Les ambitions d’IMGSA, un fleuron de l’industrie pharmaceutique algérienne
En Algérie, l’industrie pharmaceutique commence à connaître un nouvel essor. La création d’un ministère qui lui est dédié, d’une part, et la progression de la pandémie de coronavirus partout dans le monde, d’autre part, ont permis qu’une focalisation particulière lui soit accordée.
Un groupe florissant
Alors que d’autres secteurs de l’économie nationale sont en souffrance en raison de la conjoncture, l’industrie pharmaceutique est en croissance. Le groupe IMGSA (Industrie médicale groupe société algérienne), qui fabrique des gants médico-chirurgicaux et des médicaments, notamment des antibiotiques à usage hospitalier, en est la preuve.
Le groupe privé dispose de deux usines opérationnelles et une troisième en construction. Elles sont toutes basées à Aïn M’lila, une grande agglomération située dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, à quelques 400 kilomètres au sud-est d’Alger.
La première usine, inaugurée en 2014, est implantée précisément dans la zone industrielle d’Ouled Gacem, à quelques encablures d’Aïn M’lila. Opérationnelle 24 heures sur 24, cette unité, d’une superficie de 15 000 mètres carrés, est spécialisée dans la fabrication de gants médico-chirurgicaux (gants d’examen et gants stériles).
Coût initial d’investissement : 300 milliards de centimes, selon Hicham Chergui, directeur général d’IMGSA.
Le nombre d’employés, quant à lui, a augmenté considérablement depuis la progression de la pandémie de coronavirus sans pour autant atteindre la capacité totale de l’usine. Car, précise M. Chergui, de nouvelles sommes d’argent ont été injectées en vue d’accroître le volume de production durant l’année 2021.
« Nous avons 300 employés. Avant la crise du coronavirus, nous en avions 200 », indique-t-il. Et d’ajouter, « actuellement, nous sommes à 80% de nos capacités de production. Des machines, récemment acquises, vont entrer en production et, bien sûr, d’autres emplois seront créés ».
Plus en détail, quelque deux cents nouveaux postes seront à pourvoir. « Nous allons avoir besoin de cadres, de chimistes, de microbiologistes, de pharmaciens, d’agents de production, de plombiers, de soudeurs et de mécaniciens », fait-il savoir.
Quid de la qualité du produit ? Le directeur général d’IMGSA assure que les gants médico-chirurgicaux « made in Aïn M’lila » n’ont rien à envier à ceux fabriqués en Malaisie ou en Chine, les deux leaders mondiaux. « Parfois, la qualité de nos gants est supérieure à ceux malaisiens ou chinois, surtout en termes de force », soutient-il.
Et d’ajouter, « notre usine est dotée d’un stérilisateur qui fonctionne à l’oxyde d’éthylène (un composé organique toxique utilisé pour la stérilisation de matériel ou comme détergent). Nous sommes les seuls en Algérie à posséder cette technologie avancée ».
Un groupe exportateur
Les gants d’IMGSA sont appréciés dans plusieurs pays, à l’instar de l’Espagne, la Tunisie, la Jordanie, la Libye et le Maroc. « Nous exportons vers l’Espagne depuis 2016. Nous avons exporté pour un à deux millions d’euros vers ce même pays durant la pandémie. Nous leur avons envoyé près de 30 containers », détaille M. Chergui.
Certifiés CE (conformité européenne), les gants médico-chirurgicaux fabriqués à Aïn M’lila sont aisément exportables vers tous les autres pays de l’Union européenne ainsi que vers l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et la Turquie. « Nous avons obtenu cette homologation suite à un audit qui a duré quatre jours. Nous sommes l’une des rares entreprises en Algérie à l’avoir », souligne-t-il.
IGMSA a fait, à ce titre, des dons à la Chine, à l’Italie et aux autorités algériennes. Naturellement. « Bien qu’il s’agisse d’un don, les Italiens ont exigé le certificat CE », affirme notre interlocuteur.
Des clients d’autres pays ont d’ailleurs manifesté leur intérêt. Cependant les capacités de production d’IGMSA et les besoins du marché local en ces temps bien « exceptionnels » ne permettent pas d’exporter massivement. « Nous avons reçu des manifestations d’intérêt des Etats-Unis et d’Afrique du Sud. Cependant, la priorité est donnée au marché local », précise le DG.
C’est pourquoi une deuxième unité, qui est en cours de construction à proximité de celle inaugurée en 2014, sera destinée exclusivement à l’export. « Elle s’étend sur 10 000 mètres carrés et sera opérationnelle dans quatre mois », explique Hicham Chergui.
Comme pour la première, cette seconde unité fonctionnera 24h/24. Afin d’assurer un rythme de production élevé, trois cents postes d’emploi seront créés. Objectif : exporter pour 20 millions d’euros d’ici la fin de l’année. « Cet investissement a été financé grâce aux fonds propres du groupe », souligne-t-il.
L’usine est composée de cinq lignes de production avec une plus grande capacité de stérilisation. « Nous envisageons également de faire du recyclage dans le but de fabriquer des tapis de véhicules », révèle-t-il.
