Pour une politique agricole durable en Algérie : Urgences et perspectives
Par Abdelkader Reguig
« Notre agriculture a atteint une production de 37 milliards de dollars , après le blé dur, notre objectif est d’atteindre l’autosuffisance en blé tendre ». le Président de la République Abdelmadjid Tebboune.le 30/12 /2024
À l’instar des alertes émises dans mes précédentes contributions, notamment celles parues dans Le Quotidien d’Oran (17/01/2008, 25/09/2008, 06/08/2022) et dans “La Patrienews” (14/08/2022), je réitère aujourd’hui l’urgence d’une rupture radicale avec les pratiques agricoles héritées du passé. Ces réflexions s’inscrivent dans le cadre de la feuille de route tracée par le Président de la République M. Abdelmadjid Tebboune pour une « Nouvelle Algérie », axée sur la valorisation des secteurs créateurs de richesse, tels que l’arboriculture fruitière et l’apiculture, ainsi que sur la création d’un institut dédié à l’agriculture saharienne innovante.
-1.« un impératif présidentiel »
L’appel à une réforme structurelle lors de la rencontre avec la presse le 31 juillet 2022, le président Abdelmadjid Tebboune a souligné la nécessité d’une réforme profonde du secteur agricole, visant à garantir la sécurité alimentaire. Cette ambition exige :
– Une réorganisation des instances du ministère de l’Agriculture.
– La création de structures collaboratives associant les agriculteurs.
– La réhabilitation du rôle des ingénieurs agronomes, aujourd’hui marginalisés.
-Stratégies pour une agriculture résiliente
– L’Observatoire scientifique de l’agriculture, organe indépendant pour piloter les politiques agricoles publiques.
-L’objectif est clair : transformer l’agriculture en pilier économique, capable d’assurer l’autosuffisance et de développer l’exportation.
État des lieux : un bilan satisfaisant en Blé dur, l’Algerie n’importera plus de blé dur.
L’importation en céréales concernera:
– Céréales blé tendre:
L’Algérie importe 7,5 millions de tonnes de blé tendre annuellement, malgré une production record de 5 millions de tonnes en 2023-2024, pour une consommation totale de 14 millions de tonnes.
– Facture alimentaire: Elle dépasse 4,8 milliards de dollars, engloutis dans l’importation de lait en poudre, de viandes et de céréales secondaires.
– Faut-il rappeler que les terres cultivables héritées de la colonisation devenues des domaines autogérés étaient de l’ordre de 2,9 millions d’hectares.
Seulement 2,9 millions d’hectares sont exploités sur un potentiel bien plus vaste.
– Des rendements insuffisants dans le nord ,les rendements céréaliers plafonnent à 15 – 20 quintaux/hectare, loin des 55 quintaux/hectare visés d’ici 2024-2025 dans le Sud, selon le ministre de l’Agriculture.
– Technologies modernes afin de généraliser les semences certifiées, l’irrigation d’appoint et la fertilisation raisonnée.
– Réhabilitation des périmètres historiques pour relancer les périmètres de:Safsaf, Sig, Bouna Moussa, La Mina, l’Habra ,Maghnia, tout en développant de nouvelles zones dans les Hauts-Plateaux et le Sud, avec une approche durable.
-2. Soutien aux acteurs locaux
– Assises participatives : Impliquer les fellahs dans les décisions, loin des démarches bureaucratiques.
– Subventions ciblées: Aligner les prix d’achat des céréales sur les standards internationaux et soutenir l’accès aux intrants (semences, engrais).
-3. Préservation environnementale
– Rejet des mégaprojets destructeurs: Éviter les modèles d’agrobusiness intensif, responsables de l’épuisement des sols et des nappes phréatiques, comme en Amérique latine ou en Arabie saoudite.
– La relance du barrage vert afin de combattre la désertification via la reforestation et la régénération des sols.
-4. Les Hauts-Plateaux
– Reconversion des terres dégradées : Transformer 9 millions d’hectares en zones productives (pistachiers, manguiers) avec un appui technique et financier aux jeunes agriculteurs.
– Élevage mixte: Développer des modèles extensifs/intensifs et construire des infrastructures de transformation (abattoirs, laiteries et traitements des peaux etc..).
-5. Le Sud saharien
– Exploitation rationnelle de la nappe albienne : Utiliser judicieusement ses 40 000 milliards de m³ pour l’agriculture oasienne et les nouveaux périmètres irrigués.
– Valorisation des filières locales: Relancer la phœniciculture (dattes Deglet Nour) et moderniser l’élevage camelin (lait, laine).
– Diversification économique : Investir dans les ressources minières (or, terres rares) pour réduire la dépendance aux hydrocarbures.
-6.Emploi et jeunesse :Un levier prioritaire
-Un programme national doit cibler la création de 300 000 emplois ruraux via :
– Microcrédits: Convertir les allocations-chômage en financements pour l’accès à la terre et au cheptel.
– Coopératives agricoles : Structurer des réseaux locaux et former aux métiers de l’agroalimentaire.
En Conclusion je peux dire que ce rappel est nécessaire car les clés de la réussite sont:
-L’Algérie possède les atouts nécessaires pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
-Ressources hydriques abondantes, terres fertiles et jeunesse dynamique. Cependant, cela exige :
– Une mise en œuvre rigoureuse de la feuille de route présidentielle, en évitant les erreurs passées (jachère, spéculation foncière).
-Une vision intégrée associant innovation technologique, justice sociale et durabilité écologique.
Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. La sécurité alimentaire des générations futures en dépend.
M.Abdelkader Reguig
Ingénieur d’État en agronomie, expert international
Président de l’Ordre des Ingénieurs Experts Arabes (ORAREXE) à Genève.
Émail: orarexe@ gmail.com