Entretien
Mustapha Abdelbari, membre de l’union nationale des étudiants sahraouis en France : « Israël a obligé Rabat à envoyer 4.000 soldats marocains à Gaza ! »
Certes, nous savions depuis belle lurette que la relève sahraouie est assurée, et bien assurée. La preuve par quatre nous en est encore une fois administrée par le jeune Mustapha Abdelbari, membre de l’union nationale des étudiants sahraouis en France qui, même s’il aspire à rejoindre le prestigieux corps des respectables diplomates de la RASD, ne se montre pas moins virulent et cru dans ses propos en évoquant les crimes marocains et son occupation du Sahara Occidental. Pour lui, le parallèle et les liaisons entre les causes sahraouie et palestinienne sont plus que jamais établis. « La politique étrangère marocaine est dictée par Israël. Mohamed VI est un vulgaire pantin désarticulé entre les mains de ses maitres israéliens », nous dit-il notamment. Cela, avant d’asséner le coup fatal et mortel : « Après la signature d’un protocole de coopération militaire et de renseignements, Israël a obligé le Maroc à envoyer à Gaza plus de 4.000 soldats marocains afin de seconder l’armée d’occupation dans son invasion terrestre ».
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
La Patrie News : Vous avez pris part récemment à une manifestation en faveur de l’indépendance du Sahara Occidental en général, et des prisonniers politiques de Gdeim Izik en particulier. On vous y voit portant le portait de l’icône Naama Asfari. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette manifestation s’est déroulée hier à Madrid devant le siège du ministère des Affaires Etrangères. L’entretien a eu lieu ce lundi-soir. NDLR). J’ai donc mis à profit ce déplacement à Madrid pour prendre part à cette manifestation organisée par des amis espagnols, et qui a drainé la foule des grands jours. Nous avons manifesté contre l’occupation marocaine qui dure depuis presque un demi-siècle, et pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers politiques, dont NaamaAsfari. Un nombre honorable de manifestants espagnols et sahraouis ont pris part à cet évènement. Nous en sommes donc pleinement satisfaits.
Mustapha Abdelbari : Permettez-moi tout d’abord de me présenter. Je suis Mustapha Abdelbari, activiste sahraoui, engagé en faveur des droits de l’Homme et de l’indépendance de mon pays. Je suis le premier sahraoui à préparer son master en sciences politiques à Paris, spécialité relations internationales. Je prépare en ce moment mon mémoire de fin d’études sur les droits de l’Homme dans les territoires occupés sahraouis. En fait j’ai mis à profit mon déplacement à Madrid pour participer à un concours de recrutement de diplomates organisé par notre ministère des Affaires Etrangères.
Je sais que l’actuel drame palestinien vous affecte, comme toute personne éprise de paix de justice et qui défend les droits de l’Homme. La RASD a été un des tous premiers Etats à exprimer sa solidarité avec le peuple palestinien. Une réaction pu un commentaire de votre part ?
il est particulièrement triste et regrettable de relever ce détestable peu d’empressement à se solidariser avec le peuple palestinien martyr. Je ne parle même pas ici des Etats occidentaux dont on connait le penchant par trop prononcé en faveur d’Israël, mais bel et bien des pays arabo-musulmans en général, et de certaines monarchies du Golfe, empêtrées jusqu’au cou dans leur gênant processus de normalisation. Cela fait encore plus mal à un arabe et musulman comme moi. Nous en avons honte. Quant aux Occidentaux, ils assimilent l’assassinat caractérisé des femmes et des enfants à de la légitime défense. En plus, il est interdit de protester, sous peine de se faire accuser d’antisémitisme, ou carrément de terrorisme. En fait, j’ai assisté à plusieurs sessions des Nations-Unies sur les droits de l’Homme à Genève. Or, je dois le dire franchement, la plupart des leaders, des élus et des hauts fonctionnaires qui se gargarisent de propos pompeux sur les droits de l’Homme sont de fieffés menteurs. Les notions de droits de l’Homme et droit des peuples à l’autodétermination, nobles et belles à l’origine, deviennent souvent des slogans creux ou politiciens une fois tombés entre leurs mains. Ces gens ne font que gérer de trompeuses apparences. Hélas, beaucoup s’y laissent prendre. Le pire, c’est qu’ils s’en servent souvent pour faire avancer des agendas allant à contre-sens des droits des peuples et des valeurs qu’ils prétendent défendre.
