« 42ème ANNIVERSAIRE DU DECES DU PRESIDENT BOUMEDIENE »
« DE LA MEDERSA EL KATANIA AU LEADER DU MONDE TIERS »
« BOUMEDIENE UN HOMME UNE VISION UNE STATURE »
(*) Dr Boudjemâa HAICHOUR
Nous commémorons le 42ème Anniversaire de la mort d’un des hommes illustres de l’Algérie. A chaque fois que je suis à Constantine, je passe du côté de la médersa El Katania où repose Salah Bey immortalisé dans la chanson « Galou Al ArabGalou » sorte d’oraison funèbre en hommage à celui qui a régné pendant vingt-deux ans à la tête du Beylick de Constantine et que sa tombe est adossée au mur de celle-ci, où évolua Houari Boumediene , ce fils, venant de Guelma avec son certificat d’études du primaire afin de parfaire ses études sous son vrai nom de Mohamed Boukharouba. Il est né le 23 Août 1932 dans le village appelé Héliopolis.
Sa famille a migré au temps d’El Mokrani de la tribu des Béni Foughal fraction des Béni Ouarzeddine de Jijel vers Guelma.Il est l’un des sept enfants qui mémorise les versets du Coran et lui permettront à l’aide de ses parents de poursuivre les études d’arabe avec comme objectif de rejoindre la Zaïtouna puis l’Université d’El Azhar echarif.
Dès sa prime jeunesse il sera marqué par les tragiques événements et massacres perpétrés par les forces coloniales pour réprimer le soulèvement de la population de Guelma, de Sétif et de Kherrata qui vont aiguiser la conscience politique du jeune Mohamed Boukharouba, en adhérant au MTLD à Constantine.
Il quitte la Médersa El Kattania pour ne pas faire son service militaire et fuit clandestinement avec son ami Chirouf en Tunisie, puis en Libye pour se fixer enfin au Caire.
EL KAHIRA OUM DOUNIA AL AZHAR OU LA QUETE DU SAVOIR
Dans cette ville pharaonique, il va s’inscrire pour suivre les études de la prestigieuse Université d’El Azhar où il se lie avec des officiers nationalistes égyptiens dirigés par Gamal Abdel Nacer qui vont renverser le roi Farouk en Juillet 1952 et proclamer la République. Dès le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, Mohamed Boukharouba interrompt ses études et commence une formation militaire et le prédispose avec un commando chargé par les représentants de la Révolution de mener à bon port les armes destinés aux maquisards de l’Oranie en Février 1955.
NOM DE GUERRE HOUARI BOUMEDIENE
ET LA BARAQA DES SAINTS
Il prendra le pseudonyme de Houari Boumediene en référence aux Saints Patrons : Sidi Houari à Oran et Sidi Boumediene de Tlemcen. Sous les ordres de Mohamed Boudiaf puis celui de Abdelhafid Boussouf. En Novembre 1957, Houari Boumédiene succède à Abdelhafid Boussouf à la tête de la Wilaya V avec le grade de Colonel. Alors Chef d’Etat-Major, il entre en conflit avec le GPRA.
En Septembre 1962 le Président Ben bella le nomme en Mai 1963 dans son premier Gouvernement comme Ministre de la défense nationale et deviendra vice-président du Conseil des ministres avec maintien du poste de ministre de la défense nationale. Suite à un désaccord les deux hommes vont se séparer.
Et c’est Benbella qui va être renversé. Houari Boumediene devient Chef d’un Conseil de la Révolution composé de 26 membres le 19 Juin 1965.
Le 27 Décembre 1978 Boumediene décédera suite à une maladie dite de waldenström. Il en restera de ces membres du Conseil de la Révolution que huit (suite à des décès, destitutions ou démissions).
BOUMEDIENE ET LA PASSION DE L’ETAT
Alors qu’il voulait édifier un Etat qui puisse survivre aux hommes et aux événements, l’administration qui a eu la charge de mener à bon port cette lourde tache, s’est vite ankylosée dans une bureaucratie déviant du chemin qui devait aboutir à un Etat rigoureux, de justice sociale et de compétences qui ont foi en la prospérité d’une Nation.
Le Conseil de la Révolution qui légiférait par décrets et ordonnances avait la responsabilité de contrôler les différentes étapes de reconstruction, n’a pas pu réaliser ce challenge. Les Assemblées élues APC en 1967, APW en 1969 en tant que cellules de base de la construction de l’Etat, vont butter à des problèmes de gouvernance locale par manque de managers et seront encadrées par des commis de l’Etat, soucieux de leurs prérogatives en tant que représentants nommés.
