En application de la loi 22-18 du 24 juillet 2022 relative à l’investissement, le président Abdelmadjid Tebboune a installé le 18 mars dernier, la « Haute Commission Nationale des recours relatifs à l’investissement », une instance nationale inédite dans l’histoire de l’économie algérienne. M. Amara Charaf-Eddine, président de l’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP) et PDG de Madar-Holding nous parle de la nature et des missions de cette Haute commission. De même que des effets attendus de son fonctionnement sur la promotion des investissements et l’amélioration du climat des affaires en Algérie. Il y pressent un effet disruptif sur l’économie nationale.
La Patrie News : Le président de la République a installé récemment la Haute commission nationale de recours relatifs à l’investissement et a désigné à sa tête son propre directeur de cabinet. L’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP) que vous présidez, et qui est le porte-drapeau du secteur public marchand, y voient quels signes significatifs ?
M. Charaf-Eddine: Tout d’abord, l’UNEP salue vivement cette initiative présidentielle inédite dans l’histoire de l’économie algérienne et se félicite grandement de son heureux avènement. C’est une démarche d’autant plus innovatrice que l’Algérie est en 2024 le seul pays au monde à avoir érigé la première institution de la République en instance de recours supérieur en faveur des investisseurs. Rappelez-vous que par le passé, nombre d’investisseurs avaient dû, de guerre lasse, renoncer à réaliser leurs projets face aux fins de non-recevoir que leur avaient opposées les différentes administrations impliquées, de façon directe ou indirecte, dans la politique nationale de promotion de l’investissement.
On est donc devant une action historique dans la mesure où c’est le sommet de l’Etat qui s’érige en garant des droits des investisseurs et des meilleures conditions à réunir pour la promotion des investissements et l’amélioration substantielle du climat des affaires dans notre pays. Cette Haute commission est concrètement destinée à procurer aux investisseurs, quelle que soit leur nationalité, un maximum de garanties quant au traitement juste et équitable par les administrations et organismes publics concernés, de leurs projets d’investissement et des avantages y afférents.
C’est pour cela que sa mise en place est une innovation majeure, l’une des plus significatives de la nouvelle loi relative à l’investissement, et est saluée donc comme telle par l’ensemble des acteurs économiques qui ne s’y sont pas trompés. Autrement dit, c’est une très bonne nouvelle pour notre économie.
Permettez-moi de dire encore, au nom du Bureau national de l’UNEP, que je me réjouis du fait que le président de la République vienne solennellement marquer ainsi la volonté de l’Etat algérien d’instituer de nouvelles pratiques en matière d’accueil de l’investissement et d’amélioration du climat consubstantiel. L’installation de cette Haute commission confirme ainsi la foi de notre Président de la République envers les investisseurs, sa volonté et son souci de leur offrir la protection nécessaire et permanente.
Je vous rappelle à ce propos que le chef de l’Etat s’était engagé, lors de toutes ses interventions, à lutter inlassablement contre la bureaucratie et à améliorer en permanence le climat d’investissement, en assurant le maximum de garanties aux investisseurs. Ceci reflète l’importance qu’il accorde au rôle de cette Haute commission et de son travail pour rassurer les investisseurs. En termes d’incitations à l’investissement, la mise en place de cette commission constitue le sommet de la pyramide nationale des garanties accordées aux investisseurs.
La Patrie News : Sur le fond, et de manière concrète, comment les choses seraient articulées dans la pratique courante ?
M. Charaf-Eddine: La création salutaire de cette nouvelle instance républicaine intervient en application de la loi 22-18 du 24 juillet 2022 relative à l’investissement. Son article 11 institue une « Haute Commission Nationale des recours relatifs à l’investissement », dénommée « la Commission » et installée par M. le Président de la République le lundi 18 mars 2024. Et c’est le Décret présidentiel n° 22-296 du 4 septembre 2022 qui fixe la composition et le fonctionnement de cette Commission.
Dans les faits, cette Haute commission contribuera à la facilitation de l’acte d’investir et concourra efficacement à la lutte régulière contre l’étouffoir bureaucratique. Elle a par définition vocation à offrir des garanties supplémentaires solides aux investisseurs, et notamment à faciliter au mieux les recours de ceux qui s’estimeraient abusivement lésés dans l’octroi des avantages dus, ou pour lesquels il serait notifié un rejet infondé de leurs projets d’investissements.
Désormais, et grâce à l’instrument juridique suprême qu’est la Haute Commission nationale, le refus d’octroi des avantages ou leur retrait ainsi que l’opposition à établir des décisions, documents et autres autorisations par les Administrations et organismes ad hoc, seront strictement encadrés. Le droit au recours est toutefois assorti de deux conditions imposées par le système algérien des recours administratifs. L’investisseur doit d’abord former un recours préalable devant l’AAPI, l’Agence algérienne de promotion des investissements, dans un délai maximum de 30 jours, à compter de la date de la décision contestée. En second lieu, le DG de l’AAPI doit avoir statué dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la contestation adressée.
