Souhil Meddah, expert financier : « les conditions de réussite d’une nouvelle réglementation de change »
Le gouvernement, dans son plan d’action adopté par les deux chambres, a pris une série de mesures louables dont la révision de la loi sur la monnaie et le crédit, le Code de l’investissement, la numérisation du Code des marchés publics. Pour un résultat optimal, des opérateurs économiques revendiquent la révision de la réglementation de change. Une problématique que l’expert décortique dans cet entretien.
Entretien réalisé par Yacine Bouali
La patrie news : des opérateurs ont appelé à revoir la réglementation de change. Selon vous, quelles sont les conditions nécessaires pour asseoir une bonne politique de change, qualifiée aujourd’hui de restrictive ?
M. Souhil Meddah : La réglementation de change étant un instrument juridique régissant les flux a l’extérieur, s’applique de façon globale sur l’ensemble des opérateurs à des fins qui restent strictement liées aux besoins macroéconomique de stabilité et d’optimisation des ressources extérieures et de régulation monétaire intérieure. Une éventuelle révision de la règlementation de change doit dans ce cas se concrétiser en fonction de deux besoins imminents. Le premier besoin s’adopte sur le fait que les flux entrants et sortants obéissent à des degrés de consolidation entre ressources et emplois qui passent par un seul canal. Selon le fait que les opérateurs sollicitent la Banque d’Algérie pour les besoins de leurs matières et différents intrants dans les coûts de leurs biens et services exportables ou ré-exportables, doit aussi leur imposer l’obligation de redomicilier leurs avoir auprès de la Banque d’Algérie, contre l’émission de nouveaux dinars. C’est ainsi que le dinar devient au fur et à mesure une monnaie qui affiche des demandes sur le marché interbancaires de change, soit par le marché à terme ou le marché en spot. D’autre part, le souhait de détenir des avoirs en monnaies étrangères pour le compte des opérateurs, implique de facto leur responsabilité de supporter les coûts en devise lors des opérations d’importation.
Ce besoin d’émancipation en matière de gestion des flux en devise sur un espace exclusivement microéconomique, ne concorde pas avec les objectifs macroéconomiques monétaires de collecte des avoirs en devises auprès de la Banque d’Algérie, pour cumuler et générer plus d’épargne institutionnelle extérieure au sein de ses différents compartiments de réserves de change ou autres placements en portefeuille. D’autre part, la Banque d’Algérie dispose des droits de tirage spéciaux (DTS) comme instrument complémentaire de réserve, pour lequel elle doit assurer une assise régulière de ressources.
Le second besoin, lui, concerne de manière plus profonde, les critères d’évaluation de la monnaie locale avec la compétitivité qu’elle offre. La valeur du dinar dans ce cas, devient intimement attachée au niveau des flux entrants sur le marché interbancaire de change, au même titre qu’un bien cessible contre une valeur qui augmente ou qui descend selon la règle de l’offre et de la demande.
De ce fait, cette éventuelle révision doit avant tout prendre en considération les critères macroéconomique sur des pratiques qui répondent favorablement à ces deux besoins, à la fois sur l’équilibre des ressources par rapport aux emplois et sur une parité économiquement soutenable et compétitive.
La patrie news : quel sera l’impact sur la politique de l’export et le marché extérieur ?
Actuellement, le marché de l’export n’offre pas assez de valeurs ajoutées ou de flux marchands qui permettent le rééquilibrage des affectations entre institutions et operateurs. Le rôle le plus urgent de la politique monétaire en ce moment, c’est de pouvoir identifier les niches sur lesquelles la compétitivité commerciale doit s’inscrire, sans perdre de vue, le rôle de la diplomatie économique qui doit aussi, mobiliser tous ses efforts pour de nouvelles conquêtes et un meilleur placement des produits et services locaux potentiellement exportable.
Les dispositions qui sont formellement bénéfiques pour le marché de l’export, sont les orientations réglementaires qui régissent les délais de paiement, avec celles qui définissent clairement les conditions commerciales de remise ou de retour pour les marchandises retournées.
La patrie news : le plan d’action du gouvernement compte consacrer une meilleure indépendance de la Banque d’Algérie. Est-ce un gage qui lui permet de lever les entraves à l’exportation telles que la pénalisation du non rapatriement des devises ?
Il est utile que les dispositions de la Banque d’Algérie ne soient non seulement indépendantes, mais également flexibles, qui assurent une souplesse de traitement des dossiers au cas par cas, par une approche réelle de soutien et de pragmatisme sur le déroulement et le traitement des dossiers, surtout lorsqu’il s’agit des cas de litiges qui pénalisent l’operateur économique avant l’institution nationale.