Pr. Mourad Kouachi, universitaire et expert en économie à la Patrie-news
« L’adhésion de l’Algérie au Brics est profitable aux deux parties »
L’Algérie a déposé officiellement une demande d’adhésion au Brics, qui regroupe actuellement le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. L’information a été confirmée, il y a quelques jours, par Leila Zerrouki, chargée des grands partenariats internationaux au ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger. Dans cette interview, Professeur Mourad Kouachi, expert en économie décline les paramètres qui rendent la candidature de l’Algérie dans l’intérêt des membres du Brics.
Propos recueillis par
S. Biskri
La Patrie-news : L’Algérie est sur le point d’adhérer au Brics. Que représente ce groupe ?
Pr. Kouache : Le Brics regroupe, actuellement, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud. Ces pays enregistrent la croissance économique la plus rapide au monde. Le PIB de ces pays est estimé à 24,2 billions de dollars. Ce qui représente 24% du PIB global mondial. La superficie et les populations de ces pays constituent respectivement 26% et 40% de celles du monde. Ils représentent plus de 40% de la production globale des énergies fossiles. Selon les experts, les pays du Brics, deviendront, à échéance 2050, les maitres de l’économie mondiale.
Quel bénéfice tirera l’adhésion de l’Algérie au Brics et que lui apportera-elle en retour ?
La Russie, l’Inde et la Chine sont des puissances nucléaires. La Chine et la Russie sont des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. En intégrant le Brics, l’Algérie aura la latitude de renforcer ses relations avec ces pays. Ce qui lui conférera un poids politique et diplomatique plus grand. Par ailleurs, au plan économique, il faut reconnaitre que l’Algérie a échoué dans la mise en œuvre de l’Accord d’association avec l’Union européenne, en vigueur depuis plusieurs années. Elle n’a pas bénéficié d’investissements européens ou de transferts technologiques alors qu’elle a perdu des milliards de dollars sous formes d’exonérations fiscales sur les produits européens.
A mon avis, le Brics sera une meilleure alternative à l’Union européenne. D’autant que dernièrement, l’Algérie a reconsidéré ses relations avec ses partenaires économiques, en donnant une certaine suprématie à la Chine et à la Russie. La Chine est devenue le principal fournisseur de l’Algérie. La valeur de ses exportations vers notre pays caracole à plus de 17 milliards de dollars. Les entreprises nationales, notamment économiques, misent énormément sur la matière première et l’expertise chinoises. En parallèle, les investissements chinois en Algérie se sont intensifiés. A vrai dire, la Chine s’échine à drainer, par le biais de l’Algérie en tant que portail du continent, 100 pays africains dans l’axe de Pékin. Globalement, l’Algérie est en mesure de faciliter la pénétration des pays du Brics dans les marchés africains, qui sont convoités aussi par les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe.
En adhérant au Brics, l’Algérie verra son économie subir des développements importants. Le dinar algérien sera revalorisé car les échanges économiques au sein du bloc Brics se feront avec les principales monnaies des pays membres. Ce qui dopera le dinar algérien. L’Algérie tirera profit aussi des expériences de la Chine, de l’Inde et de la Russie dans les domaines de l’électronique, de l’agriculture, des énergies et des mines, de l’industrie. La chine est un géant économique. Il est à la seconde place après les Etats-Unis. Son PIB a atteint 17,7 billions de dollars en 2021. Je pense que dans quatre ou cinq ans, elle dépassera les USA. La Russie est incontestablement une puissance énergétique. D’un autre côté, il est avéré que l’Algérie est devenue une option énergétique dans le bassin méditerranéen. Le Brics privilégiera, à ce titre, l’adhésion de l’Algérie, qui contribuera à porter sa production des énergies non renouvelables à 50% des volumes globaux. C’est un enjeu majeur dans la crise énergétique en cours. L’adhésion de l’Algérie au Brics est profitable aux deux parties.
Le groupe est-il appelé à se renforcer par d’autres pays ?
Le Brics favorise l’intégration des pays qui prévalent par des croissances économiques élevées. C’est le cas pour l’Algérie. Tous les indicateurs économiques le confirment. Par ailleurs, l’Algérie a des relations privilégiées avec les cinq pays du bloc. La Russie est un allié stratégique. La Chine est un partenaire économique fiable. L’Afrique du sud est un pays ami depuis des décades. En plus, l’Algérie est le plus grand pays de l’Afrique, en matière de superficie et de l’économie. Il est dans l’intérêt du Brics d’intégrer l’Algérie, car comme je l’ai mentionné plus tôt, elle leur rendra plus aisée la pénétration des marchés africains, notamment pour l’initiative de la Chine portant « la nouvelle voie de la soie ». Les dernières découvertes de gisements pétroliers sont des paramètres pris en compte dans la candidature de l’Algérie, qui sera formalisée incessamment.
S.B