La Révolution industrielle avec ces cinquante usines clés-en mains n’a pas pu aussi réaliser le décollage économique attendu tel que conçu par Des tannes De Bernis « Les industries industrialisantes », n’a servi que pour régler un problème de « chômage déguisé ».
Quant à la Révolution agraire que le Président Boumediene voulait changer l’esprit du gourbi avec le mode de vie plus décent, le fellah a été fonctionnarisé confiné à des heures de travail de la fonction publique.
LA RURBANITE ET LA PERSISTANCE DES ZONES D’OMBRE
Aujourd’hui malgré tous les efforts déployés depuis les années Boumediene, il persiste à ce jour plus de seize mille zones d’ombre y compris dans les villes rurbaines. Aussi faudrait-il dire que les réformes introduites dans le domaine de l’éducation, de la culture où l’Algérie a consenti d’énormes moyens pour la scolarisation des milliers d’enfants.
Une bourgeoisie d’affaires dans un jeu d’alliances entre bourgeoisie terrienne et bourgeoisie technocratique s’est formée, ce qui n’existait pas à l’indépendance. Dès lors la corruption allait gangréner tout le corps social de la plus basse échelle au sommet. L’économie pétrolière va générer des avoirs qui vont financer les importations de plus en plus importantes. Le transfert de technologie ne sera qu’une panacée.
Même si l’algérien n’a pas le ventre creux, il y a toujours ce désir de mieux vivre. Mais Boumediene allait corriger toutes distorsions dans sa gouvernance. Le quatrième sommet des pays-non alignés va donner au Président Boumediene un tout autre charisme surtout la revendication d’un Nouvel Ordre Economique Mondial.
Malgré toutes ces lacunes, la stratégie du Président Boumediene a donné des résultats incontestables lorsque nous évaluons l’héritage que la colonisation a laissé en opérant à la politique de la terre brulée et l’interdiction aux enfants d’être scolarisés dans le dénuement total et une malnutrition provoquant des maladies poussant à la forte mortalité infantile.
A quoi ont servi toutes ces chartes en termes de doctrine économique et sociale ? Malgré toutes ces politiques engagées, il y a lieu de dire que l’Algérie « Grenier à blé de Rome » est restée à ce jour dans une dépendance agro-alimentaire structurelle.
Pour ce qui est de l’industrie, elle n’est à 5% du PIB engendrant des situations qui ne militent pas pour éliminer le chômage endémique.
DECRIPTER L’ŒUVRE INACHEVEE
DU PRESIDENT BOUMEDIENE
Le Président Boumediene est un personnage difficile à déchiffrer. Il avait des convictions proches de son peuple. S’il faut écrire l’histoire, Boumediene avait eu l’intelligence de dépasser ses maîtres en particulier Abdelhafid Boussouf. La question palestinienne et sahraouie fait partie de la solidarité avec les peuples qui luttent pour leur indépendance.
Cette stratégie il l’a évoquée durant les cinquante heures pendant cinq années d’interviews qu’il avait donnés à Paul Balta et Claudine Rulleau dans l’ouvrage « La Stratégie de Boumediene ».En ce 42ème anniversaire de sa mort, Boumediene a laissé une image d’un homme sobre, pudique.
Il est un personnage discret, fier et efficace. Comme tout homme politique l’ambition se mesure aussi à un côté autoritariste. Il est proche du peuple, « généreux mais exigeant ». Boumediene a de la dignité et comme le décrivent Paul Balta et son épouse « il a des intuitions spontanées aux analyses argumentées, de l’incantation à l’action, de la dénonciation des situations iniques à l’organisation de la lutte ».
En 1978 lors de notre rencontre avec lui en tant qu’instance de l’Union de la Jeunesse, il est resté avec nous plus de sept heures pour nous parler de la géopolitique du moment avec un esprit visionnaire. Nous avons été surpris de le voir parler, lui au regard perçant un bon français dans ce cadre restreint, lui qui nous donnait plaisir à écouter ses discours lors des meetings.
