Une ville, une histoire : Tlemcen, La perle du Maghreb
En 2001, l’Organisation Islamique de l’Education, de la Culture et des Sciences, soumet un programme pour la célébration de trois capitales par an respectivement dans les régions arabe, Afrique et Asie. Le choix est porté sur un des foyers de lumières du monde musulman : Tlemcen. Du coup, la ville chérie de l’homme de Séville l’andalouse, Abou Mediene Chouaib, reconquit la place que lui lèguèrent ses savants, ses Saints, ses poètes, ses grands théologiens, juristes et médecins. Plaque tournante des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne, Tlemcen a été également pendant des siècles un pôle culturel et scientifique rayonnant sur l’ensemble du Maghreb. En attestent ses célèbres médersas El Yacoubia, El Eubbad, Ettachfiniya, Ouled Imam, ses prestigieuses mosquées dont celle d’Agadir, la plus ancienne au Maghreb (an 790). A la faveur d’un ambitieux programme porté sur la rehabilitation de son histoire, ses beaux vestiges et ses célèbres Medersas, la Perle du Maghreb s’offre aujourd’hui pour se faire redécouvrir par les algériens. Il est vrai que la ville de Beni Abdel Wadide est devenue une destination touristique par excellence. La ville s’est vite réconciliée avec sa prestigieuse histoire . Cité de paix et de tolérance, Tlemcen a été au cœur de nombreux évènements de l’histoire universelle. L’on raconte qu’au début du VIIème siècle, Tariq Ibn Ziyad aurait reçu le Comte Julien venu lui proposer la conquête de l’Andalousie à partir du cœur du Maghreb Central. Il fallait que le Comte Julien laisse à Tlemcen …deux de ses filles en garantie …
Perchée à 800 mètres d’altitude, Tlemcen a été, par le passé, capitale du Maghreb central, mêlant de ce fait des influences berbères, arabes, hispano-mauresques et françaises. Cela lui a valu les surnoms de«Perle du Maghreb», «Grenade africaine» ou encore «Médine de l’Occident».
Selon Ibn Khaldoun, l’origine du nom de Tlemcen proviendrait du mot zénète, Tilimsan, telem et sin signifiant
«composé de la terre et de la mer». Tabari cite pour la première fois Tlemcen, en parlant de la tribu des Banou Ifren. Pour sa part, Yahya Ibn Khaldoun, frère du grand historien et lui-même historiographe des Beni Abd El Wad, rois de Tlemcen, indique que le nom de Tlemcen signifie «le désert et le tell». D’autres hypothèses lui attribuent une autre signification, à savoir «poches d’eau captées».
Tlemcen de la préhistoire à l’Antiquité
La découverte, dès 1875, de haches polies dans les grottes de Boudghène témoigne d’une vie humaine dès la période du néolithique dans la région tlemcenienne. Plus tard, en 1941, c’est un polissoir qui a été mis au jour à Bab El Qarmadin, objet actuellement conservé au musée de la ville. Par ailleurs, trois gisements préhistoriques importants dans la région, en l’occurrence le lac Karar, au sud de Remchi, les abris sous roches de la Mouilah, au nord de Maghnia et le gisement d’Ouzidan, à l’est de Aïn El Hout renseignent sur les conditions de vie et d’habitat des habitants à cette époque. Durant la période numide, en particulier sous le règne du roi berbère Syfax, Tlemcen aura pour capitale Siga, mais c’est pratiquement tout ce que l’on apprendra sur cette époque.
A la fin du IIe siècle, au début de l’ère sévérienne, un castrum romain est installé sur un piton rocheux surplombant la plaine de Chetouane. Cette ville antique aura pour nom Pomaria, ce qui signifie «vergers» en latin, sans doute en référence à la plaine fertile qu’elle domine. Selon les différentes inscriptions épigraphiques relevées sur le site, ainsi que les bornes militaires trouvées le long de la Tafna, Pomaria aurait été érigée en même temps qu’Altava (Ouled Mimoun) et Numerus Syrorum (Maghnia).