On ne le soulignera jamais assez, le mécanisme exceptionnel que constitue cette Commission est respectueux à la fois des intérêts de l’AAPI et de ceux de l’investisseur. Ce dernier doit fournir, au soutien de ses prétentions, l’ensemble des documents qui éclaireraient les travaux de la Commission, et lui permettraient par conséquent de prendre une décision motivée. Vos lecteurs doivent savoir que La Commission conduit ses auditions en vertu du principe intangible du contradictoire qui offre la possibilité de faire valoir ses arguments.
Et pour mieux mettre en exergue le caractère solide et concret des garanties offertes, on rappellera alors que le président de La Commission n’est autre que le Directeur de cabinet du Président de la République et haut magistrat de son état, ce qui ne manquera pas de donner un poids décisif aux arbitrages de cette instance. Et que c’est lui qui adresse le dossier de recours à l’administration ou l’organisme concerné qui dispose d’un délai maximal de dix jours pour répondre à chacun des points contestés par l’investisseur.
Ce délai, qui court à compter de la date de réception du dossier, n’a pas été établi fortuitement. Il concilie en même temps l’impératif de célérité qui est au fondement de la loi n°22-18 inhérente à l’investissement et le temps nécessaire à l’Administration pour justifier le bien-fondé de son refus, ou encore de son retrait des avantages auxquels l’investisseur prétend formellement.
Au nom du bureau national de l’UNEP, je me réjouis du fait que la décision est rendue par la Commission assez rapidement, soit 30 jours à compter de sa saisine. Et qu’elle soit en même temps exécutoire, dans le sens où aucune des deux parties ne pourra former de recours contre elle. Il faut savoir en réalité que la décision de la Commission est définitive, à la façon des décisions rendues par la Cour suprême ou le Conseil d’Etat lorsque le pourvoi en cassation sur lequel l’une et l’autre sont appelés à statuer est rejeté.
Autre gage de sécurité et de confiance pour l’investisseur comme pour l’Administration, la nature de la composition même de La Commission. Il faut savoir à ce propos que cette Commission, présidée, rappelons-le, par M. le Directeur de cabinet du chef de l’Etat, comprend trois magistrats de haut niveau issus respectivement de la Cour Suprême, du Conseil d’Etat et de la Cour des Comptes, tous désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature. S’ajoutent à ces trois juristes trois experts économiques et financiers indépendants, désignés par le Président de la République.
La Patrie News : En votre double qualité de chef d’entreprise et de président de l’organisation représentant le secteur économique marchand de l’Etat, pressentez-vous finalement dans l’existence de cette Haute Commission de recours relatif à l’investissement des effets vertueux ou même un impact disruptif sur le climat des affaires en particulier et l’économie nationale en général ?
M. Charaf-Eddine: Nous avons à l’UNEP la forte conviction que l’institution par M. le président de la République d’une Haute commission de recours aurait, entre autres résultats concrets, l’incitation de l’administration en charge de la promotion de l’investissement à renforcer son expertise, et à motiver davantage et rigoureusement ses décisions. De même que nous pensons qu’elle offre désormais à l’investisseur le cadre le plus objectif, et bien entendu le plus efficace, pour faire valoir ses droits. Il ne s’agirait nullement d’un désaveu des institutions de la République. La mise en place de cette Commission témoigne tout simplement de la volonté politique suprême, celle du Chef de l’Etat, de faciliter par tous les moyens possibles l’acte d’investissement. Et tout particulièrement celui qui contribue à la création d’emplois et de richesses, et à la réduction des fractures territoriales, ce qui permettrait à l’Algérie d’intégrer, à brefs délais, le club huppé des économies émergentes prospères.
Au moment où l’AAPI reçoit des milliers de demandes dont un nombre important porte sur des projets structurants et d’intérêt national, les nouvelles pratiques induites par l’existence même de la Haute commission de recours, s’inscrivent dans une logique de rupture réelle avec les conduites et les habitudes précédentes. Dans la mesure où elles viennent sécuriser fortement l’acte d’investissement, en le soumettant aux prescriptions de la loi algérienne et à l’ensemble de celles auxquelles notre pays a adhéré à travers Conventions multilatérales et traités bilatéraux, tout en sanctuarisant en amont le projet d’investissement.
Vous voyez bien qu’il est désormais question de nouvelle ère, de cercle vertueux et d’effets dynamiques ! La modernisation, résolue et méthodique, du dispositif de l’investissement par la création de cette Haute commission, constitue une avancée certaine dans l’amélioration du climat des affaires et la promotion réelle de l’investissement national et étranger.
Je conclue mon propos en disant que l’UNEP est convaincue que l’essor économique du pays sera le fait des investisseurs appelés à promouvoir l’investissement, diversifier les secteurs d’activité et réduire la dépendance aux hydrocarbures, comme souligné par M. le Président de la République lors de l’installation de la commission.
Elle ne peut que se féliciter de l’existence de cette commission, et sera, je vous l’assure, mobilisée en permanence pour accompagner les pouvoirs publics dans leur démarche de modernisation résolue et ordonnée de notre économie. A travers notamment la promotion constante de l’investissement créateur de richesses, et l’émergence d’une entreprise algérienne dynamique et en constante adaptation aux nouvelles réalités économiques mondiales.
La Patrie News