Il nous a habitués avec une langue arabe, qui n’a rien de moyen-orientale, avec des intonations de la langue populaire de chez nous.En ce qui concerne les relations avec la France, Boumediene répondant à une question de Paul Balta : « On ne peut ignorer le poids de l’histoire. Entre la France et l’Algérie, les relations peuvent être bonnes ou mauvaise, en aucun cas elles ne peuvent être banales ».
Quant à l’APN après un moment de réflexion il lui répondait : « Contrairement aux APC et APW, l’APN sera notre vitrine intérieure et extérieure ; je ne voudrais pas qu’elle soit la vitrine de nos divisions et de nos régionalismes ».
Alors que Paul Balta venait d’être affecté par son journal en Iran, Boumediene a insisté qu’il continue en Algérie alors lui dit-il que le début de 1979, nous allons tenir un grand Congrès du FLN où nous devons dresser notre bilan et passer en revue ce qui est positif et surtout lui dit-il examiner les causes de nos échecs tout en rectifiant nos erreurs et définir les nouvelles options.
Vous êtes témoins de notre expérience le mieux placé pour juger des évolutions et en rendre compte ». En ce moment Balta lui a posé quelques questions : Envisagez-vous d’ouvrir la porte au multipartisme ? D’accorder plus de place au secteur privé ? De libéraliser la presse ? De faciliter l’organisation du mouvement associatif ?
La façon avec laquelle il avait souri dira Paul Balta laissait deviner une approbation ». Puis ces derniers mots à Balta : « Vous êtes le premier à qui j’en parle, je ne peux être plus explicite pour le moment, mais faites-moi confiance, vous ne serez pas déçu si vous restez».
Il reste que le Président Boumediene a nationalisé les hydrocarbures un 24 Février 1971 et « On ne peut aller au paradis le ventre creux » déclaration de la conférence islamique de Lahore. Il parvient en 1975 lors du sommet à Alger de l’OPEP réunissant le Cartel pour réguler la production en vue d’obtenir les prix les plus hauts possibles pour financer les pays producteurs.
C’est dans ce cadre aussi qu’il arrive à obtenir la paix entre l’Iran du Chah et l’Irak de Saddam. Boumediene organisera le sommet des pays non-alignés à Alger en 1973 et participera à une réunion spéciale de l’A.G de l’ONU sur les matières premières d’où il préconise le Nouvel Ordre économique mondial.
C’est durant l’année 1973 qu’il épousera une jeune avocate du barreau d’Alger, Anissa Manzali qui partagera sa vie jusqu’à sa mort.
Malheureusement Balta n’a pu obtenir son maintien en Algérie. Il retournera pour informer le Président Boumédirne de la décision de son journal. Boumediene lui dit-il : « Je ne peux que m’incliner, mais je déplore que vous ne puissiez être témoin des réformes importantes qui vont couronner, dans le sens de l’ouverture, celles dont vous avez été témoin depuis l’adoption de la Charte nationale ».
Balta rencontrant Ahmed Taleb Ibrahimi et Abdellaziz Bouteflika a su que Boumediene leur a raconté cet entretien sans faire de commentaire et qu’ils partageaient la teneur de cette entrevue.
Peu de temps après le Dr Taleb Ibrahimi lui a confié, les larmes aux yeux, que le Président a uriné du sang. Que des analyses secrètement effectuées sous de faux noms, confirmaient la gravité du mal, c’est-à-dire « Une hématurie avec tumeur maligne de la vessie ».
On découvrira après qu’il souffrait d’une maladie du sang, « la maladie de Waldenström » similaire à celle du Président Pompidou et qu’il allait se soigner à Moscou où son avion atterrissait le 27 Septembre 1978 mais sera rapatrié le 14 Novembre. En survolant la France un message cordial a été envoyé au Chef de l’Etat français. Le Président Houari Boumediene décédera le 27 Décembre 1978.
(*) Dr Boudjemâa HAICHOUR
Chercheur Universitaire-Ancien ministre
Bibliographie :
1-Paul Balta et Claudine Rulleau : « La politique arabe de la France » Sindbad Paris 1973.et « La Stratégie de Boumediene » Sindbad Paris 1978.
2-Paul Balta : « Monde Diplomatique Novembre Paris 1982-Ombres et Lumières d’une Révolution »
3- Jean Lacouture : « La stratégie de Boumediene de P.Balta et C.Rulleau » archives le monde 1978.
4- CAIRN : « Mes rencontres avec Boumediene » dans Confluences Méditerranée N°81 2012 ;
5- https :fr.vikidia.org/wiki/HouariBoumediene.