Violentes manifs en Afrique du Sud : déjà 32 morts !
Malgré le renfort de l’armée, la contestation ne faiblit pas en Afrique du Sud. Elle gagne même les quartiers aisés. Au 4e jour des violences, on compte déjà 32 morts, a annoncé mardi un responsable provincial. Le bilan dans la province du Kwazulu-Natal est passé à 26 morts, contre quatre la veille, a annoncé son Premier ministre à la presse. Il faut ajouter à ce bilan les six morts dans l’agglomération de Johannesburg confirmés lundi soir par le président Cyril Ramaphosa.
Tout a commencé vendredi dernier en pays zoulou, soit à l’est du pays. C’est de là, depuis sa résidence de Nkandla, que s’est constitué prisonnier l’ancien président Jacob Zuma après sa condamnation à quinze mois de prison pour outrage à la justice. Depuis, l’agitation a gagné plusieurs provinces, comme le Gautend, le centre économique du pays et les quartiers les plus défavorisés de Johannesburg, non plus en raison de l’arrestation de l’ex-chef d’État mais surtout pour des raisons économique et alimentaire, d’après les observations de l’AFP et des sources locales.
Ce lundi 12 juillet, l’armée a été appelée en renfort pour contenir les débordements alors que des restrictions imposées fin juin pour contenir une troisième vague meurtrière de Covid-19 ont étouffé les plus pauvres. C’est un chaos de « criminels » et d’« individus opportunistes » à la manœuvre, selon la formule d’un porte-parole de la police, qui ciblent centres commerciaux et magasins. Ils emportent téléviseurs géants, nourriture, matelas, réfrigérateurs, tout ce qui se présente, enjambent un vélo rose pour enfant tout neuf ou trimballent une baignoire en équilibre sur la tête, selon des journalistes de l’AFP présents sur plusieurs sites.
Le centre de Johannesburg présentait un paysage désolé de vitres brisées et de carcasses de voitures brûlées. Des hélicoptères de la police survolaient la mégalopole. Dans les quartiers aisés, des commerces ont fermé tôt, les rumeurs courant bon train. « On nous a informés que les pillards étaient en route pour ici », a confié à l’AFP un garde du Rosebank Mall, en cours d’évacuation. À Pietermaritzburg, dans l’Est, des soldats patrouillaient déjà parmi les débris et beaucoup de magasins n’ont pas ouvert, y compris les stations-service. Au milieu de pillages systématiques, les pompiers s’employaient à éteindre plusieurs sinistres, selon des témoins. Dans cette ville, le centre commercial de Brookside a flambé.
L’immense panache noir s’élevant du toit n’a pas découragé les dizaines de pillards, qui se sont précipités vers le bâtiment en feu. À la sortie, des caddies remplis jusqu’à la gueule de marchandises volées, ont montré les chaînes locales. Tout aussi alarmant, les pillages massifs de commerces n’épargnent pas les pharmacies, qui vaccinent contre le Covid, leur faisant craindre d’importants retards sur les inoculations si la situation perdure. Le vandalisme et le pillage de pharmacies « ont fait disparaître en fumée des millions de rands (dizaines de milliers d’euros) de médicaments indispensables », dont ces vaccins, affirme dans un communiqué lundi l’Association indépendante des pharmaciens, qui représente plus de 1 100 pharmacies. Sur ton grave et direct, Cyril Ramaphosa, le président sur africain, a souligné le caractère inédit de ces violences, estimant que, si les « frustrations et la colère » exprimées ont « des racines politiques » mais « aucune cause politique, aucune revendication ne peut justifier la violence et la destruction. Ceux qui paient le prix sont les plus pauvres et les plus démunis. Les commerces et les infrastructures ont été détruits. Conséquence, nos malades n’ont pas pu recevoir leurs médicaments. Le personnel de santé ne peut plus se rendre dans les hôpitaux et les supermarchés ne sont plus approvisionnés en nourriture. D’ici à quelques semaines, nous allons bientôt faire face à un grand risque d’insécurité alimentaire et de manque de médicaments ». Il a promis de restaurer « le calme et la stabilité ». Pas sûr qu’il reçoive le soutien de la classe politique nationale.
Le principal parti d’opposition sud-africain, l’Alliance démocratique, a déclaré que le président Ramaphosa « aurait dû reconnaître le rôle de l’ANC dans cette crise, car il s’agit essentiellement de leur guerre interne menée dans nos rues ». La police enquête sur l’identité et les circonstances dans lesquelles dix personnes en tout ont trouvé la mort, six dans la région de Johannesburg, les quatre autres en pays zoulou, a précisé dans la soirée le chef de l’État.
R.I.