Entretien
Fabrice Mengotti, réalisateur français : « L’intérêt de Paris est de balayer la question sahraouie sous le tapis ! ».
Fabrice Mengotti est un réalisateur français qui maitrise à la perfection la question sahraouie. Il y a consacré des dizaines de reportages et d’entretiens, que l’on peut visionner sur sa chaine Youtube. Dans cet entretien, il met à nu l’inféodation de beaucoup de politiques et de médias au régime marocain. Il raconte le rejet de ses travaux hautement professionnels, rejetés par de grandes chaines françaises dans le seul souci de ne pas gêner ou mettre en colère le voisin marocain. Cet homme, qui regarde le monde à travers le prisme d’une caméra, raconte ses expériences et ses voyages très riches et enrichissants en Syrie, en Palestine et dans les territoires occupés. Des similitudes sont mises en exergue entre les occupations marocaine et israélienne. Quant à l’apartheid, il a sa façon bien à lui d’en parler. Quoique excessivement long, cet entretien est à imprimer et à archiver, comme beaucoup que j’ai déjà réalisés avec des professeurs, des militants et des diplomates.
« Je n’ai pas le sentiment que les Sahraouis soient des Marocains ».
« Il y a un texte daté du 18e siècle dans lequel le sultan marocain de l’époque écrit au roi d’Espagne lui expliquant qu’il n’a aucune souveraineté sur les terres du Sahara Occidental ».
« On nous rabâche les oreilles avec l’annexion d’une partie de l’Ukraine par la Russie. Mais en même temps, Eric Ciotti et Rachida Dati viennent nous dire que l’annexion du Sahara Occidental par le Maroc ne serait pas un problème ».
« L’intérêt de la France est de balayer la question sahraouie sous le tapis ».
« Paradoxalement, les Marocains développent les mêmes idées et éléments de langage que les Israéliens pour perpétuer leurs colonisations respectives. On a droit à la même rhétorique. A savoir, qu’avant 1948, il n’y avait pas d’identité palestinienne. Idem pour le Maroc, qui prétend qu’il n’y aurait jamais eu de Sahara Occidental avant l’invasion de 1975 ».
« Il y a collusion entre les pouvoirs politique et médiatique. J’ai moi-même sollicité des médias pour aborder la question du Sahara Occidental. J’avais dans ma démarche le soutien d’une société de production. Si cette société a fini par m’abandonner, c’est qu’elle s’est retrouvée face à un mur ».
« Prenez l’exemple de Bachar El Assad. Il a tenu droit dans ses bottes depuis 2011. Il a sauvé la Syrie, et a rassemblé la quasi-majorité des Syriens derrière lui ».
« Les Israéliens, dont le pays n’existait même pas en tant que tel en 1948, se sont installés de force en Palestine sans demander l’avis de ses occupants originels. Ils ont fait leur ce territoire. Les Palestiniens sont victimes de la politique israélienne. Il est impossible de soutenir le contraire ».
« En France en ne parle des Palestiniens que s’ils sont musulmans, et de préférence islamistes ».
« Il y a des étudiants bénéficiant d’une bourse d’étude à l’étranger, qui ne peuvent retourner chez eux à Jérusalem (Al Qods) qu’en qualité de touristes. Les exemples similaires sont légions. Il ya « désarabisation » effrénée de Jérusalem. De nombreux enquêtes et reportage pointent cet inquiétant constant. C’est en fait une épuration ethnique déguisée. ».
« Mis à part le décor de Disney Lan à Laâyoune ou Dakhla, les bidovilles vous sautent au nez dès que vous-vous éloignez des zones côtières. Le magazine Tel Quel y avait d’ailleurs consacré un reportage. A part le fonctionnaires et quelques commerçants, le Sahara Occidental n’est pas du tout cet eldorado promis par Hassan II à l’appui de sa marche verte ».
« Il faut aussi rappeler que l’Espagne a déjà trahi le peuple sahraoui une première fois à travers les accords de Madrid. Les autorités espagnoles ont toujours joué double jeu dans le dossier sahraoui. Les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts ».
« Le roi marocain ne pourrait jamais garder son trône s’il reconnaissant un jour que le Sahara Occidental. Il a lié le devenir de la monarchie à cette présence coloniale. Il serait renversé ou assassiné dans les jours qui suivraient cette déclaration ».
