Agence Nationale de Développement de l’Investissement
Entretien avec M. Mustapha Zikara, Directeur Général
Un véritable accompagnateur des investisseurs
L’Algérie s’est engagée résolument dans un renouveau économique devant lui permettre de relancer et de diversifier son économie qui a été, de longues années durant, tributaire des cours mondiaux du pétrole qui pouvaient monter ou descendre au gré des intérêts et des désirs des grandes puissances. Dans ses engagements électoraux, le président Abdelmadjid Tebboune avait fait de la relance et de la diversification de l’économie l’un de ses objectifs primordiaux, ce qu’il est en train de concrétiser sur le terrain en menant les réformes structurelles nécessaires.
Parmi ces réformes, l’investissement, dans tous ses segments, constitue un chantier qu’il fallait revoir et réguler très rapidement et c’est ce qui a poussé à revoir et réactualiser la législation concernant l’investissement, particulièrement étranger afin d’attirer les capitaux, le savoir-faire et gagner des parts de marchés mondiaux.
L’Agence Nationale de Développement de l’Investissement (ANDI) est un des outils pour l’application et la mise en place de la nouvelle politique de l’investissement, une politique alliant efficacité, transparence, rapidité.
Afin de connaitre les missions et les objectifs de cette agence, M. Mustapha Zikara, son Directeur Général, a bien voulu répondre à quelques questions de La Patrie News.
Propos recueillis par Tahar Mansour
La Patrie News : Les nouvelles lois relatives à la promotion de l’investissement ont apporté plusieurs changements aussi bien à l’organisation de l’ANDI qu’aux conditions d’aide et de promotion qu’elle prodigue aux éventuels investisseurs. Pouvons-nous connaitre ces changements ?
M. Zikara : déjà, le caractère de cette loi est qu’elle est très transparente. Des objectifs précis lui sont assignés et devrait donc rendre transparentes aussi toutes les procédures, les règles de fonctionnement et afficher clairement quelles sont les avantages, les garanties. Il y a aussi l’aspect lié à la stabilité juridique qui est affiché dans cette loi, notamment concernant la non-remise en cause des avantages obtenus au cas où la loi serait révisée et aussi l’engagement de M. le Président de la république pour stabiliser cette loi pour une période d’au moins dix années.
Pour ce qui est des objectifs de la loi, nous pouvons citer le développement de secteurs bien précis (secteurs prioritaires) qui seront définis par un texte règlementaire, le développement régional grâce à un régime concernant les zones au nombre de cinq. La loi favorise aussi le transfert technologique, le développement de l’innovation de l’économie, la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies, l’amélioration et le renforcement de la compétitivité et la capacité d’exportation de l’économie nationale, en plus d’autres objectifs divers.
Sur le plan technique, il y a une révision des attributions du Conseil National de l’Investissement dont la quasi-totalité des missions sont transférées à l’Agence en limitant son travail à faire des propositions pour la stratégie de l’Etat en règle générale en matière d’investissement et de veiller à la cohérence globale de cette politique. Donc, toutes les missions du CNI sont déléguées à l’actuelle ANDI qui verra aussi sa dénomination changée pour devenir : ‘Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement’ et ce, dès la promulgation de la loi la concernant. Elle aura aussi de nouvelles missions qui ne seront plus celles d’une agence d’enregistrement et d’enregistrement des dossiers d’investissement mais un véritable accompagnateur des investisseurs depuis la création de l’entreprise jusqu’à, non pas seulement la fin de la période d’exonération mais même au-delà s’il le faut. L’Agence accompagnera donc l’investisseur auprès de toutes les administrations.
Pour les mesures incitatives, elles ont été clairement affichées lors d’un conseil des ministres et concernent l’encouragement des secteurs bien définis, il y a aussi le découpage en zones : le Grand-Sud, du Sud, des Hauts-Plateaux ainsi que deux autres zones définies au Nord.
Pour les IDE (Investissements Directs Etrangers), la loi, à travers la garantie des transferts, a clairement affiché la volonté de l’Etat de faire financer les projets grâce à un apport en devises de l’étranger qui devrait être au minimum de 30% du montant du projet.
La Patrie News : Toujours dans le cadre de ces nouvelles lois, quels sont les nouveaux avantages et facilitations introduits pour promouvoir l’investissement en Algérie ?
M. Zikara : il faut dire que la première et plus importante mesure de facilitation introduite par la nouvelle loi est la lutte contre la bureaucratie, car il ne faut pas oublier que ce qui a gêné jusqu’à maintenant, ce n’est pas l’insuffisance des avantages accordés ou inadaptés mais c’était surtout les procédures d’obtention de ces avantages, d’accompagnement. Cette loi devra éliminer donc toute forme de bureaucratie en mettant à la disposition de l’investisseur une plateforme numérique qui va l’accompagner depuis la création de sa société jusqu’à sa mise en production. Cette plateforme mettra à la disposition de l’investisseur tous types d’informations nécessaires comme les opportunités, les possibilités de partenariat, les régimes d’incitation et les avantages, les procédures, tout cela sera défini et à portée de l’éventuel investisseur. Ceci du point de vue informations. Elle leur permettra aussi d’aller directement vers l’enregistrement puis vers toutes les procédures obligatoires et nous ambitionnons, dans les prochaines versions de la plateforme d’éliminer tout déplacement de l’investisseur vers les guichets de l’agence, de toute d’utilisation du papier et donc plus de contact direct avec les personnels de l’agence.
La Patrie News : Pensez-vous, monsieur le Directeur Général, que toutes les réformes entreprises par l’Algérie attireront plus d’IDE à l’avenir ?