Avant de devenir une cité avec tous ses attributs, Pomaria sera un poste fortifié, tenu par une cavalerie
d’éclaireurs romains. Selon le Dr Abderrahmane Khelifa (1), Mc Carthy qui visita la ville au milieu du XIXe siècle en avait fait cette description : «On peut lire encore exactement sur le sol les limites de Pomaria dont l’angle nord-ouest, en pierres taillées, est demeuré intact au milieu des constructions de la vaste enceinte des Zianides. Sa superficie est de 16 hectares. Il est même facile de déterminer la forme et la situation de son ancien castrum.»
Tlemcen et la conquête musulmane
Les historiens situent le début de la conquête musulmane au VIIe siècle. C’est, en effet, à partir de 671 que les Arabes occupent le Maghreb. La conquête arabe atteint Tlemcen en 675. C’est cette année-là (148 de l’Hégire) qu’Abû Qorra, le chef d’un schisme musulman (le sufrisme) est proclamé imam de la communauté avec Tlemcen comme capitale.
Abû Qorra aura une grande influence et ses troupes iront guerroyer jusqu’en Ifriqiya avec celles des Ibadites de Tihert et de Sijilmassa.
Malheureusement, Tlemcen ne garde aucune trace de cette époque, hormis le nom d’une porte, celle de l’ouest appelée Bab Abû Qorra, qui sera déformée en «Qorrane». Selon A. Khelifa (1), à la suite de cet épisode kharidjite, la ville fera partie du domaine des Banu Ifran et des Maghrawa de Mohammad Khazar (786). Ce dernier remit à Idris – de façon pacifique – les clefs de la ville (789). Idris fit construire la mosquée cathédrale d’Agadir et c’est son fils, Idris II, qui poursuivra l’œuvre de son père. Toutefois, très vite le pays est partagé en plusieurs principautés entre les différents fils et neveux d’Idris mais le pays orano-tlemcenien est contrôlé par les tribus zenatiennes, Maghrawa et Banu Ifrane de Mohammad Khazar, puis, plus tard par les Beni Ya’la dont les relations avec les Omeyyades de Cordoue étaient au beau fixe, contrairement aux Fatimides d’Ifriqiya. Ziri Ibn ‘Atiya commanda à Tlemcen au nom des émirs de Cordoue. Par ailleurs, il fonda Oujda en 994 et c’est sa descendance qui gouverna Tlemcen jusqu’à l’arrivée des Almoravides.
C’est en 1079 que commence la période Almoravide avec Youcef Ibn Tachfine son fondateur et son fils Ali Benyoucef.
Selon Ibn Khaldoun, Ibn Tachfine fonda la ville de Tagrart, juste à l’ouest d’Agadir. Tagrart est la véritable ancêtre de la Tlemcen d’aujourd’hui. Les Almoravides bâtirent de nombreux édifices militaires et religieux, à l’image du palais Qasr al Qadim près de la grande mosquée, de quartiers comme Derb Mesoufa, de bains comme Hammam el Sebbaghine, de remparts et de portes telle Bab el Kermadine. Tout cela, grâce au commerce de l’or auquel s’adonnaient les Almoravides dans le riche Sahara. D’ailleurs, des villes comme Nedroma, Ténès, Alger se développeront grâce à ce commerce.
A partir de 1143, c’est l’avènement de la période Almohade fondée par Abdelmoumène Ben Ali, période durant laquelle s›affirme son expansion économique. Les princes almohades qui présidaient aux destinées de la ville de Tlemcen n’ont, selon Ibn Khaldoun, «cessé d’entretenir et d’améliorer les fortifications de cette ville, ils y attirèrent beaucoup de monde afin d’augmenter la population ; ils travaillèrent à l’envi pour en faire une métropole ; ils y firent construire des châteaux, de grandesmaisonset des palais pour l’embellissement desquels ils n’épargnèrent aucune dépense».
C’est sous le règne du troisième calife Almohade, Abu Yusuf Ya’qub Al Mansûr que Sidi Boumediene, en route vers Marrakech, trouve la mort aux alentours de Tlemcen. Il sera enterré dans le quartier d’El Eubad. Al Nasir, fils d’Al Mansûr lui érigera un mausolée. Il est depuis, considéré comme le saint patron de la ville.
