Ministère des Finances
Entretien
M. Abdelkrim Bouzred, Directeur Général du Trésor et de Gestion Comptable des Opérations Financières de l’Etat
Le Trésor Public, personnification financière de l’Etat (2eme partie)
Numérisation et modernisation
‘‘L’Administration des finances, d’une manière générale et les institutions étatiques se sont lancées de manière inexorable dans la numérisation de toutes leurs actions, même si l’Algérie s’est trouvée à un moment donné très en retard par rapport à la numérisation de la gestion étatique, pour des raisons objectives ou non.
Le Trésor est concerné par trois volets, à commencer par sa vocation première qui est l’exécution de la dépense publique qui est aujourd’hui semi-numérisée. En effet, si, au niveau du Trésor Public la numérisation est effective, elle ne l’est pas encore chez les ordonnateurs, les ministères et les collectivités locales qui engagent la dépense.
Si nous prenons l’exemple de la réalisation d’une structure quelconque engagée par un ministère sur un budget donné, la première phase (études, appel d’offres, sélection d’entreprise, lancement du chantier) nous échappe complètement, jusqu’à la deuxième phase concernant les paiements des situations que nous intervenons, et nous recevons tout en format papier, le comptable doit alors vérifier avant de commencer le travail de la numérisation de l’opération à notre niveau, l’idéal étant que la numérisation commence dès la première phase, au niveau de l’ordonnateur. ’’, estime le DG du Trésor, en ajoutant que ‘‘ce processus connaitra un début d’exécution avec la mise en place progressive du Projet Intitulé ‘Système Intégré de Gestion Budgétaire’, piloté par la Direction Générale du Budget’’.
Pour ce qui concerne les opérations qui se font uniquement au niveau du Trésor et des trésoreries de wilaya, il y a le budget de fonctionnement et le budget d’équipement. Pour le fonctionnement, 80% du budget est destiné au paiement des salaires des fonctionnaires et il est entièrement numérisé. Pour le reste, les 40% concernant l’équipement sont répartis à travers le territoire national et les opérations sont toujours sous format papier.
Dans ce cadre, nous apprenons qu’un projet de numérisation par le biais du SIGB (Système Intégré de Gestion du Budget) est en train d’être préparé et permettra la numérisation de la première phase concernant les ordonnateurs afin de faciliter toutes les opérations réalisées par le Trésor, notamment pour sa fonction de comptable de l’Etat, ce qui rendra plus rapides les paiements des situations et des obligations de l’Etat.
« Il y a aussi le système interbancaire de compensation qui permet, depuis 2006, le paiement électronique des règlements effectués par chèques ou virements ce qui n’est pas encore le cas pour le Trésor.
Il y a eu en 2017 un projet pour afin de permettre au Trésor d’intégrer ce système interbancaire mais qui n’a pas encore abouti pour de multiples raisons. Le projet devrait être relancé aussitôt que les circonstances le permettent et le Trésor effectuera ces opérations de manière automatique. Actuellement, ces opérations sont assurées par la Banque d’Algérie pour compte du Trésor », précise notre interlocuteur.
Il a également ajouté qu’il ‘‘y a aussi la réforme du système comptable de l’Etat qui porte sur l’application d’une comptabilisation des opérations de l’Etat selon la règle de droits constatés. Ceci veut dire simplement que les recettes, les dépenses, les créances et les dettes de l’Etat seront transcrites dans la comptabilité, au sein universel du terme. De même que le patrimoine physique devrait être transcrit en comptabilité. Il faut savoir que le système comptable actuel relatif aux opérations financières de l’Etat est basé sur la comptabilité dite de caisse c’est-à-dire qu’on enregistre que les flux de dépenses et de recettes ou d’encaissements et de décaissements si vous voulez.
Au plan conceptuel, les travaux sont très avancés et l’entrée en application est en relation avec le projet SIGB, cité précédemment qui lui-même devra être mis en place progressivement, compte tenu de son ampleur et de sa complexité. Le nouveau système comptable permettra une amélioration significative de la gestion prévisionnelle de la trésorerie de l’Etat ainsi qu’une meilleure une maitrise des données chiffrées.
Dette publique : dans les normes
Le directeur général du Trésor, affirme que le taux actuel de la dette publique algérienne est dans les normes, c’est-à-dire au-dessous de 60% du PIB. ‘‘ Pour un PIB projeté autour de 25000 milliards de dinars, l’Algérie a une dette intérieure de près de 13 000 milliards, soit 52% du PIB, ce qui ne constitue pas un souci par rapport à l’avenir proche, pour l’économie du pays. Pour nous il y a une marge importante pour augmenter les ressources ordinaires de l’Etat, il suffit qu’il ait un peu plus de sens du devoir et de citoyenneté de la part de nos concitoyens , en matière d’acquittement régulier de leurs obligations fiscales pour que ce ratio soit réduit, et dans des proportions non négligeables, ’’, a-t-il déclaré. Il ajoute qu’il ‘‘ y a également des efforts à faire pour la maitrise des dépenses publiques en matière d’équipements essentiellement et ce, au travers la maturation et délais dans la réalisation des opérations’’.
Mesures exceptionnelles : peu d’impact sur le Trésor Public
A la question de connaitre l’impact des dernières mesures prises par l’Etat pour promouvoir l’entreprenariat et protéger le pouvoir d’achat des citoyens (IRG, augmentation salariale) et celles inhérentes à la pandémie de covid19, le directeur général du Trésor estime que ces impacts ne sont pas significatifs : « ces mesures ne pèsent pas lourd, juste un peu l’augmentation des salaires car elle touche un grand nombre de travailleurs, mais pas l’indemnité versée à certains personnels pour les risques d’attraper le covid19. Il faut dire aussi que les fonds nécessaires aux augmentations de salaires, même s’ils sont assez élevés, sont supportables pour l’Etat actuellement ».
Réforme de la Bourse
« Il faut noter tout d’abord que la Bourse existe, le marché financier et le cadre juridique existent aussi, il s’agit maintenant de dynamiser l’activité du marché financier qui est, par définition, un espace d’optimisation de l’allocation des ressources financières, mobilisables au sein de l’économie On constate que les opérateurs éligibles à la Bourse ne sont pas nombreux en Algérie et, en plus, ils ne sont pas intéressés », affirme M. Bouzred.
« Pour dynamiser un tant soit peu le marché financier et la Bourse, nous allons faire en sorte que les créances détenues par les banques auprès des entreprises publiques soient converties en titre négociables au niveau de la Bourse. Grâce à ces créances converties en titre d’obligation, les entreprises se verront dans l’obligation de tout faire pour obtenir des résultats et honorer ses engagements, je l’espère », explique enfin notre interlocuteur.
Propos recueillis par Tahar Mansour