Livre blanc sur la Politique marocaine au Sahara Occidental
Chapitre I/ 2ème partie
Statut actuel du Sahara Occidental
Le Sahara Occidental était donc une colonie espagnole occupée partiellement à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. La lutte sahraouie contre l’occupant espagnol n’a jamais cessé pendant toute la colonisation. Elle est présentée de diverses façons par les historiens et les voyageurs, mais de grands noms attestent de cette lutte comme ma’ al-Aynine qu’on accuse (les Marocains) d’avoir été vassal du roi du Maroc, ce qui est faux, car il contribuait à l’effort de guerre marocain quand le Maroc faisait face à une coalition française, italienne, allemande et espagnole, comme contribution sahraouie et non reliée au Makhzen.
De colonie, le Sahara Occidental se voit inscrit sur la liste des «territoires non autonomes» de l’ONU et la résolution 1514 de 1960 reconnait le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce qui met l’Espagne dans l’obligation de mettre fin à sa colonisation et en souscrivant à la résolution 1514 elle devient administrateur du territoire avec mission de mener à bien l’opération de l’autodétermination. Il en découle juridiquement que le Sahara occidental sort de la compétence de l’Espagne, puissance coloniale et entre sous l’empire du Droit international avec l’Espagne comme «mandataire» de l’ONU pour accomplir en son nom (l’ONU) une opération précise, décidée par l’Assemblée générale des Nations Unies qui suivra l’opération, l’Espagne étant tenue de présenter un rapport annuel. Donc le Sahara Occidental n’est plus une
colonie au sens propre du terme, mais un territoire sous mandat de l’Organisation des Nations Unies qui a préféré le terme «administrateur» pour ne pas utiliser le terme «mandat» de la SDN terme de triste réputation pour ce qui en a été fait au Moyen-Orient, en Palestine et en Namibie. Ce statut n’a pas changé jusqu’à ce jour, malgré les allégations du Maroc qui s’est attribué de fait et non de droit (il n’a été mandaté par personne) la qualité d’administrateur sans mandat de l’ONU et sans s’acquitter des obligations afférant à l’administrateur, car non seulement c’est un indu occupant, l’ONU lui a donné l’ordre d’évacuer le territoire. C’est donc un agresseur ! Contre qui ? Contre l’ONU elle-même et il se permet de partager le pays avec le POLISARIO, qu’il ne reconnaissait pas !!!
La réalité de cette entorse au droit international est due à l’audience acquise par le Polisario. La reconnaissance de l’ONU elle-même en fait foi puisqu’elle en fait «le seul représentant du Peuple sahraoui». En effet la résolution 34/37 adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 21 novembre 1979 désigne le Polisario comme «le représentant du peuple du Sahara occidental». En outre le Polisario organisation de lutte nationale s’est doté d’une structure d’Etat sur la portion de territoire qui lui est réservée par le Maroc lors de la partition et de la finalisation de son occupation. Ceci crée un statut spécial en droit international car se trouvent réunis certains attributs de l’Etat :
- Un territoire, même s’il n’est pas acquis en totalité, il constitue une assiette pour asseoir une organisation
- Une population qui s’identifie au territoire, contrairement à la population marocaine déplacée au Sahara Occidental pour les besoins d’une «mauvaise cause»
- Une autorité capable de gérer les besoins d’une population et pour cela s’érige en Etat qui acquiert une reconnaissance internationale, ce qui lui donne la qualité de membre de la Société internationale et qui est traitée comme tel.
Ainsi, malgré un tel statut qui obéit à la lettre aux grands principes du Droit international, à savoir:
- Une décolonisation ordonnée par l’organisation des Nations unies en application de sa charte et des principes qui l’ont motivées et découlent non seulement de précédents légaux contenus dans des textes universels reconnus (statuts de la SDN, pratiques étatiques qui ont entraîné des condamnations unanimes ou quasi unanimes, pacte de l’Atlantique, réaction américaine à des comportements japonais en chine et en Indochine) et qui ont été l’objet de directives devenues théories et doctrines (comme la doctrine Stimson) qui en définitive, définissaient les principes et les procédures qui avaient cours dans les pratiques nationales à diverses occasions. Ainsi l’existence de l’Etat et le jeu de ses compétences nationales et internationales était conditionné par la stabilité et la paix. Ceci sous-entend sans l’ombre d’un doute la défense de l’intégrité territoriale et l’exercice effectif des attributs de l’Etat sans contrainte. D’où la règle sacrosainte de la souveraineté et de la défense légitime contre toute agression et surtout l’interdiction de toute action d’expansion territoriale et d’en tirer bénéfice. Ces règles ont été admises par les Etats qui les reconnaissent comme nécessaires à l’ordre international. Dans le cas de la décolonisation, il serait absurde de remplacer un agresseur et un occupant illégal par un autre. Cela s’est pourtant produit pour le cas du Sahara Occidental et perdure depuis 1975 sans qu’il y ait, outre mesure, d’émotion ou d’action concrète concertée ou non, de la Société internationale et des institutions qui la représentent. La désignation d’organisations, de représentants, de missions et autres n’est, en fait, que l’aveu à peine voilé de l’échec et c’est aussi en quelque sorte la protection d’un nouveau statu quo dans l’attente de jours meilleurs pour un règlement. Le statut quo qui ne profite qu’au Maroc, le Peuple sahraoui restant toujours sur sa faim!! Est-ce le fait accompli, même illégal et qui contrevient aux règles internationales les plus élémentaires, qui prévaut ici, car de gros intérêts sont en jeu ?