Le Maghreb se scinda en trois parties, dès lors que l’empire almohade afficha des signes de faiblesse. Les Hafsides régnèrent à l’est, les Mérinides à l’ouest et les Abdalwadides au centre. A partir de 1235, Yaghmorassen Ibn Zayan, tout en restant l’allié des derniers rois almohades, devint autonome sur l’ensemble des territoires que ces derniers lui avaient confié. Et c’est grâce à son courage et à sa bravoure qu’il réussit à ériger un royaume dont les limites allaient de la Moulouya jusqu’à la Soummam. Tlemcen devient alors capitale de cette nouvelle monarchie. Attirant beaucoup les convoitises, Tlemcen recevait des commerçants de toutes parts, essentiellement d’Europe. Ils venaient chercher l’or du Soudan, de l’ivoire ainsi que des esclaves. La ville est riche, aussi, de nombreux édifices dont El Mechouar, les médersas Techfiniya et El Eubad, les mosquées de Sidi Belahcène, Ouled l’Imam et Sidi Brahim, imposants surtout par leur beauté voient le jour, ne cessant d’être vantés par historiens et géographes.
Mais pas seulement, Tlemcen devient aussi très vite un lieu de rayonnement culturel et connaît une grande effervescence intellectuelle. Ibn Khaldoun viendra y enseigner à la medersa El Eubad, tandis que son frère sera l’historiographe attitré des rois de Tlemcen.
La ville résiste à un premier siège qui dura de 1299 à 1307. Les Mérinides érigent des remparts pour encercler Tlemcen et créent une autre ville à l’ouest de Bab El Khemiss : El Mansourah dont il ne subsiste aujourd’hui que les murs d’enceinte et la mosquée. Toutefois, en 1337, elle ne peut résister. Abû Tachfin et trois de ses fils perdent la vie lors du combat mené contre les Mérinides d’Abû -l-Hassan. L’occupation dura un quart de
siècle et les nouveaux maîtres de la ville s’attellent à embellir El Mansourah, à construire d’autres palais, d’autres mosquées et à restaurer le mausolée de Sidi Boumediene.
Les Abdalwadides reprennent Tlemcen
Aidés par les tribus zenatiennes, les Abdalwadides guidés par Abou Hammou Moussa II reprennent en 1359 Tlemcen. Au cours de ce règne qui dura jusqu’en 1389, la ville connaîtra une belle prospérité, cependant, tout prend fin lorsque Moussa II est chassé du trône et mis à mort par son propre fils.
Tlemcen sera acculée de toutes parts et la dynastie zayyanide, confrontée à plusieurs adversaires dont les Espagnols, périt sous les coups des Ottomans en 1554.
Dès le XVIe siècle, Tlemcen est rattachée à la Régence d›Alger. C’est le début des mauvais jours, ainsi qu›en témoigne le chantre populaire Ibn Msaib qui l›exalte, au XVIIIe siècle, dans de sombres élégies. Une lumière furtive reparaît en 1837 avec la signature du traité de la Tafna qui la reconnaît parmi les territoires relevant de la souveraineté de l›Emir Abdelkader. Mais Tlemcen tombera inexorablement entre les mains de l’occupant français dès 1842 et ce jusqu’à l’indépendance.
Palais El Mechouar
Une histoire riche et tourmentée
Durant leur règne, les rois zianides érigèrent d’importants édifices afin de laisser une empreinte indélébile à la postérité. Le palais El Mechouar, construit au moyen âge (1248) en fait partie.
El Mechouar qui, littéralement, veut dire «aile du conseil» («lieu de mouchawara») doit son appellation à cette salle dans laquelle se tenaient les réunions des ministres autour du roi de Tlemcen. Le palais El Mechouar fait partie de la citadelle du même nom qui a été construite en 1145, là où le roi Almoravide, Youssef Ibn Tachfin, a installé sa tente lors du siège de la ville. La citadelle qui mesure 200 m de long et 150 m de large est transformée en palais par le roi Abdalwadide Yaghmoracen Ibn Zyan, devenant ainsi la résidence officielle des Zianides. Ces édifices sont agrandis, embellis et restaurés au fil des siècles, par les diverses dynasties qui se sont succédé à Tlemcen, à savoir les Almoravides, Almohades, Zianides et Ottomans.
