Ahmed Zaid-Salem, directeur général du développement industriel au ministère de l’Industrie
Les préalables à l’investissement dans l’industrie automobile
Des négociations sont en cours avec plusieurs grands constructeurs automobiles, en vue de les inciter à investir en Algérie, avec une garantie d’un marché local de 250 000 nouveaux véhicules légers et utilitaires par an et une perspective à l’exportation. Mais sous condition de construire une véritable industrie de l’automobile, assurant un taux d’intégration minimum de 40%. L’exportation est aussi un préalable. Le directeur général du développement industriel au ministère de tutelle en parle.
Soulef Biskri
Cinq directions sont mises sous la tutelle de cette direction générale du développement industriel au ministère de l’Industrie. Ses principales missions sont orientées sur le développement de grands projets d’investissement industriels. Il s’agit de la direction de sidérurgie-métallurgie-mécanique construction navale et aéronautique ; la direction des matériaux de construction ; la direction de la sous-traitance, la direction de l’agroalimentaire et la direction de l’électrique, l’électronique et des énergies renouvelables.
La première direction citée, la plus importante, gère le dossier de l’automobile, dans ses deux volets : importation et construction. « L’historique de ce dossier est connu. Nous sommes en train de mettre en place une nouvelle stratégie, au sein d’un groupe de travail intersectoriel. Nous informons régulièrement les pouvoirs publics de l’état d’avancement. Ce dossier est presque prêt pour être concrétisé. Les réserves de l’Union européenne sur l’Accord avec les concessionnaires ont été levées » décline d’emblée M. Ahmed Zaid-Salem, directeur général. « Nous avions 32 constructeurs automobiles en Algérie quoi faisaient davantage de montage que de production. Nous voulons aller vers une véritable industrie automobile, en choisissant les constructeurs en fonction de ce qu’ils nous offrent » poursuit-il. Les besoins du parc local sont de l’ordre de 250 000 véhicules légers et utilitaires par an. Ce qui sous-entend que les investisseurs potentiels, dans ce segment d’activité, auront la garantie d’avoir des parts d’un marché porteur. Ils sont soumis, néanmoins, à des conditions rationnelles et réalistes. Le taux d’intégration est fixé à un minima de 40%, sinon le produit ne sera pas considéré comme fabriqué localement en vertu de la règlementation douanière. Il ne sera donc pas éligible à l’exportation, alors « les autorités nationale exigent l’exportation comme un préalable à l’investissement en Algérie dans l’Industrie automobile» révèle notre interlocuteur. Il affirme que les négociations sont en bonne voie avec huit constructeurs de grandes marques. « Nous négocions directement avec la maison-mère sans intermédiaires. Elle aura la latitude, une fois l’accord conclu, de choisir un ou des partenaires locaux ou d’investir seule » précise-t-il en soulignant que chaque investisseur « aura un quota minimum de 30 000 véhicules par an. Le taux d’intégration exigé sera atteint progressivement dans un délai de quatre ans ». Il indique que l’Algérie a intégré dans ses négociations, les paramètres liés à la technologie automobile, « pour que l’investissement ne soit pas figé dans des modèles précis pendant 50 ans jusqu’ils ne se vendent plus. Les véhicules doivent être exportables, avec les normes et la conformité internationales ». L’attractivité de l’Algérie est dans le potentiel de son marché local, la mise en place de zones franches, et la promulgation prochaine d’une loi sur l’investissement favorable à un bon climat des affaires. « Toutes les mesures sont contenues dans la nouvelle loi sur l’investissement (actuellement en cours d’examen par la chambre basse du Parlement, ndlr) » rappelle-t-il.
