Eclairage
« L’année des dupe », ou l’histoire à rebours
Par Mohamed Abdoun
Un documentaire se basant sur le livre de Jacques Attali, paru aux éditions Fayard en 1999, intitulé « L’année des dupes », est revenu hier-soir sur avec des témoignages et des documents inédits sur le vécu des juifs d’Algérie durant le règne de Vichy entre 1940 et 194 et la fin de la seconde guerre mondiale. Il y décrit ce qu’il pense être le « calvaire » de cette ethnie à l’ombre de l’abrogation du décret Crémieu de 1870. Celui-ci, on s’en souvient, accordait la nationalité française, et des droits entiers, aux juifs d’Algérie. Son abrogation a donc transformé en « indigènes » ces juifs, au même titre que les Algériens. Tous les Algériens. Expropriés, interdits d’exercer certains métiers comme le notariat, la médecine, le journalisme, ou même d’être militaires. Ce « calvaire », on conçoit les contours et les conséquences humaines et sociales pour avoir vécu bien pire pendant plus d’un siècle d’occupation française. Ce qui choque, en revanche, c’est que ce documentaire, en voulant dénoncer la politique française basée sur le « diviser pour régner », tombe exactement dans les mêmes travers. Il ne s’appesantit en effet que sur le calvaire des familles Stora, Zemmour et autre, sans un seul mot de compassion envers les éternels « indigènes » que nous étions appelés à demeurer jusqu’à la fin des temps. Rien non plus sur l’application de ce décret, accepté de bonne grâce par les juifs d’Algérie qui, ce faisant, ont accepté volontairement de se couper de la communauté autochtone ou indigène et, partant, de « débarrasser le plancher » une fois notre indépendance arrachée au prix d’énormes sacrifices. Pas un mot non plus sur les fausses promesses de la France et les odieux massacres du 8 mai 1945. Cette façon d’écrire et de décrire les faits historiques à sa convenance est une forme viciée et inacceptable de falsification. Le pire, c’est que par-delà ces rétrospectives revisitées suivant ses choix et ses convenances, le documentaire évite scrupuleusement de signaler que l’entité sioniste créée en Palestine est un Etat raciste, criminel et terroriste n’ayant rien à envier aux anciens nazis hitlériens, ou aux dirigeants de la France d’antan. Voilà pourquoi la majorité des leaders politiques hexagonaux refusent obstinément d’entendre parler d’excuses ou de repentance. Leur justice, qui a condamné Papon, l’ancien préfet de Paris sous l’occupation allemande, pour quelques juifs déportés, a refusé de le faire pour les centaines d’Algériens désarmés, torturés à mort, jetés dans la Seine un certain 17 octobre 1961. Ce documentaire m’inspire de ce fait un incommensurable spleen. L’homme d’aujourd’hui aussi veule que celui d’hier, ne regarde la vérité que lorsqu’elle correspond à ses canons moraux. Cette conscience élastique se drape d’une forme d’immoralité dont la sordidité n’a rien à envier à celle des négriers des temps reculés. Reculés, dites-vous. En fait, pas tant que cela…
M.A.