Entretien
Esteban Silva Cuadra, président de l’association chilienne de solidarité avec le Sahara Occidental : « Pedro Sanchez a ouvert la voie à l’arrivée au pouvoir du fascisme en Espagne »
De passage par Alger en vue de régler des affaires dont il sera question ultérieurement, Esteban Silva Cuadra, président de l’association chilienne de solidarité avec le peuple sahraoui, et dont les activivités sociales, économiques et politiquent s’étendent à toute l’Amérique Latine et Centrale, nous a accordé un entretien essentiellement axé sur la trahison par Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol. Il y rappelle notamment que la sociale démocratie, courant politique de ce dernier, a toujours été trompeuse et mensongère. C’est aussi le courant choisi par Adolf Hitler pour conquérir l’Allemagne, et le monde entier après elle. Ce courant n’a de gauchiste que le nom. Quat aux perspectives liées à l’humiliante défaite du PSOE, notre interlocuteur se montre optimiste concernant le soutien d’une grande partie de la population espagnole à la cause sahraouie. En revanche, il se montre particulièrement circonspect quant à la couleur politique du futur gouvernement, appelé à remplacer celui de Pedro Sanchez. A cause de sa politique antisociale, dont nous avait déjà parlé Fernando Novo Lens, président de l’association Miguel de Cervantes, Esteban Silva Cuadra craint fort la montée en puissance de l’extrême droite, carrément du fascisme. Ce sont en effet les conséquences directes et néfastes de l’inféodation directe de l’Espagne aux maitres chanteurs du Makhzen. Sale temps pour le peuple espagnol. A croire que si le dictateur Franco est certes mort, son ombre et son héritage vicié continuent d’y faire planer leurs sombres ombres…
« La politique extérieure du Makhzen a toujours été basée sur le chantage et la corruption »
« Je dirais même que Pedro Sanchez a ouvert la voie à l’arrivée au pouvoir du fascisme en Espagne ».
« Au sein de la société espagnole, il existe un courant très puissant qui soutient le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Ce courant, majeur au sein de la société espagnole, n’arrive toujours pas à comprendre les raisons de la trahison de Pedro Sanchez ».
« Madrid est sous l’emprise d’un royaume marocain corrompu et corrupteur, qui est aussi habitué à acheter les voix et les consciences ».
« Il est évident qui si on pousse plus loin les investigation, on va trouver beaucoup plus de pays, de responsables et d’eurodéputés corrompus par le Makhzen ».
« Les conditions sont réunies pour une totale défaite sans appel de Pedro Sanchez et de son parti. La cause sahraouie est très chère pour une écrasante majorité d’Espagnols. Beaucoup tiennent à leur responsabilité culturelle, historique et légale dans la décolonisation du Sahara Occidental ».
« La trahison de Pedro Sanchez ne pouvait en effet pas rester sans conséquences. Le PSOE, à sa naissance était républicain. Et le voilà aujourd’hui prosterné aux pieds d’une monarchie, qui plus est corrompue et dirigée par des maitres chanteurs ».
« Curieusement, on ne s’offusque plus face à certaines choses graves qui se passent en Espagne ou à ses frontières. Voilà où les a menés la politique de Pedro Sanchez ».
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
La Patrie News : Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol et du PSOE, vient de subir une cuisante défaite aux élections locales. Quelle et ta réaction à chaud, comment expliquer cette descente aux enfers, et quelles en sont les conséquences directes et immédiates attendues ?