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
La Patrie News : Vous êtes cinéaste, et avez consacré plus d’une vingtaine de documentaires au Sahara Occidental, disponibles sur votre chaine Youtube, dont le lien est donné pour nos lecteurs à la fin de cet entretien. Alors, à quoi est dû cet intérêt, alors qu’en France on occulte volontiers ce sujet pour diverses raisons que nous allons certainement aborder ?
Fabrice Mengotti : Je suis journaliste-reporter d’images. J’ai travaillé dans plusieurs rédactions en qualité de pigiste. A ce moment, j’au voulu m’orienter vers le documentaire. Parce que je ressentais une certaine frustration en réalisant des reportages formatés d’une minute trente. Pour moi, il est impossible de tout dire en ce laps de temps très court. Seule le documentaire m’offrait cette perspective enrichissante. Alors, il m’a fallu chercher vers quel sujet essentiel je pouvais m’orienter. Comme je suis diplômé des hautes études politiques à Paris, j’ai été amené à me pencher sur les conflits dits de basse intensité, notamment celui du Sahara Occidental. Ce sujet avait été survolé dans un cours, qui ne rentrait en profondeur dans ses causes multiples. C’est là que ce sujet oublié ou occulté m’est revenu en tête. J’ai cherché à savoir où on en était avec ce conflit. J’ai cherché à savoir si des reportages avaient été réalisés récemment. Je me suis rendu compte que très peu de personnes s’étaient intéressées au Sahara Occidental. Je me suis dis que c’était une bonne occasion pour moi d’approfondir le sujet. J’ai commencé par mener des recherches en bibliothèques. Plus tard, j’ai pu me rendre dans les camps de réfugiés de Tindouf. J’en ai profité pour mener mes premières interviews. De fil en aiguille, je suis rentré en France. Et j’ai cherché à présenter un documentaire à des sociétés de production. Pour cela, il m’a fallu écrire un dossier de production. Je suis donc retourné en bibliothèque, où j’ai approfondi le sujet. Vous savez, on commence par mettre le petit doigt, et c’est tout le bras qui suit. L’engrenage finit par vous entrainer tout entier. Ce sujet est passionnant. A côté de cette affaire d’occupation marocaine, il y a toute une affaire de culture, de coutumes, des choses que l’on ne connait pas. C’est un monde étrange et nouveau pour un français comme moi. En France, les gens ne connaissent pas le Sahara Occidental, et n’en entendent que rarement parler. Les médias n’en parlent pas. J’ai beaucoup voyagé, même si j’estime que cela n’est jamais suffisant. J’ai vu le Maroc, l’Algérie, la Syrie, la Palestine. J’avoue que la culture de ces régions me fascine. Par exemple, mon séjour d’un mois en Syrie m’a émerveillé.
Au fil du temps, de vos recherches, de vos interviews et de vos voyages, vous avez dû vous forger une opinion sur ce conflit, ou cette affaire de décolonisation. Quel est-il ?
J’ai en effet interviewé différentes personnes, qui ont chacune leur propre regard. Il s’agit d’universitaires comme Yves Lacoste, la militante Khadidja Mohcen, Barbier, ex-indépendantiste qui, avec l’âge, est viré vers l’autonomie… je n’ai pas le sentiment que les Sahraouis soient des Marocains. Je termine à l’instant l’ouvrage de m’ethnologue Sophie Caratini, qui a rencontré des gens du Polisario en 1975 du temps de la guerre et du retrait des Espagnols. Elle rapporte que les Sahraouis lui ont dit qu’ils ne sont pas des marocains, et n’avoir jamais prêté allégeance au royaume. Il ya aussi les avis de la Cour Internationale de Justice. Quoique mi-figue mi-raisin, cet arrêt conclut que ce territoire n’est pas marocain. Elle ne reconnait aucune souveraineté du Maroc sur ce territoire. Jusqu’aujourd’hui, les Sahraouis des camps, et ceux des territoires occupés, ne se reconnaissent pas comme marocains. Certes, ils y a des Sahraouis qui se prétendent marocains. Mais ils sont très rares. J’ai pu m rendre à Laâyoune, Dakhla et Smara. Tout les gens consultés me disaient nous ne sommes pas des sahraouis. Nous ne voulons pas vivre sous le joug du Maroc. Donc, non, le ne pense pas que les Sahraouis soient des Marocains. D’ailleurs, c’est à eux de décider. Moi, je ne suis qu’un simple réalisateur. Il y a un texte daté du 18e siècle dans lequel le sultan marocain de l’époque écrit au roi d’Espagne lui expliquant qu’il n’a aucune souveraineté sur les terres du Sahara Occidental. Ses populations n’ont jamais prêté allégeance au trône alaouite. C’est aux Sahraouis de décider de leur avenir, et à personne d’autre. L’ONU a bien inscrit ce territoire sur la liste des territoires