Ces derniers s’empareront dès 1516 de la citadelle, à la demande même des habitants de Tlemcen après que leur roi, Abou Hammou III eut fait allégeance aux Espagnols. Aroudj Barberousse règne pendant deux ans sur Tlemcen, mais en 1518, l’ancien roi de Tlemcen fait appel aux Espagnols pour l’aider à reprendre possession de la ville. Aroudj est assiégé pendant six mois dans la citadelle d’El Mechouar. Alors qu’il parvient à sortir de la citadelle, fortement cernée, il est vite rattrapé puis décapité.
En 1541, El Mechouar est à nouveau livré aux Ottomans par le roi de Tlemcen Moulay Mohammed qui dénonce l’allégeance de Hassan Pacha aux Espagnols au lendemain de sa victoire sur les troupes de Charles Quint débarquées à Alger. Commence alors le déclin du royaume zianide.
Lors de la signature du traité de la Tafna en 1837, l’Emir Abdelkader dispose du palais qu’il occupe jusqu’en 1842, date de sa reprise par les troupes coloniales françaises qui en font, dans un premier temps, une caserne. La mosquée est, quant à elle, transformée en église. Le site est peu à peu défiguré, notamment lorsque les Français y ajoutent des bâtiments administratifs et militaires.
Ce n’est que le 1er décembre 1962 que les clefs d’El Mechouar sont remises à Fodil Sid Lakhdar, représentant la préfecture de Tlemcen. Au lendemain de l’indépendance, la citadelle est transformée en école des cadets militaires. D’ailleurs, c’est là que le grand écrivain Yasmina Khadra effectue sa scolarité à partir de 1964. Période qu’il relate dans son livre intitulé L’écrivain. L’école ferme ses portes en 1986 et le site est rendu à la ville.
Dans le cadre de la préparation de l’événement culturel «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011», le ministère de la Culture lance en 2010 le projet de restauration du palais El Mechouar. Mais avant, une opération de fouilles archéologiques est entamée sous la direction du Centre national de recherches archéologiques d’Alger. Des fouilles qui s’avèreront très fructueuses puisqu’elles permettront de mettre au jour des traces de constructions de différentes époques, des pierres tombales, des espaces d’eau, des pièces de céramique, des passages souterrains. Par ailleurs, aux alentours et dans la cour du palais royal, 16 silos remontant à l’époque zianide seront découverts. Ils étaient utilisés pour la conservation et le stockage des denrées alimentaires en prévision des calamités ou des invasions étrangères. Après l’achèvement des travaux de réhabilitation, le site a ouvert ses portes au public. Il abrite des associations culturelles ou artisanales ainsi que des administrations.
Minaret el Mansourah
Magnifique vestige mérinide
Dans le faubourg ouest de la ville de Tlemcen s’élève dans le ciel le célèbre minaret de la mosquée El Mansourah. Tout autour, des vestiges datant du XIVe siècle, témoignent des luttes fratricides qui eurent lieu entre les dynasties abdalwadides et mérinides.
Capitale du Maghreb central au XIe, puis du XIIIe au XVIe siècle, Tlemcen, qui était une place stratégique au départ de la route de l’or vers le Soudan, se retrouva très vite convoitée notamment par les Mérinides de Fès. Résistant aux multiples assauts de ses voisins, elle finit par être assiégée, sous le règne de Abou Saïd Othman, roi zianide pendant huit longues années (du 6 mai 1299 au 13 mai 1307).
Selon Ibn Khaldoun, il y eut 120 000 morts parmi la population tlemcenienne lors de ce siège. «Malgré cela, ils ont persévéré dans leur résistance. Oh! combien ils ont été admirables de persévérance, d›abnégation, de courage et de noblesse !» ajouta-t-il.