- La reconnaissance internationale est une condition sine qua none pour l’exercice des compétences sur le plan international. La reconnaissance ne lie que les «reconnaissants» et n’est pas opposable à ceux qui ne reconnaissent pas. Pourtant le Polisario est reconnu par l’agresseur lui-même qui lui donne, malgré lui, la qualité de belligérant, même s’il ne le dit pas, puisqu’il a négocié avec lui un cessez-le-feu et lui a même reconnu également la libre disposition d’une partie de territoire du Sahara Occidental en sachant pertinemment que le POLISARIO allait y exercer des attributs d’Etat. Bien plus, les Nations Unies l’ont reconnu comme seul représentant du Peuple sahraoui et à ce titre ont chargé un représentant onusien de conduire des pourparlers entre «belligérants», le Maroc n’ayant pas cette qualité, puisqu’il est reconnu «indu-occupant» et exerçant illégalement des compétences étatiques sur le territoire du Sahara occidental dont il n’a même pas le droit de garde. Si l’on pousse le raisonnement très loin, les négociations d’un cessez-le-feu s’étant déroulées entre le Maroc et le POLISARIO avec la médiation de l’ONU, cette dernière donne le statut de «belligérant» au Maroc (la qualité d’Etat concerné n’implique aucunement un état de belligérance car il met le Maroc sur le même pied d’égalité que le POLISARIO et la RASD comme Etats en conflit pour la propriété d’un même territoire). Ceci n’est pas conforme aux règles établies par l’ONU d’une part mais aussi, et c’est plus grave, l’ONU érige le Maroc en demandeur reconnu d’un territoire que l’ONU lui contestait. La logique aurait voulu que les négociations aient été menées par l’ONU en tant qu’Institution internationale responsable du sort du Sahara Occidental, les négociations se déroulant entre deux demandeurs qui ont le même statut juridique puisque tous les deux prétendent posséder le territoire. Dans ce cas de figure, le POLISARIO joue avec une longueur d’avance, puisque l’ONU lui reconnait la représentation exclusive du Peuple Sahraoui, ce qui confirme la qualité d’agresseur du Maroc!!!La seule négociation possible était de fixer les modalités du retrait du Maroc du territoire pour permettre à l’ONU d’appliquer sereinement le processus d’autodétermination, sans contraintes ni politique, ni militaire ou administrative !
- La reconnaissance dont jouit aussi bien le Polisario en tant que mouvement de libération nationale et celle qui est reconnue à l’Etat qu’il a constitué sur la p;irtie du territoire qui lui est reconnue ipso facto par l’ONU elle-même, est l’élément le plus gênant pour le régime marocain. De même il ne faut pas oublier la reconnaissance de la RASD en tant qu’Etat africain éligible à la représentation au sein de l’Union Africaine. Elle en est même un des fondateurs
Cette situation est paradoxale et significative dans la position marocaine. Il convient ici de s’y arrêter un peu. En effet en 1982 la RASD est admise comme membre de l’OUA (Organisation de l’Unité africaine) et en signe de protestation le Maroc la quitte en 1984 de son plein gré. En 2002 est née l’Union Africaine. La RASD est membre fondateur. Le Maroc, qui avait quitté l’OUA n’en faisait pas partie. Ce n’est qu’en 2017 qu’il demande à y adhérer en en acceptant la Charte, et donc le Maroc est obligé de siéger avec la RASD. Ceci, en lui-même, constitue un précédent. Mais le plus curieux c’est que cette adhésion pour être officielle et opposable, est publiée au journal officiel du Royaume du Maroc avec la liste des pays fondateurs dont la RASD. En outre il convient de noter que la doctrine des institutions internationales (ONU, OUA/Union Africaine et autres) en matière de décolonisation par l’expression libre des populations, est constante à savoir que cette expression de volonté (referendum) doit être libre de toute contrainte administrative ou militaire (cette formule est textuellement citée dans une résolution de l’OUA et n’a jamais été dénoncée par aucune des parties ou Etats de la Société internationale).
