Abdelaziz Rahabi au journal El Pais : « Nous ne voulons pas que notre politique étrangère se limite uniquement aux relations avec le Maroc »
A mesure que le Maroc s’enlise dans ses visées expansionnistes et colonialistes, l’Algérie poursuit tous azimuts son (re)déploiement diplomatique. L’alignement des astres est tellement parfait pour nous que même l’économe et les finances se joignent désormais à ce spectaculaire redressement. C’est, en gros, ce qui ressort de l’entretien accordé ce mercredi au journal espagnol El Pais, par Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et diplomate, observateur averti de la scène nationale et internationale. Rahabi aborde en premier lieu ce « revirement » de Pedro Sanchez sur la question de décolonisation du Sahara Occidental. Il parle ainsi d’inquiétude compréhensible et légitime, attendu que Madrid « a une responsabilité historique dans le Sahara ». L’Espagne en demeure de facto la puissance administrante au regard du droit international. Quand à la brouille qui en a résulté entre l’Algérie et l’Espagne, cet ancien ambassadeur basé en Espagne s’en montre d’autant plus désolé qu’il s’est beaucoup investi dans la construction et la consolidation de ces relations. D’autant que cela intervient en plein boom de l’économie et des finances algériennes, sur fond de profonde crise européenne à cause du conflit ukrainien. en langage diplomatique sobre, empesé et mesuré, Rahabi dit que Pedro Sanchez a commis une erreur monumentale en trahissant la cause sahraouie pour des raisons sans doute liées à son espionnage par le Maroc via le logiciel sioniste Pegasus. Rahabi, respecté et très suivi aussi bien par les décideurs que par les opposants, distille régulièrement des analyses d’une grande pertinence. « L’intervention du président (du gouvernement) Pedro Sánchez en septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU (où il a annoncé de défendre « une solution politique mutuellement acceptable » dans le cadre de l’ONU) a été mieux accueillie que les précédentes, mais elle n’est pas suffisante. L’Espagne doit mieux s’expliquer ». en clair, ce début de revirement demeure insuffisant. Madrid a tout à gagner en revenant à la légalité internationale, et en soutenant tout bonnement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. « Nous pouvons avoir des problèmes, mais nous devons chercher l’occasion de parler, d’abord, et de clarifier les choses du mieux possible. “Bien qu’il semble vraiment difficile de reprendre confiance, il faut chercher des fenêtres d’opportunité et explorer toutes les pistes ». Diplomate dan l’âme et jusqu’au bout des ongles, Rahabi pointe la trahison espagnole en des termes certes durs, mis qui se mesurent à l’aune du revirement inexplicable de Pedro Sanchez. « Avec sa position actuelle, l’Espagne a perdu son rôle de puissance modératrice au Sahara ». Partant du constat que tout est sans doute à reprendre depuis le début, force est de relever, comme nous le rappelle la riche histoire l’humanité, que la lutte armée se poursuivra jusqu’à la libération totale du Sahara Occidental. Beaucoup d’ambassadeurs sahraouis contactés par nous maintiennent que si le front Polisario ne tournera jamais le dos au dialogue, s’il est sincère et constructif, il ne le fera que les armes à la main, et balle au canon. En clair. Pas question d’accepter un quelconque cessez-le-feu sans que le Maroc revienne au processus référendaire de 1991 qu’il avait lui-même accepté. Mais, désormais, l’Algérie voit grand. Et jouit largement des moyens de sa politique. « Essentiellement, le Maroc a des frontières avec l’Espagne et avec l’Algérie. Nous avons beaucoup plus de frontières – avec la Tunisie et la Libye, avec divers pays du Sahel – et un agenda international beaucoup plus large. Nous ne voulons pas que notre politique étrangère se limite uniquement aux relations avec le Maroc ». Après la réussite éclatante du sommet arabe et notre sérieuse prise en main du dossier Palestine, c’est l’entrée de l’Algérie aux BRICS qui devient une priorité diplomatique de premier plan. Cela, sans perdre de vue l’absolue nécessité de réformer en profondeur l’ONU.
El Ghayeb Lamine