Bouderba Noureddine, Expert de la sécurité sociale à la Patrie news: « Depuis dix ans, les pensions et allocations de retraite n’ont pas connu une telle augmentation ! »
Propos recueillis par
S. Hammadi-Biskri
La Patrie news : Les pensions et allocations de retraites seront valorisées à hauteur de 10 à 15%. Concrètement que représente cette augmentation ?
M. Bouderba : C’est une décision qui va dans le bon sens et qu’il faut saluer à sa juste valeur, car il faut rappeler que depuis dix ans, les pensions et allocations de retraite n’ont pas connu de tels taux de revalorisation. Cette année, les taux annoncés par le président de la République et consacrés par le conseil des ministres, représentent plus que le double des taux appliqués pour les petites pensions et allocations auxquels on nous a habitués depuis 2015, tandis que les titulaires de grandes pensions ce taux est trois fois supérieur au taux habituel.
Cette hausse exceptionnelle des revenus des retraités est-elle suffisante pour améliorer leur pouvoir d’achat ?
Si cette hausse exceptionnelle est la bienvenue, elle ne pourra cependant pas compenser toute l’ampleur de l’érosion du pouvoir d’achat des retraités, cumulée depuis des années à cause de la politique de revalorisation annuelle en vigueur de 1999 et de la dévaluation du Dinar et qui a été largement amplifiée par l’inflation générée par les crises internationales du Covid-19 et du conflit Russo Ukrainien. Mais les retraités disent que cette augmentation est la bienvenue tout en souhaitant d’autres mesures de sauvegarde complémentaires relatives par exemple à l’IRG, au contrôle des prix, aux subventions et au renforcement de la sécurité sociale dans toutes ses branches.
Vous plaidez pour l’indexation des pensions de retraite sur le point indiciaire des salaires. Comment ?
L’indexation des pensions de retraite sur les salaires est la meilleure formule pour les retraités. Elles étaient en application dans la quasi-totalité des pays européens ainsi que dans les autres pays membres de l’OCDE. Mais avec l’offensive néolibérale des années 1980’s, elle fut progressivement abandonnée au profit de l’indexation sur le coût de la vie tout comme les pensions de retraite à prestations définies ont été remplacées par les retraites à cotisations définies.
Il en est de même en Algérie. Depuis 1983, les revalorisations étaient indexées sur les salaires (loi n° 83-12 de 1983). Mais en 1999 cette loi a été modifiée par la loi n° 99-03 qui a attribué cette prérogative au ministre chargé de la sécurité sociale. Ce qui fait que depuis cette date, les taux de revalorisation annuelle sont fixés unilatéralement par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, et ne sont pas indexés sur le coût de la vie, encore moins sur les salaires.
Pour ma part, par réalisme et jusqu’à la consolidation et la maturation de notre système de retraite qui est basé sur la répartition et la solidarité qu’il faut à tout prix sauvegarder, jusqu’à la viabilisation totale de CNR (un objectif tout à fait réalisable avec une réelle volonté politique), je ne plaide pas pour l’indexation sur les salaires. Je plaide pour l’indexation sur le coût de la vie car rien ne justifie la politique de revalorisation qui prévaut depuis 1999.
Vous estimez aussi que les retraités devraient être exonérés de l’IRG. Le trésor peut-il supporter une perte de revenu ?
Non, je n’ai jamais plaidé pour l’exonération totale des pensions de retraite en matière d’IRG même si les petites pensions doivent être complètement exonérées dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Là, il serait intéressant de préciser que la lutte contre la pauvreté relève de la responsabilité de l’Etat, qui doit compenser la CNR de tout le manque à gagner à cause de ces exonérations.
Le reste des retraités doit contribuer à l’effort fiscal du pays, qui doit toutefois être juste. Il serait anormal et injuste qu’un retraité qui touche une pension d’un montant de 20 millions de centimes, voire 27 millions ou même 50 millions soit exonéré de l’IRG au moment où un salarié ou un commerçant dont le salaire/revenu ne dépasse pas 50 000 DA verse cet impôt.
Seulement, le hic dans cette histoire est que le montant des recettes collectées par l’Etat au titre de l’IRG sur les salaires et les retraites est largement supérieur au montant de l’impôt payé par les sociétés. Par ailleurs, le taux de l’IRG payé par un salaire ou une pension moyens est très largement supérieur à l’Impôt (IFU) payé par un médecin privé spécialisé, un avocat ou même un notaire, même si le revenu de ces derniers représente plus de 30 fois le revenu de ce salarié ou retraité. C’est pourquoi j’ai toujours plaidé pour une diminution importante de l’IRG, payé par les retraités (et les salariés aussi).
Mon avis est que les montants de l’IRG payés actuellement par les retraités doivent être réduits de moitié pour les fractions de pension comprises entre 2 fois et 4 fois le SNMG et diminués du quart de leurs montants actuels pour les fractions de pension supérieures à 4 fois le SNMG