Le rôle du ministère de l’Industrie pharmaceutique
Autre investissement : l’usine de fabrication de médicaments, située à la sortie d’Aïn M’lila. L’unité occupe une superficie de 16 000 mètres carrés. Elle est composée de deux bâtiments. Un troisième sera construit dans un avenir proche.
Dans le premier bâtiment, inauguré en 2019, on y manufacture des antibiotiques, des antiviraux et d’autres médicaments contre le diabète. « Nous fabriquons ou nous envisageons de fabriquer plus de trente-quatre produits : des antibiotiques injectables, des antibiotiques en comprimé et des médicaments contre le diabète », affirme M. Chergui.
L’essentiel de la production, soit 80%, est destiné à l’usage hospitalier. « Notre but c’est de devenir le premier fournisseur de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) », statue, de son côté, Souaâda Diafi, pharmacienne et directrice technique du groupe IMGSA.
Cependant, les atermoiements de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) ont privé, pendant de longs mois, le groupe de « la décision d’enregistrement » de ses premiers lots de validation. Ces derniers étaient composés de trois antibiotiques de la classe des Céphalosporines, en l’occurrence le Céfotaxime, le Céfazoline et le Ceftazidime.
Pourtant, les demandes d’enregistrement des trois médicaments, fabriqués à 100% en Algérie, ont été déposées en mars 2019. « C’est grâce à l’action de Lotfi Benbahmed, ministre de l’Industrie pharmaceutique que nos médicaments ont pu être enregistrés en novembre 2020 », reconnaît-elle. Et de noter, « il nous a vraiment aidés ».
Un quatrième médicament, à savoir l’Imépinem, sera prochainement enregistré. Le médicament en question est un antibiotique très utilisé dans les hôpitaux. Il est indiqué pour soigner plusieurs infections, à l’instar des infections intra-abdominales, celles des voies respiratoires inférieures, celles des voies urinaires ou encore celles des os et des articulations.
« Des collègues qui travaillent à la pharmacie centrale m’ont dit que ce médicament est en rupture depuis six mois. Nous allons couvrir le marché national car il n’y a pas de concurrent », assure Mme Diafi.
Enfin une demande d’enregistrement d’un cinquième médicament a été déposée en 2021. Il s’agit du Ceftriaxone, un antibiotique de la classe des céphalosporines de troisième génération. « La demande concerne, encore une fois, la forme injectable pour usage hospitalier », poursuit-elle.
Une technologie nouvelle
Le second bâtiment, qui sera fin prêt dans quelques mois, a été construit pour que des médicaments contre le cancer puissent y être produits grâce à une technologie américaine qui n’existe nulle part ailleurs dans le pays. « Ni en Afrique, ni dans les pays arabes », assure le directeur général du groupe.
Il s’agit, selon Mme Diafi, de « la lyophilisation ». « C’est une technologie très avancée qui nécessite des équipements lourds. Grâce aux investissements consentis par le groupe, nous avons été formés à la maîtriser », confirme-t-elle.
Au demeurant, le site va produire des médicaments (forme liquide et sèche) qui sont utilisés dans les traitements du cancer, comme la chimiothérapie, ou ceux dits « à usage de routine ». « A titre d’exemple, les médicaments prescrits dans le cadre d’un traitement continu suite à une ablation du sein », étaye-t-elle.
Et de préciser quant au mode de fonctionnement de cette unité, « nous travaillons, selon la notion GMP (Good Manufacturing Practices, ‘bonnes pratiques de fabrication’). Nous sommes parmi les rares en Algérie à le faire. Nos antibiotiques, par exemple, pourraient être commercialisés en Europe ».
Première victoire à l’international
Tandis qu’en Algérie les problèmes du groupe sont résolus progressivement, à l’international, ses médicaments connaissent un succès dans certains pays. Ils sont demandés par d’autres. « Nous avons exportés vers le Yémen et la Mauritanie. Nous comptons aussi vendre nos produits en Arabie Saoudite et au Bahreïn », se réjouit Souaâda Diafi. Et de confesser, « nous avons un grand marché à l’international. Mais, nous volons donner la priorité à la PCH ».
Satisfait de la qualité des produits, le client yéménite veut prendre l’intégralité de la quantité d’Imépinem produite en 2021. « Il veut prendre toute la quantité. Quelle qu’elle soit », lâche-t-elle.
La directrice technique du groupe a dévoilé, par ailleurs, que l’exportation vers le marché de ce pays de la péninsule arabique n’était pas une sinécure. IMGSA a dû, en effet, faire face à cinq concurrents. Parmi eux, figure le laboratoire marocain Sothema. « Finalement, ils ont choisi notre produit et celui du laboratoire coréen », opine-t-elle.
Pour son développement, le groupe privé algérien voit grand. Un nouveau projet est en gestation. « Nous allons investir dans une nouvelle unité pour produire deux matières premières nécessaires à la fabrication des gants. Ces matières sont le carbonate de calcium et le polymère », indique Hicham Chergui, le directeur général.
Nacereddine Benkharef