Edito
Le joujou du… riche
Par Mohamed Abdoun
L’exercice d’équilibrisme sémantique auquel s’est livré Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, depuis Rabat, est tout à fait remarquable. Il illustre à merveille ce constat aussi vieux que la diplomatie elle-même, que dans ce domaine précis, il est possible de dire en même temps la chose et son contraire. A vous d’en juger : Stéphane Séjourné dit « réitérer », bien lire « réitérer, le soutien de la France au mort-né plan d’autonome marocain au Sahara Occidental. Afin de rétablir les faits historiques, et de demeurer fidèles à l’objectivité qu’exige notre très dur métier, force m’est d’admettre que l’annonce de ce plan s’est faite depuis Paris, par le tandem Chirac-Mohamed VI. L’ancien président français était en quelque sorte le parrain et le tuteur de l’actuel roi marocain, sur suppliques instantes et insistantes de Hassan II. La France, depuis cette annonce, advenue comme un coup d’épée dans l’eau à son époque, le Quai d’Orsay n’a jamais soutenu que du bout des lèvres cette illégale initiative. La position de la France jusqu’à la toute récente sortie médiatique de Stéphane Séjourné faite depuis Rabat, est venue changer très légèrement la donne. Il me souvient que lors de mes entretiens avec Mohamed Sidati, actuel chef de la diplomatie sahraoui, sahraouie, et avec Mohamed Abdelaziz, défunt président de la RASD, ces deux hommes dénonçaient régulièrement le double jeu de la France concernant le dossier de décolonisation du Sahara Occidental. Il lui était demandé quelque chose de très simple, et de parfaitement légale. A savoir, adopter une « neutralité positive » dans le règlement de cette affaire. Cela sous-entend le soutien au processus onusien en cours, dans lequel le Makhzen freine des quatre fers. Il est regrettable de relever que c’est à cause de la France d’abord, et de l’Espagne ensuite, que ce dossier traine depuis un demi-siècle dans les tiroirs des diplomates du conseil de sécurité de l’ONU et de sa quatrième commission. Le droit des peuples à l’autodétermination est reconnu et défendu par la Charte des Nations-Unies. La France y consent du bout des lèvres, mais sans lever le petit doigt pour que le peuple sahraoui jouisse enfin de son référendum d’autodétermination. La responsabilité de la France y est immense, en sa qualité de « parrain » du royaume chérifien, dont elle assure la protection depuis sa création par le maréchal Hubert Lyautey en 1912. Il est heureux de relever que le poids de la France au sein du conseil de sécurité, qu’elle doit à Churchill et contre l’avis de Staline, est désormais quasi-insignifiant. La sortie de Séjourné ne pèse donc rien sur le plan diplomatique. La France se plie aux caprices d’un richissime roi, qui fait tout pour humilier ses vis-à-vis sur la place publique. Paris doit oublier ses projets d’investissement à Dakhla. La justice européenne y veille. Quant à l’Espagne, celle-ci demeure la puissance administrante des territoires non-autonomes que constitue le Sahara Occidental. Sa première trahison de la cause sahraouie remonte à la dictature franquiste, et aux accords de Madrid, quelques mois avant la marche verte et l’invasion marocaine. La suivante a été celle de Pedro Sanchez, en train d’agir de manière suicidaire et irrationnelle. Il en va de même pour la France macronienne. A croire que les ravages causés par le logiciel espion Pegasus n’auront pas fini d’étonner et de détonner…
Lorsque la politique étrangère d’un quelconque Etat se met à carburer au chantage, il devient inutile d’en espérer rien de bon. Fort heureusement, le peuple sahraoui ne quémande rien. Il se bat pour son indépendance, imprégné qu’il est de l’exemplarité algérienne. Ce qui vous a été volé par la force, ne peut être repris que par la force. Celle de la loi aussi, puisque la justice européenne échappe au chantage et à la corruption makhzeniens déployés tous azimuts en Europe.
M.A.