Le sultan Abou Yacoub Youcef fit construire la ville de Mansourah (la Victorieuse) au voisinage de la cité assiégée vers 1299. Le sultan se fit bâtir une demeure royale et une mosquée puis l’enceinte en 1302. Mansourah, qui fut d’abord un camp militaire appelé «El Mahalla el Mansourah», finit par se substituer à Tlemcen.
Ibn Khaldoun indiquera que la mosquée de Mansourah aurait été construite vers 1303 par le sultan Abou Yacoub, mort avant l›achèvement de son œuvre. La mort du souverain ayant été suivie immédiatement de l’évacuation de Mansourah par les Mérinides, les travaux n’auraient repris qu’en 1336 à l’époque de leur retour lorsque Abou Hassan rebâtit la ville.
Durant le siège, le sultan de Fès érigea autour de Tlemcen un mur tel que, selon Ibn Khaldoun, «un esprit, un être invisible aurait eu de la peine à pénétrer dans la cité ».
C’est à la suite de l’assassinat du sultan mérinide par l’un de ses esclaves que le siège prend fin. Cela aura pour conséquences le retour des mérinides à Fès et l’abandon de Mansourah.
Aujourd’hui, il ne reste de Mansourah que les parties nord et ouest des remparts et la mosquée.
Les murailles en pisé, de 1,50 m d’épaisseur, de 12 m de hauteur, flanquées de 80 tours, qui ont presque disparu à l’est et au sud, délimitaient une superficie de 100 ha. Quant à la mosquée, elle occupe un rectangle de 60 m de large sur 85 m de long. La porte principale s›ouvre à la base du minaret. La cour, carrée, comme le sont les mosquées maghrébines des XIIIe et XIVe siècles, était encadrée de galeries prolongeant les nefs de la salle de prière. Outre l›entrée principale, douze portes construites en pierres, décrochant en saillie sur les quatre faces, donnaient accès à la mosquée.
Le minaret se dresse à 38 m. Une petite porte s›ouvrant dans la mosquée, sous la galerie antérieure de la cour, donnait accès à la rampe qui, par sept révolutions autour du noyau central, montait jusqu›au niveau de la galerie supérieure. Cette rampe était éclairée par de larges ouvertures percées au milieu des quatre faces et par des jours plus petits dans l›axe des rampes.
Sidi Boumediene et Lalla Setti
Les saints protecteurs de Tlemcen
Surnommé Aboumédiène El Ghouts ou dans le langage populaire Sidi Boumediene, Choaïb Ibn Hocine El Andaloussi a vu le jour en 1126 à Séville, mais c’est à Fès qu’il étudie auprès de grands maîtres, tels que cheikh Abou Yeza, qui l’initie aux secrets du soufisme. Voulant aller plus loin dans sa quête spirituelle, il prend le chemin de l’Orient et pose ses bagages à Tlemcen. Lui qui recherche la solitude pour méditer s’y sent bien, aussi, se retire-t-il à El Eubad, auprès du tombeau du wali Sidi Abdellah Ben Ali. Après un séjour dont la durée ne sera pas formellement précisée, il quitte Tlemcen, dans l’espoir de la retrouver un jour. Malheureusement, les retrouvailles n’auront lieu que bien plus tard. Il y reviendra pour y mourir.
Sidi Boumediene qui, dans son périple vers l’Orient s’était arrêté dans toutes les grandes villes, arrive enfin à la Mecque. Là, il fait connaissance avec cheikh Sidi Abdelkader El Djilali qui complète son instruction sur la doctrine soufie et fait de lui son disciple préféré. Son instruction parfaite, il s’en va dispenser son savoir à Baghdad, Séville, Cordoue et Bougie. A la disparition de son maître, il devient le plus célèbre cheikh jamais formé à l’école d’El Djillani.
Sidi Boumediene était un soufi parfait qui appliquait à la lettre les fondements de cette doctrine tels le renoncement au monde, la contemplation des mystères divins ou la recherche des secrets du spiritualisme. Sidi Boumediene est l’auteur de plusieurs traités de doctrines spiritualistes. Il avait, par ailleurs, une âme de poète, aussi, composait-il à ses heures perdues des poésies allégoriques.
