Entretien
M. Noureddine Mahboubi, procureur général près la Cour d’Oran
Garantir la sécurité et la quiétude du citoyen
L’indépendance et la modernisation de la justice sont les deux piliers de l’Etat de droit qui reprend ses … droits avec l’instauration de l’Algérie nouvelle, voulue par le peuple et par le président Abdelmadjid Tebboune qui s’est engagé à en asseoir les bases les plus solides possibles.
C’est dans ce cadre que le secteur de la justice a été le premier à entamer sa mue en procédant à la numérisation de l’ensemble de ses structures, une mue qui a eu un impact positif sur le service public offert au citoyen et sur le traitement des affaires par les magistrats, chacun dans son domaine.
Afin d’avoir une idée sur les grands changements intervenus dans ce secteur stratégique, M. Noureddine Mahboubi, Procureur Général près la Cour d’Oran a bien voulu nous entretenir de tout ce qui a été réalisé et de l’amélioration sensible du service public offert aux citoyens, notamment en matière de rapidité de traitement des affaires et d’autres facilités qui ont effacé toutes les contraintes rencontrées auparavant.
La Cour d’Oran, toujours plus près du citoyen
« La Cour d’Oran est constitué de 8 tribunaux et sa compétence s’étend à l’ensemble du territoire de la wilaya d’Oran composé de 26 communes et une population de plus de 2,300 millions de personnes. La Cour d’Oran comprend aussi un pôle pénal spécialisé avec une compétence s’étendant à 12 Cours de justice, ainsi qu’un tribunal commercial spécialisé compétent pour les Cours de Mascara et d’Ain Témouchent en plus de celle d’Oran », déclare M. Noureddine Mahboubi. Quant à la Cour d’Oran, elle est comprend une chambre pénale avec 8 sections, une chambre d’accusation avec deux sections, une chambre foncière avec deux sections aussi, une chambre commerciale, une chambre maritime, une chambre civile avec 4 sections, une chambre des mineurs.
Pour la ressource humaine : « 41 magistrats (procureurs de la république, procureurs généraux adjoints, procureurs adjoints) exercent au sein de la Cour d’Oran, en plus de 128 juges, 19 juges d’instruction et 578 fonctionnaires au niveau des greffes (dont 89 dans les corps communs) », explique notre interlocuteur. Il existe aussi quatre établissements pénitentiaires sous l’autorité de la Cour, dont deux pour la rééducation et la réinsertion, un établissement de prévention et un centre pour mineurs.
Des projets en réalisation
En plus des structures existantes, la Cour d’Oran a lancé plusieurs projets pour se rapprocher davantage des citoyens et offrir toujours des services meilleurs. M. le Procureur Général nous informe que : « il existe deux genres de projets : ceux judiciaires et ceux dépendant de la Direction des prisons. Pour les projets de structures judiciaires, il en existe trois en cours de réalisation : la réalisation et l’équipement du tribunal de G’Dyel dont les taux d’exécution sont arrivés à 98%, la réalisation et l’équipement du tribunal de Bir El Djir (un taux de 78%) et la réalisation l’équipement d’un tribunal administratif d’appel (un taux de 98%) ».
Concernant les projets de la direction des prisons, il existe celui de la réalisation d’un établissement pénitentiaire d’une capacité de 1000 lits dont le taux d’avancement des travaux a atteint 95%.
Traitement de graves affaires criminelles
La position particulière de la wilaya d’Oran fait qu’elle doit faire face à un grand mouvement de personnes de toutes conditions et de toutes les régions du pays. Sa proximité avec le Maroc et l’Espagne font que la criminalité transfrontalière y soit particulièrement présente et touche notamment le trafic de drogue et l’immigration clandestine, en plus de la criminalité ordinaire qui connait une hausse exponentielle. « En effet, la Cour d’Oran traite des affaires criminelles très graves, certaines dans le cadre de la justice normale, d’autres relevant du pôle pénal spécialisé », explique le procureur général. Parmi ces affaires, il y a la spéculation illicite (19 affaires traitées depuis le 2 janvier 2022), l’appropriation illicite des biens nationaux avec 73 affaires durant la même période, le trafic de stupéfiants avec 511 affaires, l’immigration clandestine avec 186 affaires, en plus de 2 affaires de tricherie aux examens officiels et 367 affaires liées aux accidents de la route.
« Ces affaires sont considérées comme graves car elles menacent la sécurité publique et de la société dans sa santé, sa quiétude, sa sécurité et sont traitées avec toute la rigueur nécessaire et les procureurs demandent les peines les plus élevées contre les contrevenants et usent de plusieurs procédures comme l’appel », affirme M. Noureddine Mahboubi.
Les saisies
Concernant les saisies, notamment des véhicules, le procureur général près la Cour d’Oran rappelle que : « c’est un axe auquel le ministère donne une grande importance et a été le thème de plusieurs rencontres avec M. le ministre de la justice, garde des sceaux, avec les responsables concernés afin de suivre de près l’opération de règlement des contentieux existants ». Cette opération est rendue nécessaire, ajoute notre interlocuteur, pour éviter l’accumulation des saisies dans les tribunaux et les fourrières communales, notamment pour les véhicules qui pourraient perdre de leur valeur vénale en subissant des détériorations ou en vieillissant.