Esteban Silva Cuadra : A mon avis, les socio-démocrates, malgré leur alliance avec la gauche véritable représentée par Podemos, ou à cause de celle-ci justement, ont été fortement affaiblis. Les premières conséquences à tirer de cette cuisante et humiliante défaite, c’est que ce gouvernement a eu beau se prétendre être de gauche, il n’en a pas moins appliqué un programme de droite, antisociale et antipopulaire. Il en subit tout naturellement le retour de flamme et la sanction populaire via la voie démocratique des urnes. Il n’y a jamais eu de changement de la méthodologie en matière de gestion, et sur le plan économique. Dans le même temps, il n’y a pas eu d’ouverture des espaces d’expression populaire pour les Espagnols. Pedro Sanchez Castejone n’a pas agi différemment de ce que fait la droite classique, tant politique qu’économique. Le résultat est toujours le même. A savoir, la progression de la droite et de l’extrême droite. Je dirais même que Pedro Sanchez a ouvert la voie à l’arrivée au pouvoir du fascisme en Espagne. Il a tellement déçu l’électorat, et une grande partie de la population espagnole, à commencer par la classe populaire et ouvrière, qu’aucun travailleur n’a ressenti le moindre changement dans son niveau de vie avec la gestion de ce gouvernement en matière de salaire, d’habitat… finalement, la relation entre le capital et le travail, n’a profité qu’à la classe minoritaire possédante. Ceci, d’une part. De l’autre, il ne faut pas oublier que ce gouvernement de Pedro Sanchez est farouchement défenseur de l’OTAN et de sa guerre contre la Russie. Cette totale subordination et soumission à l’OTAN et aux USA a elle aussi été châtiée et dénoncée dans ce vote et cette défaite humiliante du gouvernement de Pedro Sanchez. Le troisième point, qui a fortement pesé dans la balance de cette sanction populaire, c’est la trahison de la cause sahraouie par le PSOE et le gouvernement de Pedro Sanchez. Au sein de la société espagnole, il existe un courant très puissant qui soutient le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Ce courant, majeur au sein de la société espagnole, n’arrive toujours pas à comprendre les raisons de la trahison de Pedro Sanchez. En effet, il n’a absolument rien obtenu en échange de sa trahison. Le Maroc accentue en effet sa pression sur l’Espagne concernant Ceuta et Mellila. La défaite de Pedro Sanchez est totale, et sur tous les plans, politique, gouvernemental, médiatique, géostratégique et électorale. Même la gauche traditionnelle, celle de Paolo Iglisias, a pris ses distances concernant le positionnement de Pedro Sanchez sur le Sahara Occidental, mais aussi sur son approche relative à la guerre en Ukraine, avec sa subordination enthousiaste aux forces impérialistes de l’OTAN.
Et qu’en est-il de la subordination totale de Pedro Sanchez au diktat marocain, qui s’affiche au grand jour avec de plus en plus d’arrogance, sachant que le dernier exemple en date est l’immixtion marocaine dans les élections espagnoles à Mellila ?
Les dirigeants marocains ne reculent devant aucune infamie pour servir leurs desseins immoraux et contraires à la légalité internationale. L’Espagne est sous la domination totale du Maroc. Aucun analyste n’arrive à comprendre cela. Madrid est sous l’emprise d’un royaume marocain corrompu et corrupteur, qui est aussi habitué à acheter les voix et les consciences. D’autant que le Maroc est connu pour être un Etat répressif, qui viole au grand jour les droits de l’Homme, de sa propre population, et pas seulement des Sahraouis. Cela, au niveau des territoires qui sont illégalement occupés. Les secrets de cette inféodation espagnole au Maroc échappent à tout entendement logique. Peut-être que cela est dû à la femme de Pedro Sanchez, ou bien de son entourage. Bon nombre de cadres et d’élus du PSOE sont des lobbyistes au service du Maroc en Amérique Latine. Nous les connaissons bien, et les affrontons régulièrement sur le terrain. Certains d’entre eux agissent carrément en contradiction des intérêts même de l’Espagne. Je rappelle aussi que la sociale démocratie est devenue néolibérale aujourd’hui. Ce courant politique historique est tourné vers la droite partout en Europe. Pedro Sanchez est devenu depuis peu président de l’Internationale Socialiste. Cela sous-tend et sous-entend beaucoup de choses. Toute la sociale démocratie en Europe traverse sa phase finale d’une très grave crise idéologique. Ce courant est désormais au service des multinationales et des intérêts impérialistes des USA et de leur complexe militaro-industriel. Bref, pour moi, la défaite de Pedro Sanchez est aussi celle de la sociale démocratie européenne. Preuve en est que la gauche indépendantiste en Espagne, Bildo, a obtenu son meilleur score depuis sa création. Ce mouvement conquiert de plus en plus de voix et d’espace aux dépends du PSOE. Certes, on assiste en même temps à la montée de la droite du Parti Populaire, la Vox. Tout est en train de bouger. On assiste même à une inquiétante émergence de l’extrême droite. Cela, à cause de la trahison par le PSOE de ses idéaux originels.
En convoquant dans l’urgence des élections pour juillet, Pedro Sanchez ne s’est pas accordé de temps pour tenter de sauver les meubles du PSOE. Quels pourraient être les résultats de ce vote, déterminant pour la position officielle de Madrid vis-à-vis de la question de décolonisation du Sahara Occidental ?
