« Les principales dispositions contenues dans la Loi de finances de 2024, en matière fiscale, tendent essentiellement à renforcer et à protéger le pouvoir d’achat des citoyens et à améliorer, d’autre part, le climat des affaires, en encourageant l’investissement, créateur de richesses et d’emplois », a affirmé Mme Amel Abdelatif, Directrice Générale des Impôts, au cours de l’entretien qu’elle a bien voulu accorder à La Patrie News.
Une loi de finances essentiellement sociale
La Loi de finances de 2024 contient donc une multitude de dispositions qui tendent, dans leur majorité, à garantir des recettes fiscales suffisantes et à protéger le pouvoir d’achat des citoyens en premier lieu. « Parmi ces dispositions, il y a celles qui portent sur l’encouragement de l’investissement, le renforcement du pouvoir d’achat des citoyens, la mobilisation des recettes fiscales, la simplification des différentes procédures fiscales, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et, enfin, des mesures pour numériser les différentes procédures fiscales », souligne notre interlocutrice.
Ainsi, pour ce qui est de l’encouragement de l’investissement, la plus importante disposition est celle de l’annulation de la TAP (Taxe sur l’activité professionnelle), ce qui permettra aux opérateurs économiques de bénéficier d’une réduction de la charge fiscale, en assurant une inclusion financière et fiscale. « Il y a aussi l’encouragement de l’auto-entreprenariat par l’abaissement du taux de l’IFU qui passe de 5% à 0,5%, des exonérations fiscales en matière d’IFU sur l’activité de distribution et de vente du lait cru pour encourager la filière lait, encouragement également de certaines opérations sur le marché financier ainsi que des incitations portant sur l’assurance Takaful et l’annulation de la taxe d’efficacité énergétique concernant les produits fabriqués localement, destinés à l’exportation », ajoute Mme Abdelatif.
Amélioration du pouvoir d’achat
Comme annoncé plus haut, la Loi de finances pour 2024 apporte, dans son contenu, de nombreuses mesures destinées à la protection et à l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. Parmi ces mesures : « l’une des plus importantes a trait à l’exemption de la TVA pour les produits de large consommation, comme le riz, les légumes secs, les fruits et légumes frais, les œufs de consommation, le poulet de chair, la dinde ainsi que nombre d’autres produits largement consommés par le citoyen algérien », précise la Directrice Générale des Impôts. Tous ces produits sont exemptés de la TVA, à compter du 1er janvier 2024.
En parallèle, il y a la mobilisation de la ressource fiscale : « Il est nécessaire d’assurer un niveau de recette suffisant pour couvrir différentes dépenses », souligne notre interlocutrice. Parmi les mesures introduites afin d’améliorer les recettes fiscales, on peut citer la révision de l’impôt complémentaire sur les bénéfices des sociétés de production de tabacs ainsi que l’augmentation de la taxe additionnelle sur les produits tabagiques. En outre, et afin de compenser la moins-value résultant de la suppression de la TAP, qui était versée principalement aux communes, il a été rendu nécessaire de réviser l’affectation de certains droits et taxes destinés au budget de l’Etat, en prévoyant, désormais, le reversement d’une partie ou de la totalité de leur produit aux collectivités locales. On peut citer, à titre d’exemple, la Taxe sur les Produits pétroliers qui sera, dès à présent, affectée entièrement au profit des collectivités locales, en plus de 50% de la taxe de torchage et de la vignette automobile qui seront versés à la Caisse de Solidarité et de Garantie des Collectivités locales, afin de permettre à cette dernière d’assurer la solidarité inter-collectivités.
Lutte accrue contre l’évasion et la fraude fiscales
Dans le cadre de la lutte contre l’évasion et la fraudes fiscales, plusieurs dispositions ont été prises dans la LF 2024, parmi lesquelles l’instauration d’une pénalité pour défaut de tenue des registres de paie et pour retard dans la souscription de la déclaration de l’IFU. D’autres mesures et dispositions ont été arrêtées pour mener une lutte sans merci contre l’évasion et la fraude fiscales, afin d’assurer une équité fiscale et faire participer tous les contribuables à l’effort fiscal.
Toujours afin d’inciter les contribuables à s’acquitter de leurs dettes fiscales, « il a été décidé l’effacement des pénalités de retard (qui peuvent atteindre 25% du principal) pour toute dette dépassant les quatre années, à condition que le contribuable accepte de verser la totalité de sa dette, en une seule tranche ou selon un calendrier, conclu avec le receveur des impôts concerné, et ce, jusqu’au 31 décembre 2024 », annonce la Directrice Générale des Impôts.
Numérisation tout azimut
A l’instar de l’ensemble des institutions de l’Etat et en exécution des orientations du président de la république, la Direction Générale des Impôts a entamé sa mue numérique sur les chapeaux de roues et a finalisé une grande partie de la numérisation de ses services. « Dès l’entame de l’année 2023, nous avons accéléré la cadence de la mise en place du système d’information Jibaya’tic en parallèle avec la plateforme Moussahama’tic. Il faudrait peut-être rappeler que la stratégie de la DGI est d’offrir des services numériques qui répondent aux besoins de tous les utilisateurs, que ce soient des contribuables ou des agents de l’administration fiscale, étant précisé qu’il est important de renforcer la capacité de la DGI en ressource humaine, formée de manière à maitriser l’utilisation du système d’information », affirme notre interlocutrice.