non-autonomes devant faire l’objet d’un référendum d’autodétermination de leurs populations. Voilà ce que me disait le défunt M’hamed Khadad, coordinateur du front Polisario avec la MINURSO : « tout cela, c’est une affaire d’intérêts. Il s’agit de ceux de certaines grandes puissances mondiales. Ces puissances ne veulent pas que le Sahara Occidental devienne indépendant ». C’est aussi simple que cela. Ce n’est pas parce que le Maroc occupe le Sahara Occidental depuis 50 ans que celui-ci deviendrait marocain. Non, certainement pas. Quand bien même on se rangerait à la thèse de l’historien Bernard Légand, invité de tous les plateaux télé en France, qui prétend que le territoire marocain s’étendrait jusqu’à Tombouctou. Eh bien, si le peuple sahraoui veut arracher son indépendance, il en a bien le droit. Qu’en est-il du principe intangible des frontières, pleinement reconnu par l’OUA et, plus tard, par l’UA ! J’ajoute à cela le principe du droit des peuples à disposer librement d’eux-mêmes. On nous rabâche les oreilles avec l’annexion d’une partie de l’Ukraine par la Russie. Mais en même temps, Eric Ciotti et Rachida Dati viennent nous dire que l’annexion du Sahara Occidental par le Maroc ne serait pas un problème. Ces gens de mauvaise foi oublient que l’Ukraine n’st pas un royaume millénaire. Les grandes puissances sont aujourd’hui empêtrées dans leurs propres contradictions. L’intérêt de la France est de balayer la question sahraouie sous le tapis. L’ancien président Jacques Chirac entretenait des liens très étroits avec la famille royale marocaine. Alors, la France occulte ce dossier de décolonisation pour ne pas se froisser avec l’Algérie. Les USA ont aussi une influence considérable sur les décisions mondiales. Or, actuellement, il n’ya personne qui soit capable de leur tenir tête. Il est hélas question de droit international et d’engagements des Nations-Unies concernant la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Paradoxalement, les Marocains développent les mêmes idées et éléments de langage que les Israéliens pour perpétuer leurs colonisations respectives. On a droit à la même rhétorique. A savoir, qu’avant 1948, il n’y avait pas d’identité palestinienne. Idem pour le Maroc, qui prétend qu’il n’y aurait jamais eu de Sahara Occidental avant l’invasion de 1975.
A côté des Politiques qui gèrent les affaires d’Etat suivant des intérêts plus ou moins occultes ou avouables, il ya aussi l’omerta imposée par les médias hexagonaux sur le dossier sahraoui. Pourquoi ce silence complice ?
Il y a collusion entre les pouvoirs politique et médiatique. J’ai moi-même sollicité des médias pour aborder la question du Sahara Occidental. J’avais dans ma démarche le soutien d’une société de production. Si cette société a fini par m’abandonner, c’est qu’elle s’est retrouvée face à un mur. Certes, le site web du Monde s’était engagé à diffuser mon documentaire qui devait être diffusé initialement à la télévision. Aucune chaine n’a accepté de diffuser mon documentaire. Je dis bien aucune. Avant cela, j’ai démarché des chaines comme TF1, France2, pour un premier reportage qui m’aurait permis d’obtenir un début de financement pour la poursuite de mon travail et rembourser un premier séjour que j’avais entièrement financé de mes deniers. Voyez jusqu’où allait ma naïveté à l’époque. Aucune réponse à mes sollicitations. J’ai contacté la directrice de France24 arabe Nahida Nakad. Elle a fait montre d’un intérêt modéré pour ma proposition, ajoutant que la décision finale était celle du DG de cette chaine, Albert Ripamonti ce monsieur m’a clairement indiqué qu’il n’y avait pas lieu de faire un sujet sur la question du Sahara Occidental. Pour lui, ce territoire appartiendrait au Maroc. Alors, j’ai voulu orienter le sujet sur les droits de l’Homme. Il m’a ri au nez, alors que je lui faisais part des interviews que j’avais déjà réalisées. Il y est question de viols, de tortures, de disparitions forcées, de procès iniques… oui, ce monsieur m’a ri au nez. A l’en croire, il s’agirait de propagande contre le Maroc. Pour lui, ce royaume ne serait pas comparable à la Birmanie. Ces gens ne sont pas nommés pour leurs compétences, mais pour leur servilité au pouvoir politique. Ils dinent ensemble. Passent leurs vacances ensemble. Patrice lucchini directeur de la rédaction de l’agence Tony comiti qui a proposé mon reportage sur le Sahara occidental aux deux responsables de l’émission Envoyé Spécial, madame Françoise joly et guilaine chenu qui refusèrent catégoriquement selon ce qu’il m’a dit.