M. Zikara : les facteurs souhaités par les potentiels investisseurs étrangers sont réunis dans cette nouvelle loi sur l’investissement mais tout l’environnement qui y est rattaché devra s’y prêter aussi, mais au vu du contenu de cette nouvelle loi, toutes les garanties données, la stabilité et l’élimination de la bureaucratie, il faut dire que tout cela va inciter et encourager les investisseurs étrangers à venir en Algérie. Il y a de nombreux investisseurs qui se manifestent déjà mais nos méthodes de travail, jusqu’à maintenant ne sont pas très souples, il faut attendre l’application de la nouvelle loi pour les voir arriver et conclure leurs projets.
Pour les investisseurs locaux, je peux dire qu’ils se sont habitués à la bureaucratie, déjà que le taux de mortalité des projets lancés est au-dessus de 50 %, la nouvelle loi devrait apporter les correctifs nécessaires et nous pensons que ce taux devrait descendre au-dessous de la barre des 30% ou même des 20% et ce serait alors l’idéal.
La Patrie News : La promotion des IDE constitue une priorité pour le gouvernement. L’Andi, dans sa nouvelle configuration, est elle suffisamment outillée pour assurer ce passage du simple enregistrement et suivi des investissements à l’octroi des avantages fiscaux et parafiscaux ?
M. Zikara : déjà, je vous informe que le président de la République a instruit le gouvernement afin de mettre l’agence sous tutelle directe du premier ministre, il y aura donc un changement de tutelle qui va accompagner la mise en place de l’agence dans sa nouvelle mouture et dans sa nouvelle dénomination. Ce changement est très important puisqu’il va donner plus de facilités à l’agence dans ses relations avec les différents départements ministériels et les différentes administrations, ce qui constituait, jusqu’à maintenant, des difficultés dans nos interventions. Donc, ce changement de tutelle facilitera grandement à l’agence l’accompagnement des investisseurs dans leurs procédures pour la mise en place de leurs projets. En outre, placée sous la tutelle du premier ministère, l’agence devrait avoir plus de moyens et de meilleures conditions de travail qui lui permettront d’assurer ses missions de manière idoine.
En plus la nouvelle loi sur l’investissement a revu certaines prérogatives de l’agence qui hérite déjà de tout le portefeuille du Conseil National de l’Investissement, des anciens dossiers en souffrance, elle est appelée en plus à traiter ces dossiers directement, sauf si le projet entre dans le cadre de conventions spécifiques et il faudrait alors obtenir l’approbation du gouvernement.
De même que les moyens humains et matériels qui seront mis à la disposition de l’agence seront plus conséquents en fonction de ses différentes missions.
La Patrie News : Le projet de loi sur l’investissement prévoit de créer auprès de l’Andi le guichet unique des grands projets. Quel en sera l’apport majeur ?
M. Zikara : l’ANDI était organisée en guichets uniques décentralisés que nous retrouvons dans chaque wilaya et la nouvelle loi sur l’investissement a mis en place un nouveau guichet unique, conformément aux orientations de M. le président de la république, il s’agit du Guichet unique des grands projets et des IDE. Dans ce cadre, tout dossier d’investissement dépassant un certain niveau (nous nous orientons vers un chiffre de 2 milliards de DA) sera inscrit par ce nouveau guichet dédié uniquement aux grands projets et bénéficiera d’un accompagnement en conséquence.
Sur un autre plan, tous les dossiers des étrangers éligibles à la garantie de transfert seront soumis à l’examen, à l’étude et à l’accompagnement de ce même guichet. Je rappelle encore que ce ne sont pas tous les projets venant de l’étranger qui bénéficieront de ce traitement et de ces avantages mais uniquement ceux qui répondent aux conditions et aux exigences que le gouvernement mettra en place dès la promulgation des textes d’application de la nouvelle loi sur l’investissement.
Ce guichet est dédié aux investisseurs nationaux dont le montant atteint ou dépasse les deux milliards de dinars ainsi que pour les étrangers qui répondent, comme nous l’avons annoncé, aux conditions émises par l’Etat algériens.
La Patrie News : La question de l’heure est sur l’investissement dans l’industrie automobile. Est-ce qu’il bénéficie des mêmes avantages auprès de l’ANDI ?
M. Zikara : pour le moment, l’industrie automobile n’est pas inscrite comme étant une priorité du gouvernement, c’est une industrie comme d’autres, si elle répond aux exigences qui vont être fixées et qu’elle entre dans les activités prioritaires ou dans les projets structurants tels que définis par voie réglementaire, comme les projets grands générateurs d’emplois et utilisateurs des ressources nationales. Si ce n’est pas le cas, les investisseurs dans ce créneau sont libres de créer leurs entreprises dans le cadre de la règlementation, mais je pense qu’ils vont bénéficier des avantages introduits par la nouvelle loi sur l’investissement.
La Patrie News : un dernier mot, monsieur le Directeur ?
M. Zikara : il faut dire que la mission est très importante et très lourde, nous devons mettre en place la nouvelle agence, ses nouvelles structures, redéfinir toutes les procédures, accompagner la mise en œuvre de cette plateforme du gouvernement dont la gestion est confiée à l’agence. Enfin, je n’ai pas de doute que cette loi va apporter un plus, notamment à travers sa transparence, les garanties offertes, dont la plus importante est la commission de très haut niveau qui est installée au niveau de la présidence et qui est chargée de statuer sur les recours des investisseurs. Cette commission revêt une importance capitale et j’espère que nous serons à la hauteur pour la concrétisation de ces différentes missions et d’être donc à la hauteur des attentes des pouvoirs publics et des investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers.