Après la décision d’Alger de fermer le gazoduc Maghreb-Europe : Froid, sera l’hiver des Marocains
L’hiver prochain risque d’être plus glacial que d’habitude pour les Marocains. Le gaz naturel acheminé vers l’Espagne ne passera plus, en effet, par le Maroc.
La question quant à la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe, qui relie depuis 1996 les gisements algériens à l’Europe via le royaume marocain et dont le contrat expire le mois en cours, semble avoir été définitivement tranchée.
On ne récolte que ce que l’on sème. Le voisin de l’Ouest devra, ainsi, dès l’hiver prochain acheter près de la moitié de sa consommation de gaz sur un marché indexé sur le prix du Brent, en constante augmentation, et sans le soutien de l’Espagne.
Non seulement. En l’absence du GNL algérien, le marché domestique marocain perdra 50% de sa consommation interne, en plus de royalties d’environ 1 million de mètres cubes de gaz (droit de passage du gazoduc) par jour.
Le Maroc aura donc, beaucoup à perdre. En ne renouvelant pas la concession du gazoduc Maghreb-Europe, le Maroc risque de perdre deux gros avantages : le droit de péage de 7 % qui représente environ 200 millions d’euros par an, et la quantité de gaz dont il tire profit du fait du transit via le gazoduc.
Aussi, le Maroc doit importer près d’un milliard de mètres cubes de gaz naturel annuellement.
Une bonne partie de ce gaz lui était fourni en contrepartie du passage du gazoduc sur son territoire.
Cette quantité est surtout utilisée pour produire de l’électricité. Le Maroc dispose d’une puissance installée de production d’électricité de 10.570 MW en 2020, alors que l’Algérie s’est dotée d’une puissance dépassant les 23.000 MW, soit le double de celle du Maroc.
Il arrive également très souvent à l’Algérie de vendre de l’électricité au Maroc avec une moyenne de 200 MW, surtout lors de la saison estivale.
La majorité du peuple marocain n’a pas les moyens d’utiliser la climatisation durant la saison des grandes chaleurs.
Le prix du kilowattheure d’électricité est trois fois plus élevé qu’en Algérie. Il est de 0,131 dollars le kWh au Maroc, contre 0,040 dollars en Algérie.
Le gaz de ville est un luxe dans le pays de Mohamed VI qui doit importer plus de 2,7 millions de tonnes de butane et de propane pour permettre au peuple de faire la cuisine et au secteur du tourisme de fonctionner. On est bien loin de cette image d’un Maroc moderne et prospère que veut véhiculer la propagande du Makhzen.
Et ceci ne concerne que l’énergie. Avec l’arrêt de la manne du gazoduc Maghreb-Europe (GME), le Maroc sera obligé d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) à un prix fort sur le marché mondial.
Alors qu’auparavant, il bénéficiait d’une source sûre d’approvisionnement par gazoduc et ne payait que la moitié de ses importations.
Au premier semestre de 2021, le déficit commercial du Maroc a dépassé les 10 milliards de dollars tandis que la dette extérieure est de 60 milliards de dollars.
Conscients de cette réalité, les Marocains, habitués aux « coulisses », tentent tant bien que mal de manœuvrer en leur faveur.
Selon le quotidien espagnol El Païs, le Maroc « négocie actuellement avec l’Espagne d’une possibilité de se faire livrer de gaz à partir du royaume ibérique en lui demandant, d’envoyer de gaz par le GME dans le sens inverse ».
L’Espagne qui n’a ni infirmé ni confirmé l’information rapportée par El Païs, serait assurément loin de pouvoir répondre favorablement à la demande marocaine.
Premièrement, « par crainte par la réaction d’Alger, d’autant qu’il s’agit d’autant qu’il s’agit de gaz qu’expédie l’Algérie vers la péninsule » explique-t-on.
Deuxièmement, les Espagnols ne sont assurément pas prêts d’oublier l’épisode de l’été dernier, quand Rabat avait fait part à Madrid de son « exaspération » à la suite de l’hospitalisation dans un établissement près de Saragosse, de Brahim Ghali, le secrétaire général du Front Polisario.
La brouille entre le Maroc et l’Espagne a été ponctuée d’échanges musclés, dont le point culminant a été l’arrivée mi-mai de près de 10 000 migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta, dont de nombreux mineurs, à la faveur d’un relâchement des contrôles par les autorités marocaines. « Un chantage inacceptable », avait réagit Madrid.
«Il est clair que l’impact économique (de la rupture des relations) sera plus ressenti par le Royaume du Maroc que par l’Algérie, surtout si les espaces aérien et maritime seront fermés (pénalisant) avec des surcoûts financiers tous les mouvements de la Méditerranée occidentale vers la Méditerranée orientale et vers le Proche et Moyen-Orient», avait indiqué Arslan Chikhaoui, spécialiste des questions géostratégiques, dans un entretien paru mardi dans le quotidien l’Expression.
Quelle carte jouera encore Mohamed VI ? Attendons pour voir…
Y.Y