Justement, je voulais lier ces scandales à l’affaire BFMTV et le Maroc-gate…
Rachid M’Barki s’est pris les pieds dans le tapis. A partir du moment où l’affaire a été médiatisée, la direction de cette chaine n’avait pas d’autre choix que de se débarrasser ce maillon faible. Ce scandale ne met pas en valeur la prétendue liberté de BFMTV. Cette chaine ne diffuse pas pour autant des reportages objectifs sur le Sahara Occidental. Ils se sont débarrassés de ce journaliste encombrant pour feindre d’être libres et indépendants alors qu’ils ne le sont pas du tout. Vous savez, à la limite, je ne reproche pas au Maroc de défendre ses intérêts. Je reproche à juste titre à la majorité des chaines françaises d’occulter le Maroc-gate. On ne sait même pas si des enquêtes sérieuses concernant la corruption par le Maroc de bon nombre de nos hommes politiques. On donne des leçons de morale aux pays du sud de la méditerranée, alors que les scandales de corruption ne manquent pas chez nous. Finalement, les Français ont les dirigeants politiques qu’ils méritent. Comparés à De Gaulles, Mitterrand et Chirac, qui traine tellement de casseroles qu’on aurait pu monter une cuisine de grand restaurant, Sarkozy, Hollande et Macron sont des petites gens. Carrément insignifiants. Prenez l’exemple de Bachar El Assad. Il a tenu droit dans ses bottes depuis 2011. Il a sauvé la Syrie, et a rassemblé la quasi-majorité des Syriens derrière lui. Il a fait face au monde entier, qui voulait le destituer et dépecer son territoire. C’est quand même une autre stature que nos actuels dirigeants. Certes, on peut discuter des droits de l’Homme. Idem pour Kadhafi. Sarkozy s’est déshonoré en ordonnant son assassinat pour effacer les preuves de sa corruption. Cela, après l’avoir reçu avec tous les égards. Ces gens n’ont ni morale ni dignité. A voir le nombre de manifestations contre Macron, les Français nous signifient qu’ils se rendent bien compte qu’ils sont gouvernés par des petits.
Vous avez pointé d’intéressantes similitudes entre les occupations marocaine et israélienne. Pouvez-vous développer un peu plus cette très intéressante approche ?
Sans être chercheur, ni expert en la matière, ce parallèle est évident. Les Israéliens, dont le pays n’existait même pas en tant que tel en 1948, se sont installés de force en Palestine sans demander l’avis de ses occupants originels. Ils ont fait leur ce territoire. Les Palestiniens sont victimes de la politique israélienne. Il est impossible de soutenir le contraire. J’ai des images et des interviews. J’y suis allé et j’ai personnellement filmé. C’était pour la réalisation de l’ours d’un documentaire que je souhaitais réaliser sur les chrétiens de Palestine. Je me suis rendu à Jérusalem (Al Qods. NDLR), Bethléem et Ramallah. En France en ne parle des Palestiniens que s’ils sont musulmans, et de préférence islamistes. He bien, il existe des Palestiniens chrétiens dont personne ne parle. J’ai voulu leur donner la parole. Car, je sais que les Israéliens instrumentalisent ce sujet quand ils disent que les Chrétiens sont protégés et bien traités en Palestine. He bien moi, j’ai vu des gens qui doivent se lever tous les jours à 3 heures du matin, pour passer un checkpoint, contourner un mur en faisant 5 kilomètre de trajet pour se rendre à leur travail. Essayez d’imaginer, mais je pense qu’ils sont comme dans un hall de gare. Les gens sont parqués derrière des barreaux et des vitres blindés, tenus en joue par des snipers. Il y a des voyants rouges et verts. Les gardes derrière ces vitres appuient sur des boutons, et décident qui peut passer ou pas. Un groupe de 10 