Face au conflit ukrainien : L’opportunisme marocain l’isole et l’affaiblit
La guerre en Ukraine a brusquement placé le monde, Est et Ouest, à un carrefour sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, et a rappelé le spectre de la polarisation et de la guerre froide, non entre le Pacte de Varsovie dirigé par l’ex-Union soviétique et l’OTAN dirigée par les Etats-Unis d’Amérique, mais cette fois entre Moscou et Pékin d’une part et l’Occident mené par Washington d’autre part. Dans la région du Maghreb et de la rive sud de la Méditerranée, certains s’harmonisent et tentent de s’adapter avec ceci ou cela, chacun selon ses intérêts, ses convictions et ses relations historiques. Dans cette région importante et très scrutée de la planète le Maroc a été le seul pays qui n’a pas cristallisé une position claire et tenté de tenir le bâton par le milieu, ni par le soutien à une quelconque partie ni par une neutralité ne serai-ce que de façade, mais par l’absentéisme, notamment lors des votes à l’Assemblée générale des Nations unies, alors que l’Algérie, ainsi que La Tunisie et la Mauritanie, ont été claires dans leurs positions abstentionnistes, qui restent les plus justes et les plus courageuses possibles Aux yeux de bon nombre d’observateurs, la « non-position » de Rabat trahit jusqu’à l’outrance le « flou dans la vision » des décideur au Maroc, et reflète leur confusion et leur indécision, déchirés qu’ils sont entre l’orient et l’occident, à un moment charnière de l’histoire contemporaine de l’humanité. Toute ironie mise à part, il en devient légitime de relever que le Maroc, prisonnier de ses jeux d’alliances tant secrets qu’avoués, se retrouve bel et bien pris entre le marteau et l’enclume, contraint de recourir au stratagème bien connu de l’autruche, en enfouissant sa tête dans le sable quitte ce faisant, à offrir à la vue du monde une autre partie de son anatomie. Chose qui pourrait ne guère déplaire à Mohamed VI au regard de ses mœurs bien connues. Les Etats-Uniens sont, ne l’oublions pas le « pen holder » au conseil de sécurité de l’ONU. Leurs bienfaits envers le Maroc sont tout simplement incommensurables. Par-delà les accords d’Abraham et les promesses non tenues de Trump d’ouvrir un consulat dans les territoires occupés de Laâyoune, force est de relever que Rabat hésite à s’aliéner ces deux autres puissants membres permanents du conseil de sécurité que sont Moscou et Pékin. Le dilemme de Mohamed VI est à tout le moins cornélien. L’inconfort de sa position cristallise le caractère mesquin et pathétique de son indécision. A partir de là, de nouveaux repères apparaissent, changeant peut-être les échelles et s’alignant ici et là en ce qui concerne les pays qui ont commencé à reconsidérer nombre de leurs priorités stratégiques défensives, la sécurité alimentaire et énergétique. Ainsi l’Allemagne et la France ne s’alignent pas complètement à la position américaine concernant les sanctions économiques. D’autres pays européens qui, certes ont les moyens de leur politique, contrairement au Maroc qui a grillé l’intégralité de ses cartes, préfèrent carrément regarder ailleurs, en attendant que la tempête passe. Certains pays ont commencé à réaliser qu’il faut compter sur l’autonomie et la maîtrise de soi, et que l’économie et les intérêts doivent avoir du mordant pour les défendre, ainsi que les intérêts nationaux. Cela s’est vu en Allemagne avec l’allocation d’un milliard d’euros pour la défense, tandis que des voix se sont élevées en Espagne pour appeler au renforcement de l’institution militaire et défendre les intérêts supérieurs de l’Espagne pour mettre fin au chantage répété par l’immigration et autres du parti de Rabat. Une question résumée par l’ancien chef d’état-major, le général Fernando, dans son livre “Serving the King and Honoring Spain: A Vision on Spain’s Defence”. Comme l’officier supérieur espagnol l’a clairement indiqué, le Maroc représente un “véritable danger” et la guerre avec lui est inévitable. Nous y avons consacré un long article sur La Patrie News. Nous voici devant une grande question : cette crise renforcera-t-elle l’Espagne et lui fera-t-elle mettre un terme à la pression exercée par le Maroc de diverses manières, d’autant plus que Madrid a commencé à s’ouvrir à l’Afrique à travers l’Algérie, la Mauritanie et d’autres, non uniquement comme une question d’investissement, mais aussi à travers le partenariat dans la sécurité et la lutte contre l’immigration, la drogue et autres. La responsabilité historique, politique et légale de l’Espagne est pleine et totale, comme nous le disait El Ghalia Djimi, membre fondatrice de l’ISACOM, dans un entretien, en ce qui concerne la perpétuation du drame sahraoui. Un changement d’attitude et de politique de la part de Madrid est dès lors tout aussi souhaité qu’attendu. Madrid n’est en effet pas (ou plus) tenu de ménager son belliqueux et expansionniste voisin du sud. Le royaume ibérique n’a franchement plus de « cadeaux forcés » à faire au royaume chérifien. La messe est dite. Tout est dit aussi…
Mohamed Abdoun