Irritant. Oui, c’est tout à fait le mot exact qui vient à l’esprit. Macron a le don d’irriter une bonne partie de son auditoire dès qu’il se met à disserter sur certains sujets sensibles, dont l’ampleur et la portée le dépassent visiblement.
Sous son air docte de « monsieur-je-sais-tout », la préciosité de ses propos, tout droit sortis de l’écrin d’un joaillier, il se permet de débiter des énormités, et des insultes en faisant accroire que son but noble et ultime serait de cicatriser les plaies mémorielles encore béantes.
Dans la forme, il compte y parvenir en accomplissant une sorte de quête de la vérité. Cette démarche serait à saluer, n’était le fait que dans son fond elle ramasse tout le ramassis des éléments de langages des partisans de « l’Algérie française ».
Autant dire que de la droite classique jusqu’aux extrémistes « zemmourien, en passant par le FN-canal historique, jusqu’aux terroristes de l’OAS » la frontière est ténue, fuyante et bien souvent imprécise entre l’ensemble de ces courants qui se complaisent dans le principe bien connu des vases communiquant.
Macron, en effet, n’accorde le petit doit, faisant mine d’avoir accompli d’énormes concessions, que pour arracher sinon le tout, du moins l’essentiel. Cet insidieux cheminement, administré à doses homéopathiques a fini par déboucher sur la remise en cause totale de l’existence de l’Etat-nation algérien.
Le tout, en passant par une sorte de « crise de jalousie » face à l’ancien protectorat ottoman. Si bien qu’à quelques jours de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961, Macron fait mine de demander conseil à ses fameux 18 convives, tous choisis pour leur hostilité à une Algérie indépendante, forte et souveraine.
S’il lui est impossible de repêcher des manifestants pacifiques noyés dans la Seine par les flics zélés de Maurice Paon jusqu’à ce que mort s’en suive, force nous est de gager qu’il risque d’être encore plus provocateur que ce jour où il avait remercié et présenté des excuses aux « collabos » qui torturaient, volaient, violaient et assassinaient pour le compte de la France coloniale.
La France officielle, elle, ne perd pas de vue ses intérêts et ses amis. Ses maitres à penser. Papon a été jugé et condamné pour quelques juifs déportés, dont il n’avait même pas ordonné l’élimination.
Mais jamais, non jamais pour le massacre de sang froid de centaines d’Algériens, atrocement « ratonnés », quand ils quand ils n’étaient pas carrément jetés du haut des rambardes des ponts enjambant la Seine.
Soixante ans après les massacres du 17 octobre 1961, il est a priori singulier d’avoir à en rappeler les causes et les conséquences, les responsables et les diverses raisons qui ont longtemps favorisé l’occultation et l’oubli de ce crime d’Etat.
Une telle situation éclaire d’un jour singulier la façon dont ce dernier a tout d’abord été oblitéré par le déni et le mensonge immédiatement forgé par les pouvoirs publics pour répondre aux accusations dévastatrices formulées par certains contemporains, puis minimisé ensuite par diverses stratégies discursives caractérisées par l’euphémisation et la pusillanimité des autorités françaises et des principales formations politiques.
Assez classique situation, en vérité, lorsque l’Etat commet ce type de crimes où se conjoignent des dispositions et des pratiques racistes, et des « méthodes de terreur de masse », toutes violant de façon radicale les principes démocratiques dont cet Etat se réclame.
D’abord « instaurées à Alger par le général Massu et les colonels Godard et Trinquier », ces méthodes « ont été transplantées à Paris » par « les tortionnaires de M. Papon ».
« La Seine » en témoigne, puisqu’elle « charrie des noyés qui évoquent les noyés de la baie d’Alger, les “crevettes du colonel Bigeard».
Quant aux rafles réalisées par les forces de l’ordre et au « Palais des sports », où des milliers de manifestants ont été retenus dans des conditions atroces et tués parfois à «coups de crosse », ils rappellent le « Vel d’hiv de 1942 ».
Les Algériens ont été traqués comme des bêtes, et la chasse au faciès a remplacé la recherche de la circoncision. »
De même au Parc des Expositions où les interpellés ont été « accueillis » par les policiers à « coups de matraque » et « de nerf de bœuf », puis longtemps laissés sans soin ni nourriture. Identifiés comme des « meneurs », parce qu’ils ont cherché à « faire des discours », certains ont été exécutés sommairement, reconnaissent des fonctionnaires…
C’est ce qu’écrit l’historien français Olivier Le Cour Grandmaison, au moment où Macron ose nous accuser d’exagérer, voire de mentir, quand lui-même n’est plus que mensonges et falsification honteuse de l’histoire de son « Etat-nation ».
Le refus de reconnaître toutes les indicibles atrocités commises relève carrément d’une tacite forme de les assumer et de les revendiquer.
Macron ne l’ignore certainement pas. Depuis qu’il s’est mis à s’inspirer sans coup férir des insanités scatologiques que débite Eric Zemmour, pourquoi s’étonner s’il demande aux victimes des massacres du 17 octobre 1961 de s’acquitter du prix de leur «transfert» depuis les berges de ce fleuve jusqu’à ses flots qui fascinaient tant Aurélien, héros d’un admirable roman d’Aragon.
Zemmour, pour la PETITE histoire suggère déjà le paiement d’une GRANDE caution, de l’ordre de 10.000 euros pour tout Algérien demandeur de visa vers la France.
M.A