Combattants de l’armée sahraouie : La victoire ou le martyre
L’homme fait encore de la loi stalinienne un mode d’emploi d’hypothéquer le droit à la vie comme si l’Histoire ne parvenait à graver les noms de tous ceux ayant fait d’un commun humain, un esclave, nous qui croyons que cette ère est révolue.
Sinon, de quoi qualifier tous les maux que vivent les Sahraouis du Sahara Occidental, pourtant, qui ne revendiquent que leur droit à une patrie confisquée par l’égoïsme aveugle du monarque marocain Hassan II, un certain 6 novembre 1975, date à laquelle il a organisé sa marche verte pour, faire subir à un peuple né libre, toutes les affres d’un colonialisme arbitraire ?
Son héritier du trône, Mohamed VI a hérité également de son père l’art et la manière d’un fanatisme traduit en une véritable série de tortures, d’emprisonnement, de liquidations physiques et d’expulsion de tous ceux et celles qui ne croient à autre qu’un Sahara occidental libre et digne.
Sur cette terre bénie, tout croyant à la dignité humaine, viendront assurément un jour chanter ensemble l’hymne national sahraoui. Celui de la fierté est déjà composé. Sur cet immense territoire de plus de 200 000 km², l’emblème national sahraoui se hissera et flottera.
En ce 27 février 2021, le peuple sahraoui a célébré le 45ème anniversaire de la proclamation de la RASD. C’est une date symbole de tout un peuple…Ni Mohamed VI, ni encore moins « ses amis » ne pourront nier cette réalité.
Une centaine d’invités, entre journalistes, personnalités politiques, et des représentants des organisations non gouvernementales, ont été conviés par le Front Polisario pour prendre part aux festivités commémoratives abritées cette année par la wilaya d’Aouesserd.
Toutes les délégations étaient réunies ce vendredi 26 février dans le hall de l’aéroport d’Alger. Le vol à destination de Tindouf, est prévu à 15 h. Finalement nous embarquons avec une heure de retard sur l’horaire prévu.
Au bout de deux heures et demie de vol, notre avion atterrit à l’aéroport CDT Ferradj, un transit obligatoire et unique afin de parvenir aux camps des réfugiés sahraouis.
Destination, le siège de la présidence sahraouie où le président Brahim Ghali, SG du Polsiario était à notre attente, saluant encore une fois la position inchangée de l’Algérie vis-à-vis de la cause sahraouie.
L’occasion était également pour Kahtri Addouh, membre du Secrétariat national du Polisario, de « remonter dans le temps » déplorant le fait que les Sahraouis soient dans l’attente d’un référendum d’autodétermination, pourtant promis en 1991, au lendemain de la signature d’un cessez-le-feu entre les deux parties (Polisario et le Maroc) au terme d’une guerre dévastatrice qui aura duré 16 longues années. 30 ans après, rien ne fut.
La patience a des limites
Face à un Maroc faisant fi de la législation internationale et soutenu dans sa politique expansionniste par la France, ce référendum tarde à venir et les Sahraouis continuent à payer le prix fort de l’occupation marocaine.
Las des promesses sans suite de l’ONU, de son Conseil de sécurité et de la communauté internationale, les Sahraouis se décident de (re) prendre leur destin en main suite à l’agression militaire marocaine dans la zone tampon d’El Guerguerat en violation de l’accord de cessez-le-feu signé en 1991.
C’était le 13 novembre 2020. Une date qui restera longtemps gravée dans l’histoire de la lutte du peuple du Sahara Occidental pour on indépendance nationale.
Elle constitue une nouvelle épopée de l’armée de libération populaire sahraouie (ALPS), le point d’une nouvelle étape marquante du processus de paix du Sahara Occidental.
Avec l’épisode de El Guergarate, les sahraouis ont fait ainsi retour au langage que les marocains comprennent et qu’ils croyaient disparu à jamais sous le brouillard d’un processus de paix qui bute depuis 30 ans sur leur arrogance, une arrogance cultivée et stimulée par le soutien de la France. Une intervention inévitable puisque c’est le Maroc qui a selon, l’ONU, a violé l’accord de cessez-le-feu conclu avec le Front Polisario le 15 octobre 1991.
La riposte de l’armée sahraouie était un message destiné au Maroc et à l’ONU. Il annonce la fin du temps de passivité face aux provocations marocaines en rappelant le statut du Front Polisario en tant qu’acteur principal et basique incontournable dont les capacités ne peuvent être ignorées et dont les décisions ne doivent pas être sous-estimées si l’on veut sauvegarder la paix et la stabilité dans la région.
Au niveau intérieur, il a donné un nouveau souffle au sentiment patriotique d’une population sahraouie agacée par les provocations marocaines et la complaisance onusienne
Pour l’opinion publique sahraouie, la riposte constitue une étape charnière dans la ligne de conduite à suivre avec le Maroc et la communauté internationale qui aura ses répercussions positives sur la lutte du peuple sahraoui.
Au niveau international, les experts diront que la riposte militaire sahraouie a poussé la question nationale dans le devant de l’actualité internationale forçant le Conseil de Sécurité à l’inscrire dans son agenda et à lui consacrer plusieurs sessions de débat et un communiqué du Secrétariat Général exprimant sa préoccupation par la situation.
Après 30 ans de patience, le message des sahraouis est crédible. La communauté internationale l’a bien reçu.
« Le peuple sahraoui poursuivra sa lutte pour imposer la justice et libérer le territoire sahraoui de la présence marocaine », a assuré le président sahraoui, Brahim Ghali, dans son discours à Aousserd (camps des réfugiés sahraouis), à l’occasion de la célébration du 45e anniversaire de la proclamation de la RASD.
La « relève » est assurée
Comme pour toute autre nation, l’armée populaire de libération sahraouie (APLS), l’appellation officielle des forces armées de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), constitue une « fierté » pour toute la composante de la société sahraouie.
Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les jeunes sahraouis particulièrement, sont très au fait de la chose politique, d’autant que sont rares ceux, à ne pas avoir décroché un diplôme universitaire.
Vous ne pourrez aborder un jeune sahraoui sans qu’il ne vous fasse un schéma bien tracé de toute la cause sahraouie. C’est aussi un synonyme de la détermination de cette jeunesse sahraouie à contribuer dans le combat pour leur indépendance nationale.
Depuis 13 novembre, dernier, l’on ne parle que de la reprise de la lutte armée. El Guerguerat est sur toutes les lèvres.
« Il était temps. Notre patience a des limites. Ni le l’occupant marocain, ni la communauté internationale, ni encore moins l’ONU n’ont entendu nos appels incessants à mettre un terme l’occupation illégale des territoires du Sahara Occidental », nous dit d’emblée Limam Hamdi El Makhlouf. Agé seulement de 34 ans, il fait partie des nombreux jeunes sahraouis à avoir choisit « de mourir pour sa patrie ».
« La mort ? elle ne nous fait pas peur », a-t-il soutenu comme pour résumer tout l’amour que portent les Sahraouis pour leur patrie.
Combattant dans la 4ème RM, secteur de Smara, et fils de chahid –martyr de la guerre des 16 ans 1976/1991- il venait de renter voir sa famille. Le « repos » ne sera pas de longue durée. « On ne m’a accordé que cinq jours », a-t-il affirmé.
« Le front a plus besoin de nous. Tout peu survenir à tout moment, d’où la notre disponibilité », Limam Hamdi qui paraît « plus vieux » que ces 24 ans. « Je suis né dans les camps des réfugiés où j’ai également grandit avant d’aller faire mes études universitaires à Sidi Belabés. Enfant que j’étais déjà, je me posais la question sur ma terre natale, et mes origines. Avec les années qui avancent, nous avons compris que nos terres sont spoliées, nos ressources pillées, nos villes occupées et que nos frères et sœurs quotidiennement violentés de l’autre côté du mur de la honte », soupire-t-il.
