Abdelhafid Boussouf
Le père du Renseignement algérien
Lors de la cérémonie de sortie, tenue à l’Académie militaire ‘Houari Boumediene’ de Cherchell, des différentes promotions relevant des différents établissements de formation de l’Armée Nationale Populaire, le président de la république, chef suprême des forces armées, ministre de la défense nationale, a donné son accord pour leur donner le nom du moudjahid feu Abdelhafid Boussouf, le père du renseignement algérien.
C’est un hommage bien mérité qui est rendu à un homme qui s’est investi entièrement dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie depuis son jeune âge. Il a su garder son sang-froid et sa fidélité pour son pays aux moments les plus difficiles et s’est démarqué de tout ce qui n’était pas inscrit dans la lutte pour l’indépendance. Même après la guerre, il est resté en-dehors de toute déviation et s’est retiré de toute activité politique ou partisane.
Qui est donc cet homme exceptionnel ?
Abdelhafid Boussouf alias « Si Mabrouk » a joué durant la Révolution de novembre 1954 un rôle prépondérant. Retour sur un long parcours de sacrifices et de bravoure.
Natif de Mila, Abdelhafid Boussouf y voit le jour le 17 août 1926. Il y passe l’essentiel de sa jeunesse et y effectue ses études primaires avant de se rendre à Constantine, à l’orée de la Seconde guerre mondiale, pour y poursuivre sa scolarité et décrocher son Brevet élémentaire.
A l’âge de 16 ans, il intègre les rangs du Parti du peuple algérien (PPA) affûtant ses armes politiques auprès de militants racés de la trempe de Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat ou encore Lakhdar Bentobal. A la création en 1947 de l’Organisation Secrète (OS), bras armé du parti, il y adhère et finit par entrer dans la clandestinité en 1950 après son démantèlement. Activant d’abord à Skikda puis dans l’Oranie, avant de devenir responsable de la circonscription de Tlemcen au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, Abdelhafid Boussouf s’attelle au renforcement des structures du parti tout en maintenant le contact avec les autres membres de l’OS, activant dans l’Oranie tels que Larbi Ben M’hidi, Ahmed Zabana, Hadj Ben Alla, Abdelmalek Ramdane…
Après la scission du parti en janvier 1954, il choisit de faire partie du noyau dur des partisans de l’action armée. Vers la fin mars de la même année, il fait partie du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) et participe à la réunion des « 22 » organisée fin juin 1954 chez Ahmed Deriche, dans sa villa sise au Clos Salembier et où sera décidée une action armée immédiate.
Lors du déclenchement de la guerre de libération nationale, Lakhdar Boussouf est désigné adjoint de Larbi Ben M’hidi dans la Wilaya V (Oranie).
Les premières actions armées sont engagées comme dans le reste du pays mais elles sont fugaces en raison du manque de moyens. Aussi, Boussouf ne ménage aucun effort, tant dans sa région qu’au-delà des frontières, plus particulièrement dans le Rif marocain où, en liaison avec Boudiaf, Ben M’hidi et Ben Alla, il s’active pour procurer des armes aux moudjahidine mobilisés au front.
Celles-ci arrivent au mois de mars 1955, à bord du « Dina ». Appartenant à la reine jordanienne, Dina Abdul Hamid, le yacht, en provenance d’Alexandrie va accoster clandestinement sur la côte près de Nador, au Maroc avec à son bord un important chargement d’armes et de munitions destinées aux moudjahidine.
Après la restructuration de la zone 5 et la dotation des combattants d’armes de combat, la lutte reprend enfin.
Après le Congrès de la Soummam, tenu le 20 août 1955, il devient membre du Conseil national de la Révolution algérienne. Un an plus tard, en septembre 1956, il est désigné chef de la Wilaya V en remplacement de Larbi Ben M’hidi et accède au grade de colonel. Il participe à la mise en place du réseau de transmissions et de renseignements dans la sa wilaya puis dans les autres. Ce lien établi entre les différentes régions du pays et les dirigeants de la Révolution d’une part et la mise en service de « Sawt El Djazair », le 16 décembre 1956, d’autre part, va donner un nouveau souffle à la révolution.
Au mois de septembre de l’année suivante, suite à la réunion du CNRA tenue au Caire, « Si Mabrouk » est désigné membre du Comité de coordination et d’exécution (CCE). Après la répartition des rôles au sein du comité, Boussouf se voit installer à la tête du département des liaisons et communications.
Il sera l’homme de la situation pour cette mission dont il s’acquitte avec beaucoup d’efficacité et d’abnégation, ce qui le prédestine, tout naturellement, à occuper le poste de ministre des liaisons générales et des communications (MLGC) au sein du premier Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Pour assurer le bon fonctionnement et l’efficience de son ministère, il fait appel à de jeunes recrues qui ont fait leurs preuves sur le terrain en manifestant un engagement sans failles pour la Révolution.
Ces éléments puisés dans les rangs de l’ALN sont formés puis affectés aux directions opérationnelles de son ministère à savoir la communication, le renseignement, le contre-renseignement mais aussi les liaisons, l’armement général dont il assurera la direction exclusive lors de la formation du deuxième GPRA, en janvier 1960.
Les nombreuses prérogatives qui lui sont attribuées par son poste ministériel lui permettent d’assurer l’action de l’état-Major général (EMG) en sa qualité de membre du Comité interministériel de la guerre (CIG), d’assurer la tutelle des élèves officiers, en formation militaire en Syrie, Egypte, Irak, Union Soviétique et Chine, il multiplie également les contacts extérieurs pour l’approvisionnement en armes, il participe à l’action diplomatique au plan régional (conférences de Tunis et de Tanger), …etc
Jouissant de larges prérogatives, ses collaborateurs prennent des initiatives salutaires, contribuant à leur tour à la réussite des missions qui leurs sont assignées. Par contre, ils ont pour instruction de se tenir éloignés des conflits politiques qui ne concernent que les dirigeants. Aussi, en 1961-1962, malgré la grave crise entre le GPRA et l’état-major général, les services du MALG maintiennent des liens fructueux avec l’EMG et ses structures.
Au lendemain de l’indépendance, il se retire de la scène politique nationale. Gardant des liens forts avec les dirigeants de pays frères, Boussouf sera conseiller pour les forces armées des présidents Hafez Al Assad et Saddam Hossein.
Abdelhamid Boussouf décède d’une crise cardiaque survenue le 31 décembre 1980 à Paris. Il est enterré au Carré des Martyrs du cimetière d’El Alia à Alger.
In Mémoria