William Burns, nouveau patron de la CIA à Eccherq El Awsat
« La reconnaissance par Trump de la souveraineté d’Israel sur le Golan Syrien occupé a donné naissance à deux problèmes supplémentaires majeurs »
Dans un long entretien accordé à Eccherq El Awsat, le nouveau directeur de la CIA, William Burns, a décortiqué tout ce qui s’est passé à travers le monde ces dernières années et qui a influé d’une manière ou d’une autre sur le rôle des USA partout où elle le pouvait.
Il commença par le fait que Barak Obama n’ayant pas répondu aux exactions et ‘au dépassement des lignes rouges’ à la fin de l’année 2013 a eu une certaine incidence sur l’influence des Etats-Unis et sur son rôle à travers le monde » puis, continuant son analyse, il déclara que : « durant les années passées, nous nous sommes tracés de grands objectifs mais sans mettre les moyens pour les réaliser ».
Passant à la reconnaissance du Golan Syrien occupé comme étant sous la souveraineté d’Israël, Burns a affirmé que cette reconnaissance a créé deux problèmes majeurs. Le premier est, qu’ainsi, nous avons plutôt travaillé pour les intérêts de la Syrie, de l’Iran et de la Russie puisque, au lieu que les discussions tournent autour des tueries en Syrie, elles se sont tournées vers la lutte contre l’occupation israélienne de ces territoires. Quant au deuxième, il a trait à l’annexion par la force de terrains appartenant à autrui, ce qui est un principe international, mais le problème, c’est comment parler à la Russie quant à son annexion d’autres terres par la force.
L’entretien dont il est question a été accordé par William Burns à Eccherq El Awsat en marge de la sortie, à Londres, de son livre ‘The Back Channel’ (Canal Arrière) dans lequel il parle de ses trente années de carrière aux affaires étrangères des USA, période au cours de laquelle il a travaillé pour l’administration de cinq présidents des Etats-Unis et dix ministres des affaires étrangères.
Le nouveau patron de la CIA a parlé aussi de sa première rencontre avec Mouammar El Keddafi, avec Vladimir Poutine et d’autres présidents à travers le monde.
Questionné sur le timing choisi pour la sortie de son dernier livre ‘The Back Chanel’, Burns rappelle qu’auparavant les dirigeants étasuniens ne cherchaient pas à vendre l’image de marque des USA comme c’est le cas aujourd’hui, surtout avec la montée en puissance de la Chine et l’éveil de la Russie. Burns explique aussi que, si les Etats-Unis venaient à utiliser les cartes qu’ils possèdent de manière judicieuse : « nous battrons facilement nos adversaires, pas seulement grâce à notre supériorité économique ou militaire mais grâce à nos alliances, mais je suis inquiet parce que nous n’utilisons pas un outil très dissuasif qui s’appelle la diplomatie ». Le même personnage voulait, par son livre, présenter la diplomatie au commun des mortels, d’autant plus qu’il a passé une très grande partie de sa vie es qualité.
La chemise de pyjama de Kaddafi.
Après avoir fait part de ses différentes rencontres avec les dirigeants du monde, Burns rappelle les grands moments de la diplomatie étasunienne, à commencer par la guerre contre l’Irak, les pourparlers secrets avec l’Iran, les accords entre Israël et certains pays arabes puis ce qui a été appelé de ‘Printemps arabe’. Parmi ses rencontres avec les dirigeants de nombreux pays, il se rappelle particulièrement Mouammar El Keddafi : « c’est l’un des plus étranges chefs d’Etat que j’ai rencontrés, je l’ai rencontré lors de l’affaire Lockerbie et nous avons essayé de le persuader de payer des indemnisations aux parents de victimes pour enlever la Lybie de la liste des pays terroristes », a-t-il précisé. Lors d’une rencontre avec Kaddafi, Burns raconte qu’il portait une chemise de pyjama sur laquelle étaient imprimés les photos de dictateurs africains « j’ai d’ailleurs essayé de compter le nombre de dictateurs imprimés sur son pyjama, mais je n’ai pas pu », dit-il.
Concernant le président russe Vladimir Poutine, Burns affirme qu’il portait en lui un mélange de sentiments englobant l’injustice et d’ambition et il est venu, après vingt années, pour deux objectifs : la reprise du rôle de l’Etat Russe et celui de la Russie au niveau international. Il se rappelle que sa première rencontre avec Poutine a été en 2005 et il estime que c’est plutôt un homme tactique plutôt que stratégique.
Passant à la Chine et en réponse à une question la concernant, Burns affirme que la Chine est un évènement unique en son genre en ce 21ème siècle et endiguer son ascension demeure un défi pour les Etats-Unis, il existe d’autres pays en développement qui sont inquiets de la montée de la Chine et les USA cherchent à s’allier avec eux pour contrer la Chine.
Toujours dans le même contexte, Burns affirme que la Chine est très différente de la Russie, la première étant une puissance montante et permanente alors que la Russie est un Etat en pleine décadence. Mais il estime que la Russie et la Chine ont fait ‘un mariage d’intérêts’, les deux pays : « ont des projets pour concurrencer le système mis en place par les Etats-Unis et la Russie n’a pas l’intention de jouer le rôle du petit frère auprès de la Chine », a-t-il encore annoncé.
Sur la Syrie, il soutient que le président El Assad doit partir et rappelle que les Etats-Unis avaient de grands projets pour la région mais ‘nous n’avons pas mis les moyens nécessaires’ et Barack Obama avait mis des lignes rouges devant El Assad qui ne les a pas respectés mais Obama n’a rien fait contre lui.
Tahar Mansour