« Cette opération a beaucoup avancé au niveau de la Cour d’Oran, puisque nous avons terminé les procédures pour 1153 véhicules (rendus à leurs propriétaires ou remis aux Domaines de l’Etat) sur un total de 1321 qui se trouvaient dans les fourrières communales. Pour les véhicules ne faisant pas l’objet de procédures judiciaires, 328 véhicules ont été libérés sur un total de 351 qui se trouvaient en souffrance au niveau de différentes fourrières communales. Quant aux véhicules importés temporairement par des étrangers et qui se trouvaient dans les fourrières ou chez les douanes algériennes, la Cour d’Oran a allégé les procédures pour des raisons humanitaires et les 22 véhicules concernés ont été rendus à leurs propriétaires suite aux demandes qu’ils avaient introduites auprès des autorités judiciaires.
Il apparait ainsi clairement que des efforts conséquents ont été fournis par les différents responsables de la Cour d’Oran pour régler cette problématique des saisies qui encombraient les fourrières et se détérioraient. « Je remercie vivement les procureurs de la république et les juges qui se sont dépensés sans compter pour assainir les saisies », souligne le président de la Cour.
Assainissement des mandats d’arrêt et des ISTN
« Il s’agit d’assainir la base de données concernant les mandats d’arrêt lancés à l’encontre de justiciables qui n’ont plus raison d’être parce le citoyen a réglé le contentieux avec la justice ou d’interdictions de sortie du territoire national qui ont été levées. Cette mesure vise essentiellement à assurer la liberté des personnes car, malgré que l’affaire qui a motivé le mandat d’arrêt ou l’ISTN ait été traitée, le nom de la personne figure toujours sur la base de données qui leur est dédiée et les services de sécurité se trouvent obligés d’exécuter l’ordre alors que la situation de l’intéressé a été apurée », explique notre interlocuteur.
Afin d’assainir complètement cette situation, des cellules de suivi ont été installées au niveau de chaque tribunal et une autre au niveau de la Cour. Ces cellules sont composées de représentants de la justice et de ceux de la police et de la gendarmerie nationale. Dans ce cadre, 95, 83 % des cas ont été assainis pour les mandats d’arrêt (4517) et 90, 19 % pour ce qui est des ISTN (46).
Numérisation des services
Le secteur de la justice a été le pionnier de la numérisation de ses services et a parcouru une grande distance dans ce sens, aussi bien pour son administration que pour les procédures judiciaires ou les services offerts au grand public. La Cour d’Oran n’est pas en reste : « en effet, la numérisation a permis d’aplanir toutes les difficultés rencontrées par le justiciable ou le citoyen qui se rendait pour ses affaires au niveau des institutions judiciaires. Elle a aussi permis de mettre en œuvre l’opération d’échange de documents et de requetés de manière instantanée, notamment grâce aux comptes ouverts pour les avocats. La numérisation a aussi facilité l’information en direction des justiciables et de l’aviser de tout ce qui le concerne, en plus de la numérisation des grosses des jugements au niveau du service des archives », précise le procureur général près la Cour d’Oran, M. Noureddine Mahboubi.
La mise en place d’un guichet électronique a été aussi une grande réussite très bien accueillie par les justiciables et les citoyens, notamment pour la délivrance du certificat de nationalité, de l’extrait du casier judiciaire ou d’une grosse de ses affaires dans un délai très court. D’ailleurs grâce à cette technologie, les justiciables et les avocats peuvent se faire délivrer les jugements et arrêts rendus par n’importe quelle juridiction à travers le territoire national sans avoir à se déplacer. Un avocat rencontré sur place nous affirme qu’il a son cabinet à Alger, qu’il habite Oran et qu’il n’a aucune difficulté à se faire délivrer les jugements rendus dans n’importe quel tribunal ou Cour à travers le territoire national.
Même l’organisation d’audiences par visioconférence est devenue chose courante, surtout lorsque le déplacement d’une partie du procès s’avère impossible pour diverses raisons (maladie, sécuritaire, etc…).
Cautions et frais judiciaires
L’assainissement du chapitre des cautions et frais judiciaires a été mené avec célérité par la Cour d’Oran qui l’a réalisé en deux phases : la première phase pour la période allant de 2010 à 2020 et la deuxième de 2000 à 2009.
Cette opération tend à assainir la situation des cautions se trouvant au niveau des tribunaux et de la Cour, soit par sa restitution au justiciable, soit par son versement au Trésor public, selon les cas. Pour la première phase (2010/2020), le Trésor a récupéré plus de 539 millions de centimes et la somme de 142 millions de centimes pour la deuxième phase, l’opération continue jusqu’à épuration de tous les contentieux.
La réhabilitation
La réhabilitation des personnes condamnées est d’une importance capitale pour faire recouvrer certains droits selon les conditions mises en place par la législation. « Afin de bénéficier d’une réhabilitation après avoir purgé sa peine, le justiciable doit constituer un dossier après avoir passé une période probatoire. Le dossier est constitué d’une demande du concerné adressé au procureur de la république qui transmet le dossier auprès des services du Procureur Général qui les présentent à leur tour devant la Chambre d’accusation », explique notre interlocuteur.
Il ajoute qu’actuellement, aucun dossier n’est au niveau de la Chambre d’accusation au moment où 10 dossiers sont en cours d’étude et de constitution auprès du service concerné qui les présentera dans les plus brefs délais à la Chambre d’accusation.
« La préoccupation première des magistrats et des fonctionnaires de la Cour d’Oran est d’offrir le meilleur service au justiciable et au citoyen, en privilégiant les affaires les plus importantes et les plus urgentes, afin de garantir la sécurité du citoyen, de protéger sa liberté, de faire sentir au citoyen la présence en force de l’Etat. Nos portes sont toujours ouvertes pour les justiciables, pour les citoyens, pour les membres des deux chambres du parlement afin d’écouter leurs doléances et de les prendre en charge », a clos M. Noureddine Mahboubi, le procureur général près la Cour d’Oran l’entretien accordé à La Patrie News.
Tahar Mansour