Ainsi, Jibaya’tic est un système d’information intégré qui couvre toutes les fonctions de l’impôt, à partir de la création du dossier fiscal, l’immatriculation du contribuable, la gestion des déclarations fiscales, l’encaissement et le recouvrement de l’impôt, le contrôle des déclarations, la gestion du contentieux fiscal, et toute autre fonctionnalité liée à la gestion du dossier fiscal du contribuable.
« Actuellement, nous installons le système d’information au fur et à mesure que nous réceptionnons les infrastructures car ce système est dédié aux nouvelles structures de la DGI, à l’instar de la Direction des Grandes Entreprises, des Centres des impôts et des centres de proximité des impôts », explique encore Mme Abdelatif.
Par les chiffres, nous apprenons que 59 CDI sont programmés par la DGI, dont 46 ont été réceptionnés, 43 d’entre eux ayant été reliés au système Jibaya’tic « une avancée considérable en matière de numérisation », souligne la DGI. En plus, 244 centres de proximité ont été programmés, 146 ont été réceptionnés avec 33 d’entre eux dotés de Jibayatic. Il faut savoir qu’avant chaque déploiement de Jibayatic, on doit s’assurer de plusieurs pré-requis, à savoir la disponibilité de la fibre optique et de tout l’équipement informatique et technique nécessaire ainsi que la formation du personnel à l’utilisation de ce système.
« En attendant d’étendre la mise en place du système Jibaya’tic à l’ensemble du territoire national, la DGI a opté depuis 2021 à une solution transitoire en développant une plateforme, dénommée Moussahama’tic: « qui offre la possibilité aux contribuables de déclarer et de payer leurs impôts et taxes à distance, de manière sécurisée, par carte de paiement interbancaire CIB et EDAHABIA et par virement bancaire également », précise notre interlocutrice.
En outre, le site de la DGI permet d’accomplir plusieurs formalités, de télécharger les différentes déclarations, de calculer l’IRG foncier, en utilisant une calculette élaborée par les services de la DGI afin de faciliter les déclarations aux contribuables. « Nous avons aussi mis en ligne les prix de référence en matière de foncier et de transactions immobilières, pour éviter aux citoyens des situations de redressements fiscaux », explique-t-elle.
Une direction des relations fiscales internationales
« Avec les changements intervenus en matière fiscalité internationale, il était primordial de créer une Direction au niveau central dont les missions sont d’étudier les différentes questions liées à la fiscalité internationale ; il s’agit de la Direction des Relations fiscales internationales », annonce la DGI. Grâce à cette nouvelle direction, la DGI a réussi à s’ouvrir sur son environnement, en lançant plusieurs projets en matière de fiscalité internationale, afin d’améliorer les échanges entre les différentes administrations fiscales au niveau international car : « il était devenu nécessaire de mettre en place des procédures bien définies en matière d’échanges de renseignements, à l’effet de lutter efficacement contre l’évasion et la fraude fiscales à l’international et les flux financiers illicites», ajoute-t-elle.
Dans ce cadre, l’Algérie est devenue membre, depuis le 30 août 2021, du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales : « ce qui va nous permettre d’échanger différentes informations avec plusieurs pays membres du Forum, de bénéficier d’assistance en matière de fiscalité internationale, d’encadrer les opérations de contrôle des prix de transfert et d’élargir notre rayons d’échanges et d’exploitation de l’information fiscale de manière efficiente », précise-t-elle. La DGI a bénéficié d’un programme de renforcement de capacité de son personnel en matière d’échange de renseignements, qui a permis la formation de 80 cadres, dont 70 vérificateurs.
« Les fonctionnaires de la DGI sont là pour vous accompagner »
A la fin de son entretien, Mme Amel Abdelatif, Directrice Générale des Impôts, n’a pas manqué de remarquer que : « les contribuables ont une certaine crainte de l’administration fiscale, c’est normal et cela est constaté dans plusieurs pays du monde sauf que l’administration fiscale d’aujourd’hui a développé une autre vision. Bien que les missions de la DGI soient la mobilisation des ressources fiscales, le contrôle fiscal pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, d’autres missions sont au centre de ses préoccupations, dont l’accompagnement des contribuables. Il est important que la DGI renforce ses liens avec les contribuables et regagne leur confiance, dans la mesure où l’objectif ultime est de couvrir les dépenses publiques, lesquelles profitent à l’ensemble des citoyens par l’action publique de l’Etat. Les portes des services fiscaux, à travers l’ensemble du territoire national, sont ouvertes pour accompagner les entreprises et les citoyens, pour leur expliquer les différents dispositifs fiscaux et pour les assister en matière de paiement de leurs impôts et taxes. Il suffit que les contribuables se rapprochent de l’administration fiscale, pour bénéficier d’un accompagnement effectif et, devant la moindre difficulté, il conviendra d’utiliser les différents moyens de communications mis à sa disposition, soit par voie de mail ou par le biais des réseaux sociaux (Facebook, x (ex twitter), ou tout autre canal de communication, lui permettant de se rapprocher des services fiscaux », a déclaré Mme Amel Abdelatif.
Tahar Mansour