« Une campagne des législatives dans un désert irradié » : d’Adrar a Reggan, les retombées nucléaires
Par Dr Boudjemâa HAICHOUR*
Dans une Wilaya sereine et aspirant à une vie meilleure, je rencontrais des hommes et des femmes qui m’accueillirent à une dizaine de km de Reggan dans l’oasis de Sali, à 150 km d’Adrar. Quelle était leur joie de montrer leur adhésion à une Algérie qui s’intéresse à ces zones d’ombre auquel le développement tarde à venir.
Adrar ville des rencontres théologiques où nombreux manuscrits sont conservés et où la zaouia de feu Sidi Mohamed El Kebir et Sidi Reggani rayonnent par une spiritualité qui éclaire la région subsaharienne. Une ville qui recèle des potentialités intellectuelles. Les jeunes que j’ai rencontrés sont conscient du devenir de leur région. Environ vingt mille étudiants toutes spécialités confondues constituent un réservoir de cadres pour le développement de leur contrée.
REGGAN Ô PAYS BIEN AIME
A quelques km de Taourirt, Tanezrouft jusqu’à Reggan est ensevelie de poussière atomique. Les quatre essais nucléaires atmosphériques (Gerboise bleue, Blanche, Rouge et Verte) ont provoqué des dépôts de particules radioactives dans le désert du Sahara, de l’Afrique du Nord et la partie subsaharienne et jusqu’ à la Suède.
Je me trouvais à Sali où le meeting se déroulait à minuit en raison de la forte température qui dépassait les 48° à l’ombre de jour. Il y avait la présence de centaines de personne venues soutenir leurs candidats aux législatives du 12 Juin 2021.
UNE ALGÉRIE NOUVELLE IMPLIQUE UNE NOUVELLE GOUVERNANCE
Pour l’occasion les organisateurs ont exposé les affiches et le N°7 de leur parti. Des projecteurs et des tapis furent installés. Après les interventions de bienvenue des responsables, je fus appelé à expliquer l’importance de ses élections. Que veut dire une Algérie nouvelle ? C’est d’abord en finir avec les pratiques négatives de Gouvernance à commencer par l’élimination de l’argent sale qui a gangréné le corps social, la bureaucratie qui a engendré un type de comportement des plus nocifs dans nos administrations. Il faut retrouver un équilibre de développement entre toutes les régions de notre pays. En un mot il faut en finir avec la Corruption.
UNE JEUNESSE EN QUÊTE D’UN MEILLEUR AVENIR
Aujourd’hui les jeunes sont connectés au reste du monde. Ils veulent à la faveur des réseaux sociaux retrouver une sorte de mieux-être. C’est cette configuration sociale d’une Algérie nouvelle qui les met aux côtés des jeunesses en quête d’un meilleur avenir. C’est ce qui paraissait au début à un Hirak pacifique, béni, loin des manipulations de tous bords. Ces jeunes réapproprient l’espace public par la communication virtuelle et par les mots d’ordre porteurs de valeurs universelles (Justice, dignité, démocratie et droits de l’homme).
La loi électorale sous l’Autorité de surveillance et de l’organisation des élections (Anie) a profondément changé le modèle ancien où le ministère de l’intérieur avait la haute main. La responsabilité des élections relève désormais de sa capacité à faire de ces élections un cadre de démocratie représentative où tout se résume à un scrutin honnête, transparent et sans fraude. Le fonctionnement de la vie politique doit incarner le changement.
POUR UNE PROSPÉRITÉ PARTAGÉE
Dans cette contrée du Sud (Adrar et Ouargla) que je venais de visiter s’est posée la question de la polarisation des richesses face aux inégalités sociales où l’emploi est un impératif primordial face aux problèmes explosifs du chômage massif des jeunes. Il faut aller dans le sens de la création des strat-up. C’est donc à cette Algérie nouvelle que se posera le choix de politique économique et sociale qui doit inévitablement être accompagné d’une réflexion autour d’une prospérité partagée et équilibrée.
Les espérances et les attentes les plus diverses sont au centre des débats de proximité. Les applaudissements en réponse à leurs préoccupations sont de nature à soutenir la sincérité des propos qui illustrent cette volonté de changer le modèle de gouvernance qui a été marqué malgré les avoirs pétroliers, d’une course effrénée vers la prédation et le vol des deniers publics aux mains d’une certaine catégorie de prédateurs et d’oligarques. Cette richesse a été transportée et expatriée dans des paradis fiscaux.