peut passer. Alors que plus personne ne passe pendant une heure ou deux. Pendant tout ce temps, ces gens attendent de passer pour aller gagner leur pain. S’il faut dix minutes pour aller de Ramallah à Jérusalem, les contournements des murs, et les passages des points de contrôles avec des miradors et des gardes armés, ces passages exigent jusqu’à dix fois plus de temps. A Bethléem, qui était chrétienne à 90% avant 1948, cette ville est devenue majoritairement musulmane. La raison en est toute simple. Les Israéliens y ont organisé la déportation de la population. Les changements des points de passage ont ruiné l’essentiel des commerces et activités artisanales locaux. Les touristes ne peuvent plus passer par cette artère, jadis animée et prospère. Ces commerçants et artisans qui n’ont plus de quoi subvenir à leurs besoins. De plus, ils ont en face d’eux un mur infranchissable, haut de huit mètres. La colonisation, qui donne l’air d’être aléatoire, est en fait méticuleuse, à l’image du point de croix en broderie. Des études sont réalisées en amont pour situer les endroits les plus prometteurs, où il y a des gisements naturels et des sources d’eau. Le mur infranchissable qu’ils ont construit suit scrupuleusement ces richesses géologiques ou hydrauliques. J’énumère en vrac ces exemples et échantillons. Comme touts ces paysans qui n’ont plus accès à l’au à cause de ces découpages arbitraires. Il y a des étudiants bénéficiant d’une bourse d’étude à l’étranger, qui ne peuvent retourner chez eux à Jérusalem (Al Qods) qu’en qualité de touristes. Les exemples similaires sont légions. Il ya « désarabisation » effrénée de Jérusalem. De nombreux enquêtes et reportage pointent cet inquiétant constant. C’est en fait une épuration ethnique déguisée. Les autorités israéliennes utilisent aussi le moyen détourné de lutter contre les immeubles en ruine pour déplacer de plus en plus de palestiniens natifs de Jérusalem loin de leurs lieux de résidence.
C’est aussi cette forme d’apartheid que l’ONG Amnesty Internationale a dénoncée dans un très long rapport. Avez-vous constaté des faits similaires ou approchants au niveau des territoires occupés sahraouis ?
L’apartheid renvoie à l’Afrique du Sud. C’est un mot qui a été galvaudé. Cela signifie « vivre à part ». Ceux qui défendent l’Etat d’Israël savent très bien détourner le sens des mots. L’apartheid, c’est du racisme qui est proche du nazisme. Déplacer les gens de force, oui, c’est de l’apartheid. Il faut être malhonnête intellectuellement pour oser soutenir le contraire. A peu près la même chose se produit au Sahara Occidental. Depuis, 1975, le Maroc transfère des populations du nord vers les territoires occupés. On a plus de 90.000 Marocains établis au Sahara Occidental depuis 1975. Ces transferts forcés avaient commencé du temps de Hassan II, qui voulaient garder les militaires dans le Sahara à cause des risques que ces derniers représentaient pour la stabilité de son trône. Hassan II, ainsi que Mohamed VI ont tenté d’éradiquer les bidonvilles marocains en faisant miroiter à leurs occupants défavorisés le prétendu eldorado que représentait pour eux le Sahara Occidental. Mais, su place, mis à part le décor de Disney Lan à Laâyoune ou Dakhla, les bidonvilles vous sautent au nez dès que vous-vous éloignez des zones côtières. Le magazine Tel Quel y avait d’ailleurs consacré un reportage. A part les fonctionnaires et quelques commerçants, le Sahara Occidental n’est pas du tout cet eldorado promis par Hassan II à l’appui de sa marche verte. Même si ces gens voulaient désormais rentrer chez eux, ils n’en ont plus les moyens.