Sollicité par le sultan Abou Youcef Yacoub El Mansour, sultan Almohade, il quitte Bougie pour rallier Marrakech. Arrivé à Aïn Tekbalet, aux environs de Tlemcen, il montre à ses compagnons le ribbat d’El Eubad puis il s’écrie comme inspiré : «Combien ce lieu est propice pour y dormir en paix de l’éternel sommeil.» A sa mort, il prononce d’une voix éteinte : «Dieu est la vérité suprême.» (Allah oua El Hak). Il meurt en 1197, à l’âge de 71 ans.
Lalla Setti, fille de Abdelkader El Djillani, épouse de Sidi Yousef El Miliani, est le second symbole de sainteté après Sidi Boumediene El Ghout. Son ascendance remonte au prophète Mohammed (QSSSL). Lalla Setti avait plusieurs dons et elle était sollicitée pour ses karamate, ce qui alimentait beaucoup les contes populaires autour de sa personne. Les femmes la sollicitaient notamment lorsqu’elles avaient des problèmes de fécondité. Après sa mort, Lalla Setti fut enterrée au lieu où elle méditait, le plateau qui porte aujourd’hui son nom. Le mausolée dédié à Lalla Setti est depuis un lieu de ziara et de pèlerinage pour les Tlemcéniens mais aussi pour les nombreux touristes de passage à Tlemcen.
La cité a enfanté de nombreuses figures illustres Tlemcen, carrefour intellectuel
Ibn Khaldoun qui séjourna longtemps à Tlemcen rapporta qu’«on y cultiva avec succès les sciences et les arts ; on y vit naître des savants et des hommes illustres dont la réputation s’étendit aux autres pays».
Tlemcen a toujours été un grand centre religieux, culturel et intellectuel. Elle fut propice à la création et à
l’épanouissement intellectuel et son influence sera notable sur tout le Maghreb, y compris sur l’Occident musulman.
De Abderrahmane et Yahya Ibn Khaldoun à Mohammed Dib, en passant par Waciny Laredj, Sidi Boumediene, Al Okbani, Al Abili, Ibn El Meçaîb, Ibn El Khamis, Es Senousi, Abou Abdallah Al-Khazradjy et beaucoup d’autres encore, Tlemcen n’a cessé de donner à l’Algérie et au monde des hommes de grande valeur.
En 2011, à la faveur de l’événement «Tlemcen capitale de la culture islamique», un colloque international autourduthème«Penseursetfiguresillustresà Tlemcen» aétéorganiséparle Centrenationalderecherches préhistoriques, anthropologiques et historiques. Il a été l’occasion de rappeler l’apport considérable des oulémas de Tlemcen, d’abord à leur cité mais aussi au monde, d’une manière générale.
En effet, les savants n’ont pas imposé leur réputation seulement en sciences de la religion et en littérature mais ils se sont également intéressés à d’autres disciplines comme la médecine, l’astronomie, les mathématiques et la géométrie. Certains se sont même illustrés par leurs travaux, à l’image d’El Okbani,
un érudit qui a introduit «l’équation mathématique dans la probabilité et l›algorithme en algèbre» et qui avait expliqué le manuel des mathématiques «El Talkhis» d›Ibn El Abbes El Benae, ainsi que la poésie d›Ibn Yasmine dans l›algèbre et l›algorithme. Ibn El Faham a été également évoqué, lui qui fut le concepteur de l’horloge à eau mais encore El Habbak qui a marqué de son empreinte l’astronomie et l’astrolabe. Quant à Thighri Et-Tilimçani, il s’est fait connaître à travers son encyclopédie de médecine et de pharmacie, tout comme le savant El Abli qui a publié une encyclopédie scientifique. Les frères Yahya et Abderrahmane Ibn Khaldoun étaient, pour leur part, les deux références de l’architecture et de la sociologie de l’époque.
En littérature, ils sont nombreux à y avoir vu le jour, parmi lesquels le célèbre Mohammed Dib ou même Waciny Laredj.
Aujourd’hui encore, Tlemcen, à l’instar d’autres villes du pays continue à voir émerger des fils prodiges qui, par leur savoir et leurs connaissances contribuent chacun dans son domaine à l’essor de l’Algérie.
H.A.