Président de la Commission de l’UA : « Le temps de la parole est fini… »
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine a alerté, ce samedi lors du discours qu’il a prononcé lors de la 36ème Assemblée ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine, sur une conjoncture économique et politique internationale, préoccupante, pour l’Afrique.
Il a affirmé que les promesses de financements non tenues des partenaires, européens notamment, ont conduit de nombreux pays africains, déjà fragilisés par la récession économique, à « s’endetter à des conditionnalités draconiennes comme en témoignent les négociations en cours de certains de nos pays avec les institutions financières internationales ». Il a évoqué aussi la situation « des pays confrontés au terrorisme, lesquels se battent, souvent seuls dans l’indifférence générale ».
Il a préconisé, dès lors, « l’activation des mécanismes divers de résilience interne, de solidarité intra africaine, de mise en œuvre rapide des institutions financières africaines (…) La souveraineté collective et la solidarité auxquelles nous aspirons sont à ce prix ». Il a plaidé clairement pour une opérationnalité rapide de la ZLECAf (zone africaine de libres échanges), pour pouvoir faire le poids face au protectionnisme économique de l’occident.
« Les infrastructures, l’énergie et la digitalisation sont les piliers indispensables à la mise en œuvre de la ZLECAf, dont l’accélération a été retenue comme thème de l’année. Cette opérationnalisation gagnerait à ce que le leadership africain que vous êtes, lui donne l’impulsion décisive tant attendue, ne serait- ce qu’en rendant possible la libre circulation des personnes et des biens » a-t-il argumenté, marquant les progrès du processus d’admission de l’UA au G20 et les efforts consentis dans l’amélioration de la représentation de l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies.
Pour mieux illustrer l’importance d’une intrusion effective du continent noir dans les instances internationales, il a cité l’exemple de la Commission Economique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
« Créée à un moment de l’histoire où l’Afrique ne disposait pas de structures pertinentes en ces domaines, la CEA a été très utiles, mais partage désormais le même champ de compétences que les Départements de la Commission, la Zlecaf et l’Auda-Nepad. Il est dès lors souhaitable d’engager une réflexion dans le sens d’une meilleure harmonisation de ses objectifs et de ses finalités ».
D’autant, a souligné Moussa Faki Mahamat, la vulnérabilité de l’Afrique s’affiche dans «les champs politique et sécuritaire (…) Dans ces domaines, les efforts de construction nationale se heurtent ces derniers temps à la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement accentuant l’instabilité politique et la fragilisation des Etats. Celles-ci sont par ailleurs alimentées par d’autres foyers tels que l’extrémisme violent, le terrorisme, la conflictualité inhérente aux processus électoraux, les conflits intercommunautaires et les changements climatiques ».
Il a égrené les troubles au Mali, en Libye, en Ethiopie, au Burkina Faso, au Tchad, au RDC… Des foyers de tensions qu’il faudrait atténuer, à défaut de régler. « Le terrorisme poursuit son extension au Mali, au Burkina Faso et dans la région du Lac Tchad, avec des incursions sporadiques, non moins meurtrières, au Mozambique, au Benin et au Togo. Nous avons ici besoin d’un sursaut national et international de solidarité concrète, décisive, immédiate avec les pays affectés. Le temps de la parole est ici fini (…) N’ayons pas peur de le dire, nous mettons beaucoup d’enthousiasme dans l’élaboration de grands projets pour l’Afrique, dans la prise de certaines décisions, mais, malheureusement beaucoup moins de soins à leur réalisation simplement par défaut de volonté politique agissante. Cette rupture entre paroles et actes est le principal facteur de désaffection des populations vis à vis de l’organisation continentale » a-t-il regretté.
S.B