Si on prend les actuels résultats de ce vote et qu’on les projette, il est vrai que les chances et les potentialités de la droite ont sensiblement augmenté. Mais il est impossible pour le moment de prédire à l’avance la couleur politique du futur gouvernement espagnol. La politique du Makhzen est basée sur le chantage. Elle se base sue l’achat et le recrutement d’agents et d’eurodéputés. On a bien vu ce qui s’est passé avec le scandale qui a récemment éclaboussé le Parlement européen. Les eurodéputés corrompus sont des socio-démocrates, tous issus du PSOE s’agissant de l’Espagne. Il est évident qui si on pousse plus loin les investigation, on va trouver beaucoup plus de pays, de responsables et d’eurodéputés corrompus par le Makhzen. En Amérique Latine, continent que je connais très bien, beaucoup de parlementaires sont corrompus par le Maroc. Mais, cela ne se voit pas toujours. L’on fait face à pas mal de scandales latents. Pour peu que l’on veuille se donner la peine d’enquêter, d’interroger, et de tenter de saisir les raisons de certaines décisions, ma foi, irrationnelles. Bref, la politique extérieure du Makhzen a toujours été basée sur le chantage et la corruption. Ce n’est pas tout. Le gouvernement espagnol, quelle qu’en soit la couleur politique, est en position de faiblesse par rapport à l’émigration clandestine. Partant de ce constat, il me semble que c’est la droite espagnole qui a le plus de possibilités et de liberté de manœuvre. En face, il y a aussi la croissance de la gauche républicaine, tels que les Basques de Bildo. La gauche espagnole authentique est obligée, enfin, de se démarquer de la politique suicidaire du PSOE.
Après le vote de juillet, y a-t-il une chance que l’Espagne revienne à la légalité internationale, et assume sa responsabilité légale et historique liée à la décolonisation du Sahara Occidental ?
Certes, c’est ce que j’espère. Mais cela ne pas forcément dire que c’est ce scénario idéal qui va se concrétiser sur le terrain. Certes, les conditions sont réunies pour une totale défaite sans appel de Pedro Sanchez et de son parti. La cause sahraouie est très chère pour une écrasante majorité d’Espagnols. Beaucoup tiennent à leur responsabilité culturelle, historique et légale dans la décolonisation du Sahara Occidental. Beaucoup soutiennent en effet le combat juste du peuple sahraoui pour son indépendance, et récupération totale de sa souveraineté. A cela j’ajoute les impacts négatifs qu’a eus la décision souveraine sur le gel de son traité d’amitié et de coopération. Les pertes économiques et financières en sont énormes sur bon nombre d’entreprises espagnoles. Cela va très certainement influer sur les résultats du scrutin du mois de juillet prochain. La trahison de Pedro Sanchez influe don négativement contre tout le peuple espagnol. Il s’est aussi inscrit en faux contre le Sénat, le Congrès, ainsi que la plupart des partis politiques, syndicats et organisations sociales. Je pense et j’espère que les acteurs politiques et électeurs espagnols feront le bon choix cette fois-ci. En attendant, Pedro Sanchez a placé l’Espagne dans une situation très difficile.
Justement. Il me semble en effet que le futur gouvernement aura à faire face à un dilemme cornélien. S’il revient à la légalité internationale, le Maroc, champion du chantage et de la corruption, peut jouer à fond la carte de l’émigration, comme il l’avait fait lors de l’hospitalisation du président Brahim Ghali. Un avis sur ce dilemme, ou cette croisée des chemins ?
Cette menace est plus vraie et probable que jamais. D’où la nécessité de dresser un bilan, et de tirer les conséquences qui s’imposent. La trahison de Pedro Sanchez ne pouvait en effet pas rester sans conséquences. Le PSOE, à sa naissance était républicain. Et le voilà aujourd’hui prosterné aux pieds d’une monarchie, qui plus est corrompue et dirigée par des maitres chanteurs. Il n’est pas possible de se prétendre de centre-gauche, et continuer en même temps de soutenir une monarchie qui nie la république, et les principes républicains. En tous cas, les Marocains se sont bien payés la tête de Pedro Sanchez, puisqu’ils clament aujourd’hui que Sebta et Millila leur appartiennent. Et j’insiste pour relever que je n’ai pas entendu Pedro Sanchez ou bien José Manuel Albares dire un seul mot contre ces revendications territoriales du Maroc. Accepter en silence cette humiliation a précipité et aggravé la défaite électorale du 28 mai passé. Le criminel massacre de Mellila, commis au mois de juin de l’année passée par des soldats et policiers marocains avec la complicité de leurs homologues espagnols, n’a toujours désigné aucun responsable. Donc, oui, le Maroc peut lâcher des milliers de migrants pour se venger si l’Espagne revient vers la voie de la légalité internationale. mais, n’est-ce pas là le prix à payer de la trahison de Pedro Sanchez… curieusement, on ne s’offusque plus face à certaines choses graves qui se passent en Espagne ou à ses frontières. Voilà où les a menés la politique de Pedro Sanchez.