Tensions franco-algériennes : un bras de fer diplomatique sous le prisme algérien
Par Abdelkader Reguig*
Jean-Noël Barrot, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de France , a déclaré ce mercredi matin sur France Inter : « La France devra reprendre le dialogue avec l’Algérie dans l’intérêt des Français », malgré les tensions récentes, dont l’expulsion réciproque de 12 agents consulaires. Il a défendu une approche « franche et exigeante » pour résoudre des dossiers comme l’immigration irrégulière, la lutte antiterroriste ou la libération du Français Boualem Sansal, détenu en Algérie. Tout en rappelant la « fermeté » de la réponse française aux expulsions algériennes, il souligne que le dialogue reste la seule solution durable, évoquant des « engagements » obtenus lors de sa visite à Alger en avril. L’Algérie attribue ces tensions à la ligne dure portée par Bruno Retailleau ministre de l’intérieur , figure de la droite française, visant notamment à restreindre l’immigration. Jean-Noël Barrot a jugé « irresponsables » les appels à la rupture, insistant sur la nécessité d’une « relation normale » entre les deux pays.
Aujourd’hui, les critiques du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et de la droite française, qui réclament l’abolition de « l’accord de 1968 » au nom de « l’équité migratoire », sont accueillies avec scepticisme en Algérie.
Au cœur des crispations, l’accord franco-algérien de 1968, qui régit le statut des Algériens en France, est perçu à Alger comme le fruit d’un contexte postcolonial complexe. Négocié cinq ans après l’indépendance, ce texte visait à encadrer les flux migratoires dans un esprit de réciprocité, alors que des milliers d’Algériens contribuaient à la reconstruction de la France.
Pour Alger, ces attaques occultent l’histoire commune et les responsabilités françaises. La capitale algérienne dénonce une instrumentalisation politique, soulignant que la migration vers la France reste largement liée à des réalités économiques et historiques. « Cet accord de 1968 n’est pas un privilège, mais un droit négocié dans un cadre bilatéral », rappellent les autorités.
La fermeté du Président de la République Emmanuel Macron, qui refuse de dénoncer l’accord par crainte d’un « tollé communautaire », est perçue comme un aveu des déséquilibres postcoloniaux. « La France craint sa propre diaspora algérienne, tout en niant les racines de cette présence », analyse un observateur. Pour Alger, cette prudence confirme que Paris ne peut ignorer les conséquences de ses choix historiques.
La publication d’une note confidentielle du ministère français de l’Intérieur — dirigé par Bruno Retailleau — détaillant les « avantages » des Algériens en France a renforcé l’idée d’une campagne médiatique hostile. Les critiques sur la « kafala » ou le regroupement familial sont jugées hypocrites, ces mécanismes répondant à des réalités socioculturelles spécifiques. « La France veut-elle vraiment l’égalité, ou cherche-t-elle à stigmatiser les Algériens ? », interroge un militant des droits des migrants.
La crainte d’Emmanuel Macron face à une « instabilité sociale » liée à la diaspora algérienne révèle des tensions identitaires françaises. En Algérie, cette communauté est perçue comme un pont entre les deux rives de la Méditerranée, mais aussi comme une victime potentielle des crispations politiques. « Les Algériens de France sont des citoyens, pas des otages diplomatiques », rappelle un membre de l’Association des Algériens en Europe, déplorant que leur statut soit utilisé comme monnaie d’échange.
Alger maintient sa position : toute révision de l’accord de 1968 doit être négociée bilatéralement, dans le respect de la souveraineté et de l’histoire partagée. Les appels au dialogue de Jean-Noël Barrot contrastent avec les exigences de fermeté de Bruno Retailleau, illustrant les contradictions françaises. Pour l’Algérie, la balle est dans le camp de Paris : assumer ses responsabilités historiques et engager un dialogue respectueux, ou persister dans une logique de confrontation, au risque d’envenimer les relations.
Dans ce contexte, l’avenir des relations franco-algériennes dépendra de la capacité de Paris à concilier réalisme politique et reconnaissance des héritages coloniaux — un défi de taille, alors que les deux pays célèbrent en 2025 les 63 ans de la signature des accords d’Évian.
« Je suis convaincu que l’avenir appartient à la non-violence, à la conciliation des cultures différentes. C’est par cette voie que l’humanité devra franchir sa prochaine étape. »
De Stéphane Hessel / Indignez-vous !
Abdelkader REGUIG
Président de l’Ordre des Ingénieurs Experts Arabes. (ORAREXE) Genève Suisse
Émail: orarexe@gmail.com