LÉGISLATIVES DU 12 JUIN 2021: ACTE DE RÉCONCILIATION AVEC LA POLITIQUE
Les gens sont descendus hier dans les rues pour dire basta contre la dépravation des mœurs politiques. Ils veulent d’une Algérie où émerge une culture politique démocratique jouissant des droits à la liberté d’expression, du droit au travail et de la part des richesses nationales dans les nombreuses régions d’ombre. En observant l’engouement de la nouvelle génération à se porter candidats aux législatives du 12 Juin 2021, est un acte de réconciliation avec la politique c’est-à-dire une étape décisive dans la dynamique d’émancipation politique et sociale par la naissance de nouvelles forces politiques.
DES ESPOIRS RENOUVELÉS DANS L’ESPRIT DES CANDIDATS
Des efforts importants doivent être mobilisés pour lutter contre la criminalité et la corruption. Faut-il mobiliser l’économie parallèle qui engendre 60% de l’argent non contrôlé par le fisc ? Revoir le système bancaire et passer au plus vite à la numérisation pour veiller à la transparence des flux financiers et monétaires. Donc l’économie informelle est importante. Les espoirs sont renouvelés pour pouvoir espérer une dynamique nouvelle.
Alors que je prenais l’avion Boeing Alger Adrar In Salah Alger, puis Ouargla, c’est un commandant de bord femme qui pilotait l’aironeuf. Au Sud la femme participe à l’activité de l’économie traditionnelle. La femme est restée liée aux évolutions politiques et sociales du pays. Elle continue à être glorifiée dans l’ensemble du pays comme moudjahidates de la guerre de libération nationale.
L’ENJEU SOCIÉTAL ET LE CHANGEMENT PAR LES MÉDIAS ET LES RÉSEAUX SOCIAUX
L’Algérie est au centre d’un enjeu sociétal car le changement insufflé n’a pas réussi à modifier les mentalités malgré le nombre statistique des étudiantes, majoritairement plus important que ceux des étudiants. En tant qu’ancien ministre de la communication, je considère que la presse a fait des avancées notables depuis la loi de l’information du 03 Avril 1990, de nombreux titres privés ont vu le jour. Deux décennies passées, il existe des sortes d’enchevêtrements quant aux logiques médiatiques et politiques où le service public surtout pour les médias lourds, qui n’arrivent pas à discerner entre l’Etat et le service public.
J’exposais devant le parterre des supporters des candidats des populations avoisinantes, les réformes constitutionnelles apportées par la Constitution du Président Tebboune et la loi organique électorale qui s’en est suivie.
UNE NEW GÉNÉRATION D’HOMMES POLITIQUES
Cette démarche semble marquer une certaine rupture pour amorcer l’entrée en jeu d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques, appelés à intégrer l’enceinte de la prochaine APN si les résultats des urnes les valideront. Malgré le partage des responsabilités entre les différents pouvoirs que la Constitution reconnaisse, la séparation des pouvoirs reste tributaire aux équilibres des forces politiques qui incarnent le centre névralgique du pouvoir réel.
Les parlementaires peuvent inscrire selon la loi électorale des propositions de lois ou de s’opposer aux projets de lois de l’exécutif, la Constitution prévoit des mécanismes tels que le pouvoir du Chef de l’Etat de disposer de la dissolution de la chambre basse.
Le premier ministre applique à la lettre le programme du Président sous peine d’être révoqué sauf à obtenir une majorité qui lui est sienne c’est-à-dire opposée à la couleur politique du Chef de l’Etat. Mais dans tous les cas, c’est au Chef de l’Etat la responsabilité de désigner dans la majorité, son chef de gouvernement.
Me voilà aborder devant les futurs candidats aux législatives quelques aspects liés au rôle qu’attend le législateur. Il est bien évident que le corpus constitutionnel explique les mécanismes de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Pour ceux qui seront élus, ils ont déjà le pied à l’étrier.
ADRAR , REGGAN ET OUARGLA ET LES CONFLITS MÉMORIELS DE LA FRANCE COLONIALE
Pour conclure je reviens sur les essais nucléaires, il y a de cela soixante-deux-ans lorsque la France coloniale faisait exploser la première bombe atomique dénommée « Gerboise bleue », c’était un 13 Février 1960 à 7h04 sur Reggan d’une puissance de 70 kilotonnes soit trois ou quatre fois plus puissante que celle larguée sur Hiroshima qu’avait versifié notre poète Mohamed El Aïd El Khalifa en son temps ou j’ai l’honneur de remettre ce poème à l’ambassadeur du Japon à Alger en tant que ministre des TIC en guise dans probable jumelage entre Hiroshima et regagne dans l’avenir.
Devant l’histoire le peuple juge la France coloniale lorsqu’il regarde ces gros nuages en forme de champignon sur son territoire. Les jeunes observent ces photos prises il y a soixante-deux ans. Une explosion nucléaire produit en effet d’important effluents radioactifs qui représentent un risque sanitaire important pour les populations avoisinantes durant les décennies et plus.