Pour Eric Ciotti et Rachida Dati, le Maroc aurait accompli des miracles au Sahara Occidental qui, pour eux, en deviendrait marocain de facto…
Cela nous ramène tout droit à la question de la corruption des hommes politiques français, déjà évoquée précédemment. Dati est en partie marocaine. Quant à Ciotti, il change d’avis comme on change de chemise. Selon ses intérêts, il va dénoncer ce qu’il soutenait la veille. Il faut prendre avec des pincettes ce qu’il dit. Il s’exprime en prévision des élections. Il va y avoir les européennes, suivies par les municipales. Il est à la tête d’un parti politique qui est pour ainsi dire moribond. Ses dirigeants s’entredéchirent. Quant à la probabilité que Ciotti devienne un jour président, il peut toujours courir. Cela me rappelle un membre de son parti, décédé, qui était très drôle, et qui a dit un jour que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Il s’agit de Charles Pasqua. Quand à Rachida Dati, elle a atteint les limites de ses maigres compétences en se faisant élire au 7e arrondissement de Paris. On ne peut dire non plus qu’elle ait brillé quand elle était ministre de la Justice sous Sarkozy. Elle a été filmée à son insu par M6 quand elle était eurodéputée, et disait s’emm… au siège du Parlement européen. Ce sont des gens qui n’on aucune envergure. Quant à Eric Ciotti, il n’est même pas capable d’imposer un minimum de discipline dans les rangs de ses élus. Ce qu’il en reste du moins. Avant de prétendre devenir chef de l’Etat, il faudrait d’abord qu’il puisse gérer correctement son parti, qui a réalisé un score de moins de 5% aux dernières élections présidentielles. Il a pas mal de chemin à parcourir avant d’arriver au second tour de la présidentielle française.
Vous qui connaissez et suivez de près le dossier sahraoui, pensez-vous qu’au plan strictement pratique et technique la tenue d’un référendum d’autodétermination soit encore possible ?
La tenue d’un référendum est toujours possible. Il suffit de s’en donner les moyens techniques et politiques. La population sahraouie a déjà été recensée au Sahara Occidental. En 1991 l’envoyé personnel du SG de l’ONU, James Baker, avait procédé au recensement des populations admises à voter. Les Marocains avaient fait opposition à cette liste pour tenter de gagner du temps, et contrarier la tenue de ce référendum. La problématique réside dans l’actualisation de cette liste, et est-ce qu’il faut en exclure les Maroc débarqués massivement au Sahara Occidental. Je n’ai pas de réponse à cette épineuse problématique. C’est aux Nations-Unies et aux deux parties en conflit de décider et s’entendre sur qui doit participer ou pas à ce référendum. Une chose reste sûre : l’ONU a conclu que ce territoire non-autonome doit faire l’objet d’un référendum. Les instances internationales arrivent toujours à leurs fins quand elles sont sincères dans leur démarche.
Il faudrait peut-être accentuer la pression sur le Maroc afin qu’il mette un terme à sa mauvaise foi, et que l’Espagne ne se départisse pas de son statut de puissance administrante au regard du droit international…
Ben oui. Au regard du droit international, la responsabilité de l’Espagne est entière dans le parachèvement du processus de décolonisation du Sahara Occidental. Or, vous voyez bien que l’Espagne, mue par des intérêts que je ne maitrise pas, vient de prendre une décision contraire au droit international. Il faut aussi rappeler que l’Espagne a déjà trahi le peuple sahraoui une première fois à travers les accords de Madrid. Les autorités espagnoles ont toujours joué double jeu dans le dossier sahraoui. Les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts. Les Sahraouis sont relativement isolés. Ils n’ont pas assez d’amis qui les soutiennent. Kadhafi les a beaucoup aidés pendant longtemps. L’Algérie accueille aussi gracieusement les réfugiés, et défend l’application du droit international pour le règlement de ce conflit. Il y a plus de 80 Etats qui reconnaissent officiellement la RASD, ce qui n’est franchement pas négligeable. En revanche, certains Etats subissent un chantage ou bénéficient d’une corruption pour retirer ce soutien. Quand au conflit militaire, je n’ai pas de données concernant son déroulement ainsi que les rapports de force sur le terrain. Actuellement, on donne l’air de revenir à la situation d’avant 1991. Tout le monde s’arrange de ce qui se passe. On revient au même problème. On n’en parle pas, et on balaie la question sous le tapis. Le sort des populations sahraouies, ils s’en moquent comme de leur première chemise. Le business et les intérêts économiques finissent toujours par l’emporter. On réussit quand même à faire condamner le Maroc pour son pillage des richesses sahraouies et ses atteintes aux droits de l’Homme. Le Maroc et ses partenaires trichent avec de faux certificats de produits déclarés marocains, mais venant des territoires occupés sahraouis. Le roi marocain ne pourrait jamais garder son trône s’il reconnaissant un jour que le Sahara Occidental. Il a lié le devenir de la monarchie à cette présence coloniale. Il serait renversé ou assassiné dans les jours qui suivraient cette déclaration.
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