Cette situation est, certes inconfortable pour le Maroc et elle aurait dû l’inciter à plus de raison. Malheureusement ce ne fut jamais le cas et sans aucun état d’âme, il plongeait dans sa persistance à défier le diable, car ici le diable est «la raison» et c’est le POLISARIO et la RASD! C’est pourquoi il s’est employé de toutes ces forces, et de surcroit, en dilapidant les richesses du Peuple sahraoui, à anéantir coute que coute cette construction juridique édifiée par l’organisation des Nations Unies fidèle dans ce domaine à ses principes, mais liée par des considérations qui lui échappent en raison de la notion «considérations de sécurité nationale» que prônent les intervenants divers dans le déroulement de cette question et qui constituent les causes essentielles du blocage constatées depuis des années. Sinon comment expliquer qu’un Etat soit reconnu par plus de 70 Etats se trouve comme par enchantement l’objet de retrait de reconnaissance massif comme l’est la RASD, l’Etat Sahraoui ? Tout ceci avec une campagne sans précédent contre l’Algérie.
En définitive, aussi bien le POLISARIO que le gouvernement de la République arabe sahraoui Démocratique ont bel et bien acquit leurs lettres de créances auprès de la société internationale qui doit en tout état de cause rétablir la RASD dans ses droits de gouverner son peuple sans contrainte aucune, autre que celles que lui commandent et le droit international et sa qualité d’Etat en quête de sa souveraineté totale en chassant l’occupant marocain et en rétablissant la légalité Internationale. Ceci constitue une obligation plus que morale pour l’ONU, obligation qui est inscrite dans ses attributions et c’est un droit pour le peuple sahraoui à partir du moment où il a été inscrit sur la liste des territoires non autonomes et concernés par la résolution 1514. Il n’y a pas lieu, concernant le Peuple sahraoui, de recourir au Droit humanitaire et aux dispositions sur les Droits économiques, pour détourner l’attention ou comme échappatoire pour contourner ou oublier le plus fondamental des droits, celui d’exister et d’exercer ses compétences internes et internationales comme tout autre Etat. Ce recours ne serait en réalité que subsidiaire car il vient en complément de preuve dans l’opération marocaine de vouloir anéantir tout un peuple pour assouvir sa soif de pouvoir et de territoire. Le Peuple Sahraoui n’a pas besoin d’être amoindri au point de rejoindre les «sans domicile fixe» ou les réfugiés classés au nombre des apatrides. Le pouvoir marocain voudrait en faire des proscrits ! D’autres ont essayé bien avant lui et avec les marocains (quant aux algériens c’est une autre histoire bien plus douloureuse). Le roi Mohamed V et sa famille dont le roi Hassan Il n’ont-ils été déportés à Madagascar et bien des marocains aussi. Ils étaient en quête d’une patrie que la France leur avait ravie et même contestée ! Le Peuple Sahraoui a bel et bien une patrie qui est occupée par ceux mêmes qui ont gouté à la souffrance de perdre une patrie ! L’Organisation des Nations Unies, puisqu’elle en est le tuteur, doit la lui rendre par tous les moyens de droit et de fait et au besoin avoir recours au chapitre VII de la Charte des Nations Unies pour faire régner la paix dans la région. Faudrait-il pousser le Peuple sahraoui à reprendre la lutte armée et être contraint de créer un nouveau foyer de tension dans la région ? Nul n’est besoin de constater que les foyers de tension dans la région ne sont pas le fait du Peuple sahraoui ni de ses Institutions !!
Les institutions internationales universelles et régionales, ainsi que les institutions spécialisée ont le devoir de se pencher sérieusement sur la question pour amener les intervenants divers et quelle que soit leur nature ou leur fonction à se conformer aux règles établies en la matière et agir de concert avec ces institutions pour le rétablissement des droits du peuple sahraoui ou bien s’en tenir aux devoirs de neutralité entre les belligérants comme le recommande le droit de la guerre puisque le Maroc livre une véritable guerre au Peuple sahraoui.
Contraint de lutter pour son indépendance, il doit bénéficier à ce titre de l’aide légitime que peuvent rapporter des Etats ou organisations dans la cadre de la «guerre de libération nationale» contre un ennemi occupant et donc ayant qualité de colonisateur. Le rétablissement des droits du Peuple sahraoui est un devoir de la Société internationale. Il en va de sa crédibilité.
Fin du Chapitre I