Francis Perrin, Directeur de recherche à l’IRIS à la Patrie news
« La consommation pétrolière va battre son record en 2023 »
Entretien réalisé par Mohamed Ait S.
La Patrie-news : La réunion de l’OPEP+ est prévue dans quelques jours. De nouvelles coupes ou un statu-quo ?
Francis Perrin : La prochaine réunion de ce que l’on appelle souvent l’OPEP+ (en fait, ce n’est pas une appellation officielle) aura lieu le 4 juin. Elle rassemblera les ministres du Pétrole ou de l’Energie des 23 pays de cette coalition, dont les 13 États membres de l’OPEP font partie.
La précédente réunion ministérielle de l’OPEP+ remonte au 4 décembre 2022. Pour cette réunion, rien n’est joué mais, comme vous l’indiquez dans votre question, les deux scénarios les plus probables sont le statu quo ou une nouvelle baisse de la production pétrolière des pays OPEP+. Parmi ces deux scénarios, le premier est un peu plus probable que le second. Certes, les prix du brut ne sont pas très élevés.
Le 31 mai en début de matinée à Londres, le Brent était entre $73 et 74 par baril. De plus, les tendances baissières restent fortes. Elles sont principalement liées aux inquiétudes sur l’évolution de la situation économique mondiale.
Les plus récents indices économiques chinois ne sont d’ailleurs pas enthousiasmants. Et la Russie continue à exporter beaucoup de brut et de produits raffinés.
À l’inverse, l’économie américaine se porte plutôt bien; la Maison Blanche et le président de la Chambre des Représentants viennent de trouver un accord sur le plafond de la dette fédérale des Etats-Unis ; l’OPEP+ avait déjà annoncé une réduction de sa production (de 2 millions de barils par jour – Mb/j) qui s’applique sur la période allant de novembre 2022 à la fin 2023 ; et huit pays OPEP+ ont décidé en avril 2023 des réductions volontaires supplémentaires totalisant 1,16 Mb/j à partir de mai et jusqu’à la fin 2023.
Comme la demande pétrolière mondiale continue à augmenter, il y a un risque d’insuffisance de l’offre par rapport à la demande au cours du second semestre de cette année. Le statu quo est donc plus vraisemblable mais pas certain.
Le président iranien Ibrahim Raisi a appelé à l’unité des membres de l’Opep face aux pressions occidentales, tout en espérant que les producteurs de pétrole membres de l’Opep pourraient « calmer le marché ». Y a -t-il réellement péril en la demeure ?
Du fait des pressions baissières évoquées ci-dessus, on ne peut pas exclure dans le court terme une chute des prix du pétrole. Ceux-ci ont d’ailleurs pas mal baissé dans les derniers mois. Rappelons que, le 14 avril, le prix du Brent était proche de $86 par baril.
Par contre, les fondamentaux du marché ne permettent pas de dire qu’il y a vraiment péril en la demeure pour les producteurs et exportateurs de pétrole. En 2023 en effet, la croissance de la demande pétrolière mondiale devrait être supérieure à celle de l’offre, ce qui pourrait contribuer à pousser les prix de l’or noir à la hausse. Les conséquences de la guerre en Ukraine vont dans le même sens.
Cette année, notamment au second semestre, le rapport de force entre producteurs et consommateurs de pétrole est plutôt à l’avantage des premiers. N’oublions pas que la consommation pétrolière va battre en 2023 son record qui remonte à 2019.
A présent, le prix du Baril reprend tout doucement sa tendance haussière. Quel baril aurons-nous d’ici fin 2023 ?
C’est une très bonne question à laquelle il n’est pas possible de répondre tant la formation et l’évolution des prix du pétrole sont des sujets complexes.
De plus, il y a une bonne part de géopolitique dans les prix du brut et celle-ci est imprévisible. Mais, si l’on en reste aux fondamentaux du marché pétrolier, le probable déséquilibre entre l’offre et la demande mondiale au second semestre sera un facteur haussier important. La décision que l’OPEP+ annoncera dans quelques jours pèsera aussi sur les cours du brut. Sans oublier l’évolution de l’économie mondiale dans les mois qui viennent. On ne connaît pas encore le deuxième élément de ce cocktail mais disons que la probabilité d’une hausse des prix du pétrole vers $80/b ou plus dans les mois qui viennent est plus grande que le scénario inverse. Mais restons prudents. Une seule chose est certaine : les cours de l’or noir n’ont pas fini de nous surprendre.