Un silence s’empare soudainement de la kheïma où il nous reçoit, autour de quelques verres de thé. «Nous voulons notre indépendance et retrouver définitivement notre terre… notre patrie», lance-il dans la foulée.
Une armée déterminée
Limam Hamdi El Makhlouf n’est pas seulement « symbole » d’une jeunesse déterminée, mais et aussi d’une armée, bien structurée et organisée.
Comme depuis 1973, année des premières batailles contre l’occupant espagnol, par la suite les Mauritaniens et les Marocains de 1976 à 1991, les troupes sahraouies aguerries, peuvent relever tous les défis. « L’APLS peut aussi faire la différence et l’Histoire l’avait démontré à plusieurs reprises », relève encore notre interlocuteur non, sans fierté.
« Depuis le 13 novembre 2020, nous vivons une situation toute autre. Vraisemblablement, le Maroc ne comprend qu’un seul langage, celui des armes. Il en payera le prix. Les combattants de l’armée sahraouie sont connus pour leur ténacité. Rien ne nous fait reculer, et rien ne nous fait peur », enchérit Limam Hamdi.
« Vu les moyens dont nous disposons, -il ne peut en dire plus pour des raisons évidentes- nous pouvons répondre à n’importe quelle incursion de l’armée marocaine et n’importe quel moment. Contrairement aux soldats marocains qui ne font que s’exécuter n’ayant aucune cause à défendre, nous les Sahraouis, défendons notre dignité, celle de nos mères, nos frères et sœurs. Nous défendons une patrie. Une patrie sur laquelle notre emblème sera bientôt hissé. Tout combattant de l’armée sahraouie vous le dira : la victoire ou la mort », a-t-il ajouté.
Pensif, il vient justement, de se remémorer les derniers instants vécus avec le premier martyr que déplore l’armée sahraouie depuis la reprise de la lutte armée, Beni Oul Messaïd El Mahdjoub Essalek. « On était tous ensemble ces derniers temps jusqu’à ce qu’il tombe en martyr », regrette Limam Hamdi, qui l’a vu quitter ce monde « pour un monde meilleur ».
Pour l’armée marocaine, par contre, les « pertes son énormes ». « Il ne se passe pas une journée sans que des militaires marocains soient tués au combats. D’autres, comme des lâches, prennent leurs jambes à leurs cous », narre-t-il.
Evoquant la situation au front d’une manière générale, Limam Hamdi, assure qu’elle « rythmée » aux incursions quasi quotidiennes le long du « mur ». Les bombardements des positions des FAR (Forces armées royales) aussi.
« Nous n’avons jamais voulu parler de combats, de sangs, d’armes, de blessés et de morts, mais seuls les Marocains en sont responsables », affirme Limam Hamdi, dont le souhait n’est autre que de voir l’emblème « national flotter sur l’ensemble des territoires sahraouis ».
« La victoire est proche. Serais-je parmi les miens pour la savourer ? Dieu seul le sait. Mais ce qui est par contre sûr et même certains, c’est que les noms des combattants sahraouis seront gravés en lettre d’or comme ce fût le cas d’ailleurs pour Mustapha el Ouali Sayed, Mohamed Abdelaziz, Mahfoud Ali beyba, Brahim Ghali (actuel président sahraoui) ainsi que Sidi Mohamed Bassiri, fondateur dès 1967 de « Harakat at-tahrir Saqiat al-hamra wa wadi-addahab » et inspirateur des fondateurs duPolisario », conclue le jeune combattant.
Les noms différent certes, mais l’objectif est commun : Un Sahara Occidental libre et indépendant.
Reportage réalisé dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf, par Farid Houali
Photographies: Abdessamed Khelifa