Un cahier de charge souple pour les véhicules de transports et les engins agricoles
Des dispositions complètement différentes sont prises pour la construction de semi-remorques, les engins agricoles, les bus et les motocycles. Cette industrie est soumise à des cahiers de charges moins contraignants, car le marché est limité. Le taux d’intégration n’est pas un une condition préalable, « car ce sont des investissements dans des outils de développement de l’économie nationale ». Les producteurs de mêmes familles sont conglomérés dans des clusters, qui contribuent à l’élaboration des cahiers de charge. « Ils seront promulgués par arrêtés ministériels, pour pouvoir les moduler au besoin. Les taux d’intégration seront révisés au fur-et-à mesure du développement de l’industrie nationale » explique M. Ahmed Zaid-Salem. L’avantage des clusters est de permettre leurs membres de soulever par eux-mêmes les problèmes à exposer à la tutelle. « Pour appuyer cette industrie, nous mettons en place des CTI (Centre technico-industriels). Deux centres sont déjà opérationnels : celui de la mécanique à Constantine et celui de l’agroalimentaire à Boumerdes. Leur rôle est de participer au développement de l’industrie, par des études ou des recherches au profit des producteurs, avec l’intermédiaire de l’Etat. Deux autres CTI sont en cours de lancement, la chimie à Oran et celui de l’électrique et électronique à Mostaganem » développe-t-il.
« Le président de la République a donné des instructions pour le développement de la branche électrique-électronique, parce que l’Algérie a importé, l’année dernière, près de 4 milliards de dollars de produits électriques, alors qu’ils étaient fabriqués localement, dans le passé. Une étude de marché nous a révélé que Sonelgaz, à elle seule, importé 30 000 pièces de l’étranger. Nous avons recensés tous les produits, pour déterminer ce que nous pouvons fabriquer localement et mettre, en conséquence des barrières à leur importation» relève-t-il. Il a nuancé, néanmoins ses propos, en reconnaissant que dans le secteur de l’industrie, il n’est pas possible d’interdire totalement les programmes d’importation. Des garde-fous sont installés pour filtrer les produits, qui entrent sur le territoire national. « Nous veillons à ne pas laisser passer des produits contrefaits. Nous élaborons une règlementation technique sur la conformité, certification et normalisation. C’est la vraie arme de la protection de la production nationale » indique-t-il.
Miser sur le secteur agroalimentaire
L’agroalimentaire est un secteur rentable, mais surtout stratégique pour assurer la sécurité alimentaire. Il représente 50% du PIB de l’industrie. « Nous disposons déjà d’un cluster des filières de l’huile d’olive, des dattes, de la tomate ». Le secteur des matériaux de construction se développe bien aussi. « Nous avons d’ailleurs demandé que l’importation de la céramique soit limitée. Nous avons suffisamment de produits locaux de qualité. Dans le segment ciment, nous sommes passés carrément à l’exportation ». Le groupe public Gica assure pleinement ses missions dans ce domaine. Il contribuerait probablement à une perspective qui offre une belle opportunité aux cimentiers : construire des routes et des autoroutes en béton.
« Une autoroute en béton résiste pendant 100 ans, sans nécessiter d’entretien. C’est plus rentable. Ce projet nous permettra de consommer localement le ciment, produit avec 70% de l’électricité subventionnée plutôt que de l’exporter » souligne le directeur central au ministère de l’Industrie, qui joue, par ailleurs un rôle prépondérant dans la mise en place de l’infrastructure des énergies renouvelables.
La sous-traitance, le secret de la réussite
L’Industrie mise gros sur l’exploitation des PMI-PME dans le développement des grands projets d’investissement, sous forme de sous-traitance. « Nous encourageons, les PME, les TPE et les entreprises en générale à fabriquer de la pièce utile pour l’industrie algérienne par des facilitation à différents niveaux. Pour les aider à prendre de l’essor, nous autorisons l’importation des chaines industrielles rénovées » soutient M. Zaid-Salem.
Quelques 1.410 entreprises activent dans le secteur de la sous-traitance à l’échelle nationale. A chacune de ses sorties publiques, le ministre de l’Industrie n’a de cesse de relever leur « rôle stratégique dans le développement du secteur, d’où la nécessité d’encourager ce créneau notamment en motivant les grands groupes à signer des contrats de partenariat avec ces entreprises pour les faire bénéficier de leurs expertise et de leur financement ».
S. B.