En votre qualité de spécialiste et militant à la fois des droits de l’Homme, quel bilan ou diagnostique faites-vous de la situation qui prévaut présentement dans les territoires occupés, sachant que les avocats, les militants et même Staffan de Mistura, envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental, y sont indésirable ?
La situation est dramatique aujourd’hui dans les territoires occupés sahraouis, transformés en une sorte de prison à ciel ouvert. J’ai moi-même fait une communication sur la visite de De Mistura au niveau des territoires occupés, empêchés arbitrairement et à maintes reprises par l’administration coloniale de se rendre dans les territoires occupés, et de s’adresser librement aux militants sahraouis qui se battent par tous les moyens pour l’indépendance de leur pays. De Mistura a lui-même été empêché de dresser un diagnostique juste et précis de la situation qui prévaut dans les territoires occupés. J’ai donc fait une intervention sur ce sujet au niveau du conseil des droits de l’Homme à Genève. En résumé, la situation est dramatique. La raison en est que les militants y sont ostensiblement empêchés d’exercer librement leurs activités. Ils sont aussi victimes, de menaces, de chantage d’intimidations et de surveillance étroite. A cela s’ajoute la sanction économique qui frappe l’ensemble de ces militants, empêchés d’une manière ou d’une autre de travailler, de gagner leur vie et, en résumé, de ne pas mourir de faim. Toutes les manifestations pacifiques y sont systématiquement et sauvagement réprimées. A mon sens, il est temps que le conseil de sécurité et celui des droits de l’Homme, se mettent à bouger sérieusement, pour assumer leurs responsabilités légales et historiques. C’est à eux que revient l’obligation de faire respecter les droits bafoués du peuple sahraoui, à commencer par celui, primordial et incontournable, pour la tenue d’un référendum d’autodétermination. Nous en avons marre d’être ignorés, pris pour ce que nous ne sommes pas. Notre patience a des limites. Nous avons, pendant plus de quarante ans, été de bonne foi avec ces deux conseils onusiens, et avec l’ensemble des représentants de la communauté mondiale ayant eu à se pencher sur le sujet de la décolonisation du Sahara Occidental. Nous avons œuvré scrupuleusement à respecter le droit international depuis la création du front Polisario jusqu’à ce jour. Or, un demi-siècle après, on se rend compte qu’on a été bernés, seulement bercés de mensonges et d’illusions. Aussi, en sommes-nous arrivés à cette incontournable et juste conclusion, à savoir la reprise et l’intensification de notre lutte armée, depuis que le Maroc a rompu unilatéralement le cessez-le-feu de 1991 en attaquant la zone tampon d’El Guerguerat en date du 13 novembre 2020. Le retour à la lutte armée, jusqu’à la victoire finale, en devient un choix incontournable et inéluctable.
D’autant que les similitudes entre ce qu’il se passe en Palestine et au Sahara Occidental sont frappantes, car toutes deux basées sur la politique du fait accompli et de la loi du plus fort…
Je vous rejoins entièrement dans votre remarque. Les deux causes sont justes et conformes au droit international. Il s’agit juste de permettre aux deux peuples de décider librement et souverainement de leur destin via un référendum d’autodétermination. Les factions palestiniennes et le front Polisario se battent pour faire respecter les conventions adoptées par les instances internationales habilitées. Il s’agit de libérer nos terres respectives. Rien de plus. Mais rien de moins non plus.
Qu’avez-vous à dire sur le dernier discours de Mohamed VI sur la criminelle marche verte de son père Hassan II ? On y décèle de la timidité. Rien à voir avec son ton offensif et autoritaire d’avant le génocide de Gaza…
Rire !