L’HISTOIRE JUGERA LA FRANCE COLONIALE DE SON GÉNOCIDE
J’ai eu l’occasion de visiter le haut de l’ermitage du Père de Foucault dans l’Eskream sur le massif du Hoggar où de fabuleuses gravures rupestres ont été touchées par les 17 essais nucléaires, atmosphériques et souterrains entre Reggan et In Ekker. Si ce n’est l’expertise indépendante qui a révélé une carte du ministère de la défense française montrant que le continent européen fut aussi affecté par ses essais nucléaires.
La France n’a jamais dévoilé où sont enterrés les déchets (avions, chars et matériel) contaminés, laissés dans les sables de notre Sahara, laissés volontairement sur place aux générations futures. Mais à ce jour l’absence d’archives consultables, l’absence des travailleurs locaux ayant participé et victimes de ses essais n’ont été révélés à notre pays.
La France n’a recensé que 500 travailleurs qui furent victimes selon le Président de l’Association Taourirt H.M.Waer qui reconnait que ces essais n’ont épargné ni l’humain, ni la faune, ni la flore. Treize essais nucléaires portent le nom de Rubis, Jade, Agat,Topaz, Saphir, Turquoise, Emeraude etc… dans le massif de Tan Afella, centre d’expérimentations militaires des oasis(Cemo) situé à 150km au Nord de Tamanrasset.
Les essais étaient conduits dans des galeries, creusées en colimaçon en kilotonnes de TNT d’une profondeur de 800 à 1200mètres. Il faut jeter des passerelles dira le Président Tebboune pour « une mémoire apaisée.
Il faut que la France officielle engage un nettoyage ses sites contaminés. Il faut une reconnaissance des faits survenus durant la période coloniale (1830/1962) ».
La décontamination des sols et des nappes souterraines, la création d’une structure de santé spécialisée dans le traitement des maladies radio-induites et la transmission des archives secret défense enfin la loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes recensés par les deux pays. Tout ce travail ne peut se réaliser que par une ingénierie militaire spécialisée.
C’est le général de Gaulle qui a ordonné dès la fin de 1945 la préparation de la France à rentrer dans la cour des grands en possédant l’arme de dissuasion nucléaire. Dès 1957, il réunira un comité scientifique composé de Frédérik Joli Curie, Bertrand Goldschmit, Yves Rocard etc, sous l’autorité militaire du général Pierre Mari Gallois, père de la bombe A, et le Général Guillaumat, chargé du projet « Gerboise Bleue »
Perchée sur une tour métallique de 100 mètres d’une puissance de 70 KT, soit quatre fois la bombe déversée sur Hiroshima qui a irradié sur une longueur de 100 km/200km, « Gerboise bleue » a explosé le 13 février 1960 à 7 h 04 à Tanezrouft Il y eut ensuite « Gerboise rouge » le 27 décembre1960, « Gerboise blanche», le 1er avril 1960 et « Gerboise verte » le 25 avril 1961« Rubis » inférieure à 100 KT, le 20 décembre 1963 et « Saphir » supérieure à 150KT en février1965. Les retombées radioactives de ces essais nucléaires ont envahi plusieurs pays en Afrique et au sud de l’Europe sans compter toutes nos régions du Sud algérien. Dès lors, l’Algérie fait partie des 21 pays concernés par les conséquences de ces essais nucléaires.
Enfin après cette rencontre avec les populations d’Adrar, Reggan et Ouargla dans le cadre de cette campagne des législatives, un maître-mot se dégage c’est celui de l’adhésion de la population et leur fierté à l’ANP et les services de sécurité qui sont vigilants-gardiens de la sécurité nationale et institutions républicaines stratégiques des équilibres des forces non seulement en Algérie, au Sahel, au Maghreb et dans la mer Méditerranée en tant que lac de paix.
(*) Dr Boudjemâa HAICHOUR
Chercheur Universitaire-Ancien ministre
Bibliographies et références
1- Les essais nucléaire français en Algérie étude recherche et témoignages. Publiée par CNERMNR.
2- 2ème colloque international sur les conséquences des essais nucléaires dans le monde « cas du Sahara algérien »Alger 22/23 fév. 2010 ministère des moudjahidines et CNERMNR
3- Les déchets des essais nucléaires français en Algérie Sous le sable, la radioactivité ! Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires pages 21/23
https://www.boell.de/sites/default/files/2020-07/Collin-Bouveret-2020-Sous-le-sable-la-radioactivite.pdf
4الهيئة العربية للطاقة الذرية تقييم عملية دفن
النفايات المشعة في المحيط
المجلة 12 الذرة والتنمية العدد 5 فيفري1993