Edito
Des nouveaux « isolationnistes »
Par Mohamed Abdoun
En ce bas monde, il ne faut jamais dire : « fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». De tonneaux non plus. Cette plaisanterie-jeu de mot pour introduire ce sujet très lourd, très, très lourd, du moment. Il s’agit du mandant d’arrêt émis la veille par la CPI contre le président russe, Vladimir Poutine. Lorsque j’en avais prévenu un éminent professeur en relations internationales officiant en France et aux USA, il avait immédiatement réagi, me disant qu’il s’agissant sans doute d’un fake-news. Renseignements pris, l’info était avérée, mais beaucoup plus proche de la blague de mauvais goût que de la dépêche sérieuse et empesée, que l’on pourrait prendre la peine de débattre sérieusement. De fait. La CPI, qui n’a aucun moyen de faire appliquer ce kafkaïen mandat d’arrêt, vient tout bonnement de se décrédibiliser, et de se tirer une balle dans la jambe. En effet, pour qui sait à coup sûr qu’il n’existe absolument pas de hasard en politique et en diplomatie, il est clairement établi que la CPI vient de trahir sa totale absence d’indépendance, et son inféodation à l’Occident. Pour lancer ce mandat en ce moment-même, lorsque la Chine, qui a réussi la gageure de rapprocher de farouches frères ennemis comme l’Iran et l’Arabie Saoudite, il est certain que la CPI a cherché à torpiller la médiation chinoise qui, ma foi, était la seule qui avait une chance de réussir. De fil en aiguille, cela sous-entend que cet Occident, avec les Américains qui sont à la manœuvres, ne veulent surtout pas que le conflit armé en Ukraine prenne rapidement fin. Pis encore. Ces boutefeu œuvrent systématiquement à attiser les tensions. C’est du reste ce qu’ils ont toujours fait depuis la révolution colorée de Kiev qui a porté au pouvoir des néonazis de la brigade Azov, leur refus d’appliquer l’accord de Minsk et les massacres dont était victimes les populations russophone, désormais annexées par Moscou par voie référendaire. Poutine, dont les actions pourraient être discutables sur certaines questions, reste malgré tout autrement plus fréquentable et plus digne de confiance que les meilleurs des dirigeants occidentaux. Il est aussi à la tête d’un Etat membre permanent du conseil de sécurité, où il jouit du droit de veto. Avant d’ordonner de manière haineuse et orientée son arrestation, la CPI, ne serait-ce que pour garder un soupçon de crédibilité, aurait dû pu pu en faire autant avec des criminels de guerre notoires, à l’image de Bush, qui a mis l’Irak à feu et à sang en y intervenant militairement sans mandat de l’ONU, ou bien Sarkozy, qui avait commandité l’assassinat de Kadhafi avec les terribles conséquences qui en ont découlé sur la Libye, ainsi que sur l’ensemble des Etats étendus dessus la bande sahélo saharienne. Il en va de même pour l’ensemble des dirigeants sionistes, auteurs des pires atrocités à l’endroit du peuple palestinien. Bref, la décision de la CPI a de quoi braquer contre l’Occident la planète entière, après les votes très explicites visant à sanctionner la Russie au sein de l’AG de l’ONU. En un mot comme en mille, le mandat d’arrêt contre Poutine signe l’écroulement définitif de l’actuel ordre mondial, dont l’obsolescence et l’anachronisme ne faisaient déjà plus de doute pour personne. L’Occident, avec « sa » CPI, vient de décider de se couper du monde, d’y appliquer ses propres règles et lois. Celles de la jungle et du plus fort. Le hic, c’est que l’Occident n’est désormais plus le plus fort. Tant s’en faut…
M.A.