Ce discours prouve une fois de plus, et de manière irréfutable, s’il en était encore besoin, que la politique étrangère marocaine est dictée par Israël, pour ne pas dire par le lobby sioniste. Le premier conseiller de Mohamed VI, André Azoulay, est un juif sioniste. Il en va de même pour Aziz Akhanouch, son chef du gouvernement. On comprend aisément pourquoi Mohamed VI évite soigneusement d’aborder le sujet lié au génocide à Gaza. Il a peur. Il tremble de peur devant ses maitres sionistes. Il se trouve dans une intenable et inconfortable situation. Ses pathétiques contradictions suscitent colère et honte au sein de ses sujets marocains. D’autant qu’il prétend, de plus en plus timidement, porter la double casquette de « président de la commission Al Qods » et « commandeur des croyants ». il en est forcé de fuir lâchement ses responsabilités. Ce n’est pas lui qui décide. Mohamed VI est un vulgaire pantin désarticulé entre les mains de ses maitres israéliens. Après la signature d’un protocole de coopération militaire et de renseignements, Israël a obligé le Maroc à envoyer à Gaza plus de 4.000 soldats marocains afin de seconder l’armée d’occupation afin de la seconder dans son invasion terrestre. Plus d’un siècle et demi d’occupation, de massacre, de répression de politique de la terre brulée, de politique du « diviser pour régner » n’ont pas suffi à briser la volonté et le courage du peuple algérien. Bien au contraire. C’est vous qui êtes notre modèle. Et soyez assurés que les Sahraouis sans exception, du plus jeune jusqu’au plus vieux, se battent, et restent attachés à la libération ritale de leur pays. Notre devise est la suivante : « toute la nation ou bien le martyr ! ».
Mais c’est un scoop que vous nous donnez là !
Je persiste et je signe. Plusieurs médias israéliens ont fait état depuis deux jours de la demande adressée au Maroc par le gouvernement israélien pour l’envoi à Gaza de ces 4.000 soldats marocains. Cela n’a rien d’étonnant, l’armée israélienne, fait carrément appel aux Italiens et aux mercenaires venus des quatre coins du monde. Le mythe de l’invincibilité et de la suprématie de l’armée israélienne vient de s’écrouler comme un vrai château de carte. Il n’y a pas lieu de s’étonner de voir des soldats marocains participer au carnage des civils palestiniens. Une fois franchi le premier pas de la collaboration et de la trahison, tout devient insidieusement sinon permis, du moins toléré. Il y a de quoi être malade face au déni de droits dont souffrent les peuples palestinien et sahraoui. Cela, avec la complicité tacite de la communauté mondiale. Israël a le droit de massacrer des civils, femmes et enfants, au vu et au su de tous. Mais, lorsqu’un militant ou leader politique s’avise de protester, il est qualifié de terroriste ou d’antisémite, et voué aux sanctions pénales les plus lourdes.
Il en va de même avec les drones tueurs marocains, qui attaquent des civils dans les territoires occupés, et les prisonniers politiques sahraouis, à commencer par ceux de Gdeim Izik…
Absolument. Le président de la RASD Brahim Ghali a procédé hier à la mise en place d’une commission en charge de la défense des droits des prisonniers politiques sahraouis. Cela pour vous dire que le Polisario est plus que jamais au chevet de ces détenus, dont il suit scrupuleusement les dossiers. Je puis vous assurer, sans le moindre risque de me tromper, que tôt ou tard, les peuples sahraoui et palestinien finiront par arracher leurs droits. La justice et la morale sont de leur côté. Nos causes sont basées sur des fondements solides. C’est la raison pour laquelle nous résistons et tenons vaillamment depuis si longtemps. Même si la génération actuelle n’y réussit pas, celle d’après ou bien la suivante, finira par libérer la Palestine et le Sahara Occidental. Nous, en tant que Sahraouis, nous inspirons fortement de votre homérique guerre de libération nationale. La révolution algérienne du 1er novembre est un phare et un modèle à suivre pour tous les militants sahraouis.