L’investiture de Joe Biden et les sueurs froides du prince héritier saoudien
Une annonce qui aurait dû passer inaperçue, qui aurait pu être pour le moins anodine, faite par la directrice du renseignement de la nouvelle administration américaine, Avril Haines, lors de sa comparution de confirmation devant le Sénat, a certainement causé des sueurs froides au prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, et l’a même empêché de dormir. Cette annonce est tout simplement que l’administration Biden allait déclasser une note confidentielle de la CIA qui deviendrait alors publique : cette note concerne l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018 à l’intérieur des locaux du consulat saoudien à Istanbul, en Turquie.
Tout le monde se rappelle le fracas médiatique engendré par cet assassinat qui a failli emporter le régime wahhabite dont le prince héritier, Mohamed Ben Selmane était désigné comme le responsable direct de ce crime abject, exécuté de manière atroce dans les bureaux du consulat. Une note d’évaluation de l’époque faite par la CIA avait conclu à la responsabilité directe du prince héritier qui a alors fait l’objet d’un rejet international de grande envergure. La publication de cette note avait été demandée par la fiancée du journaliste assassiné, de même qu’un vote du Congrès américain.
En 2018, c’était le règne de Donald Trump qui a été accueilli en grandes pompes en Arabie Saoudite devenue la grande alliée des Etats-Unis et Trump, usant de ses prérogatives de président, a ‘couvert’ le prince héritier et la publication de la note incriminant Mohamed Ben Salmane n’a pas été autorisée.
Janvier 2020, c’est un autre président des Etats-Unis qui a été investi en la personne de Joe Biden, un Joe Biden qui avait déjà dévoilé ses inimitiés envers l’Arabie Saoudite durant sa campagne électorale. Avec l’annonce faite par la directrice du renseignement, l’affaire de cet assassinat sera déterrée avec des éléments nouveaux, incriminant directement l’un des plus importants personnages du royaume saoudien, rien moins que le prince héritier.
Ce dernier se retrouvera au-devant de la scène internationale, avec une accusation d’assassinat atroce d’un opposant et risque donc de sérieux ennuis de la part des instances internationales et des ONG.
Le départ de Trump a ouvert une véritable boite de Pandore qui causera des déboires à tous ceux qui ont eu à le côtoyer et à profiter de sa protection.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule divergence entre la nouvelle administration américaine et le régime wahhabite, il y a aussi l’intention affichée de Biden pour ressusciter l’accord nucléaire avec l’Iran, ce qui lèsera assurément l’Arabie Saoudite qui se retrouvera en position d’infériorité devant son rival de toujours. Le royaume oppose une résistance farouche à cet accord et use de tous les artifices pour y arriver.
Les temps sont tellement difficiles pour le royaume wahhabite qu’un sommet inédit et tenu au grand secret par le roi saoudien a été tenu à Ryad réunissant le prince héritier Mohamed Ben Selmane, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine sous Trump, deux semaines après la victoire de Biden. Les raisons de cette réunion sont facilement décelables : le nucléaire iranien et la manière de s’opposer à une normalisation dans ce sens.
Après cette réunion, il faut s’attendre aussi à de grandes manœuvres de diversions et de délations de la part du royaume wahhabite et de ses alliés stratégiques, Israël et le lobby juif aux Etats-Unis.
Ceci pour les monarques saoudiens, qu’en sera-t-il pour le Maroc et son occupation du Sahara Occidentla.
Décidément, l’installation de Joe Biden a causé bien des déboires à ceux qui se sont alliés à Donald Trump.
Tahar Mansour