Exclusif
Rencontre avec le héros qui a sauvé du viol une jeune française : « Je suis l’antithèse de la meurtrière de Lola »
Par Mohamed Abdoun
Rahim Aissaoui est un nom qui ne dit peut-être plus grand-chose aux Algériens et Française des deux côtés de la rive méditerranéenne. Il n’en a pas moins vécu le pire et le meilleur. Son histoire ressemble à une vraie épopée homérique, ou carrément à un conte de fées. Natif du quartier populaire d’Hussein-Dey, il décide en 2019 de « griller » son visa en restant en France avec sa petite famille. Auparavant, ce père de trois enfants menait une existence relativement confortable et aisée. C’est l’absence de perspectives qui l’avait poussé à tenter le tout pour le tout. Son « odyssée » française a commencé par lui faire toucher le fond. Il a failli se retrouver dans la rue, avec sa femme, sa fille, et un nourrisson. Doté d’un cœur de « saint-bernard », Rahim aide volontiers son prochain. Même au fon du caniveau, il se montre prêt à donner la dernière baguette de pain qui lui reste, si l’autre en a besoin plus que lui. C’est sans doute cette empathie qui finira par le tirer d’affaire un jour. Son esprit bagarreur, mais juste, aussi. Un esprit, ma foi, typiquement algérien. Petit rappel des faits. Un jour qu’il se promenait avec sa petite famille, l’esprit soucieux, et ne sachant que faire pour se tirer d’affaire, son petit dernier lui fausse compagnie en se glissant dans l’anfractuosité d’un mur. « Je suis passé des dizaines de fois par ce mur sans penser à le franchir. C’est sans doute la main du destin qui m’a guidé vers ces lieux, et cette forêt déserte ». Il y tombe nez-à-nez avec une jeune femme, Mathilde, saignant abondamment, en train de se faire violer par un satyre armé d’un gros couteau. N’écoutant que son cœur d’Algérien prêt à voler au secours des autres, et au risque que ce violeur se retourne contre sa famille, il se lance vers lui, armé d’un bâton, et le force à lâcher prise. Tout s’est accéléré pour Rahim après. Il se met à faire la Une des journaux hexagonaux, et devient aussi l’ami de la famille de Mathilde. Toutes les portes s’ouvrent devant lui. Il est adulé et acclamé là où il va. Cela s’est passé au plus fort de la pandémie de coronavirus, ce qui a fait que le président Macron n’a pas pensé à lui accorder audience. C’est ce qu’il pense du moins. En tous cas, lui qui a largement participé à « l’effort de guerre » durant la pandémie en cousant des masques, est très impliqué avec plusieurs associations caritatives et humanitaires. Rahim a désormais ses « entrées » à la préfecture. Et il a même été reçu par notre consul général de Créteil, devenu ambassadeur plus tard. La charmante attention de ses hôtes français a fait qu’ils lui ont délivré ses papiers, sa carte de séjour, le jour de son anniversaire, doublé d’un délicieux entremet. De retour en Algérie, Rahim se précipite immédiatement pour se recueillir sur la tombe de sa défunte mère, qu’il n’a pu voir une ultime fois avant sa mort. Puis, RDV chez A, où l’on mange les meilleures grillades du monde, et sur lesquelles il a fantasmé des années durant. L’Algérie, bien sûr, il la garde au cœur. S’il s’est résigné à l’exil, lui qui n’était pas dans le besoin, et jouissait d’une situation sociale relativement stable et aisée, c’est à cause du népotisme et de l’injustice sociale qui gangrènent très profondément la société algérienne. Je tente une réplique austère, moi qui sais que les choses sont en train de changer dans le bon sens. Cela, même si le mal est profond, et que les tâches qui restent à accomplir pour sortir de l’ornière paraissent carrément surhumaines. Un travail pédagogique d’explication et de patience doit être entrepris afin que nos jeunes écervelés cessent de jouer à la roulette russe avec leur traversée de la mort. En Algérie, grâce à nos potentialités incommensurables, et au fantastique travail en train d’être accompli, le flux migratoire dont on parle amèrement sera bientôt inversé. Certes, il est facile de rêver et de philosopher, quand on a le ventre plein, et qu’on se gargarise de perspectives à tout le moins prometteuses. En attendant, Rahim tente d’explique que beaucoup de jeunes harraga, une fois arrivés en France, ou ailleurs en Europe, se rangent définitivement, se mettent à travailler, fondent une famille et se mettent ) travailler. Il se fait le défenseur des migrants algériens en quête d’un avenir meilleur en Occident : « je suis l’antithèse de la meurtrière de la jeune Lola. Cette Algérienne, dérangée et mal dans sa peu, a ôté une vie, j’en ai sauvé une. Car à voir et à me remémorer l’acharnement et les blessures de la jeune Mathilde, son agresseur allait finir par la tuer après lui avoir fait subir les pires sévices si je n’étais pas intervenu ». Ce constant est sans doute vrai. Cette poussée de fièvre raciste doit impérativement cesser. Darmanin, fils de Harki et ministre français de l’intérieur, doit freiner son raciste excès de zèle.
Une association pour renvoyer l’ascenseur…
Doté d’une empathie sans égal, Rahim ne caresse désormais qu’un seul et grand rêve, lui qui est devenu déjà grand-père, et qui me fait sentir involontairement le poids de mes ans. Ce rêve le voici. Fragile oisillon en quête de son envol, il tient dans le creux de la main, et se nourrit de l’amour que Rahim voue pour l’ensemble de ses prochains. Lui qui connait comme sa poche le mouvement associatif caritative, et qui y jouit de beaucoup de confiance et de respect, ne pense plus qu’à une chose : comment aider ceux qui sont passés par le même calvaire que le lien. Il en devine sans doute les besoins et les attentes mieux que personne. Les accompagnements psychologiques, matériels et administratifs qu’il se propose de fournir à tous ceux qui en ont besoin, peuvent aider à éviter pas mal de drames, et de déconvenues. « L’engagement des bénévoles qui sont avec moi est tellement grand que de nombreux enseignants à la retraite proposent de dispenser des cours gratuits aux migrants afin de mieux permettre leur intégration. Nourrir l’esprit et le ventre en même temps : tel est ce défi de « Dar Yemma77 », cette association dont le nom sonne fort dans le cœur de tous les Algériens qui en saisissent le sens et la puissance. Bref, l’escale algéroise de Rahim lui a été comme une sorte de bain de jouvence. L’Algérie, pays exceptionnel, tout comme ses habitants et propriétaires séculaires, est dotée du pouvoir de redonner force et volonté à ses enfants. Pour peu qu’ils en foulent le sol avec modestie respect…
M.A.