie doit entretenir des relation avec la Chine dans le cadre du financement et de la réalisation des projets stratégiques, soit en partenariat financier ou en concession ( BOT par exemple ), mais également de maintenir des espaces d’échange avec l’Union Européenne qui est très proche de nous, avec l’espoir de cibler une partie des industries qui demeures potentiellement re-localisables vers les espaces Nord-Africains.
M. A. S