Programme national de périnatalité 2016-2020 : La Cour des comptes dresse un tableau sombre
Hayet Youba
Inscrite au plan annuel 2020 de la Cour des comptes, l’évaluation du programme national de périnatalité a dévoilé beaucoup de manquements et d’objectifs non atteints. « L’objectif d’impact final fixé par le programme, à savoir la baisse de la mortalité infanto juvénile sous la barre des 20 pour mille naissances vivantes en 2020 n’a pas été atteint » a fait savoir la Cour des comptes avant d’expliquer toutes les raisons de cet échec. L’institution souligne que « le programme national de périnatalité 2016-2020 n’a pas bénéficié d’une maturation suffisante » et cela est perceptible à travers « l’inadéquation entre certains de ses objectifs et les besoins réels du domaine de la périnatalité ». L’institution fera remarquer dès le début que ledit programme n’a pas pris en compte la santé maternelle comme cela avait été le cas pour l’ancien programme (2006-2009) et que la santé maternelle a fait l’objet d’un autre programme concomitant, à savoir : le plan de la réduction accélérée de la mortalité maternelle, 2015-2019. Ce qui a créé un risque de chevauchement et dénote d’« un manque de concertation et d’implication de certains acteurs concernés par la conception du programme ». A cela s’ajoute l’absence d’une budgétisation des moyens nécessaires pour sa réalisation et d’un système de suivi rigoureux. La Cour des comptes a fait part d’« incohérences entre les différentes composantes du programme dans la hiérarchisation des objectifs. » Après plusieurs audits, elle a consigné aussi dans le rapport les insuffisances enregistrées dans la mise aux normes des maternités et des structures de néonatalogie. Ces dernières enregistrent un manque de moyens matériels et humains notamment dans les maternités de palier 2 et 3. Une situation qui créée « une forte pression sur les structures de néonatalogie, destinées à la prise en charge des cas présentant un risque obstétrical ou fœtal ». Mieux, la Cour des comptes relève que « certains CHU ne disposent pas de services de néonatalogie à l’instar des CHU de Bab El Oued, de Blida et de Beni Messous. D’autres CHU disposent d’un service de néonatalogie mais qui n’est pas contigu au service de gynécologie-obstétrique à l’instar du CHU Tizi Ouzou qui n’est même pas doté d’une maternité. L’examen de la situation de ces établissements fait ressortir des écarts importants par rapport aux normes établies tant au plan des équipements qu’en matière de ressources humaine ». La Cour des comptes affirme « aucune unité de néonatalogie ne s’est conformée aux normes requises en matière de nombre de lits et d’équipement notamment les couveuses, les tables de réanimation, les tables chauffantes, les appareils d’aspiration et la photothérapie. » Il y a même de nombreux établissements qui souffrent d’une absence de certains équipements indispensables à la prise en charge des nouveau-nés malades ou nécessitant une prise en charge particulière. Les EHS de plusieurs wilayas sont donnés en exemple comme Tiaret, In Salah Tamanrasset, Constantine, Ain Taya Alger et CHU Bab El oued… La Cour des comptes donnera l’exemple de la prise en charge de la détresse respiratoire affirmant que certains services n’assurent « ni la ventilation en pression positive continue (CPAP), ni la ventilation artificielle (respirateur), à l’exemple de l’EPH Ain Oussara. » Outre l’absence des équipements, lorsqu’ils existent, ces derniers sont souvent en panne. « L’EHU Oran dispose de 4 tables chauffantes, toutes en panne, et d’un seul respirateur artificiel en panne. Le CHU Blida, qui reçoit les NN évacués de tous les établissements de la wilaya et des wilayas limitrophes, dispose de 2 respirateurs artificiels en panne. Le CHU Oran dispose de 8 tables chauffantes dont 6 en panne et d’une seule photothérapie intensive en panne. Quant à L’EPH Zighoud Youcef Constantine, il dispose d’une seule couveuse en panne » a tenu à faire savoir la Cour des comptes. Beaucoup d’autres manquements ont été souligné comme l’inégalité de l’offre des soins en médecine néonatale sur le territoire nation, l’inexistence d’un SAMU néonatal et/ou pédiatrique ou une prise en charge insuffisante du risque infectieux, de la maladie hémorragique du nouveau-né et la prévention de l’hypothermie. Pour toutes ces raisons « les chiffres disponibles montrent que la situation n’a pas connu d’évolution remarquable concernant la lutte contre la mortalité périnatale élargie ». Enfin, le rapport de la Cour des comptes mettra le doigt sur le pilotage du programme national de périnatalité dévoilant l’absence totale de suivi des structures de coordination tant au niveau national que local, mises en place. Qualifiant ces structures d’inopérante, la Cour des comptes affirmera qu’au niveau national, le programme est piloté par une commission ministérielle, présidée par le ministre de la santé, n’a produit aucun rapport d’étape depuis 2016 ni une évaluation finale. Après avoir dressé ce tableau peu reluisant, la Cour des comptes a formulé certaines recommandations à savoir inclure la santé maternelle dans le programme, développer un système d’informations plus fiable sur les causes de décès périnatals, normaliser les salles de naissances avec équipements et ressources humaines et doter les maternités et structures de néonatalogie du matériel nécessaire à l’exercice de leurs missions, notamment en ce qui concerne le matériel de réanimation et de ventilation. Enfin, il est recommandé la mise en place une stratégie et des plans d’actions pour renforcer la formation en néonatalogie, ainsi qu’un suivi rigoureux et régulier de ces actions.
H.Y.